|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Après plusieurs mois marqués
par des débats houleux au sein de l'Assemblée Nationale, la loi pour une
immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a
été finalement adoptée le 1er août 2018 par le Parlement. Le projet remis en
premier lieu par Gérard Collomb en Conseil des
ministres, plusieurs amendements ont été effectués avant l'adoption définitive.
Ce texte, ayant pour but premier d'améliorer la maîtrise de l'immigration sur le territoire, divise la majorité et révolte les associations de défense des droits des étrangers qui voient le texte comme une atteinte aux droits de ces derniers. Tout d'abord, si l'un des premiers sujets de discussion était l'éventuelle réduction du délai de recours en cas de rejet d'une demande d'asile, cette idée a été abandonnée. En effet, lorsque l'office français de protection des réfugiés et apatrides constate qu'une personne n'est pas éligible à l'asile, celle-ci dispose de trente jours pour déposer un recours devant la Cour nationale du droit d'asile. Les députés avaient voté pour la réduction de ce délai à quinze jours, mais le délai initial de trente jours a finalement été maintenu. Sur l'asile également, les bénéficiaires peuvent désormais travailler au bout de 6 mois, tandis que le délai était de 9 auparavant. Aussi, la loi dispose dorénavant de l'absence de recours suspensif pour les personnes originaires d'un pays dit « sûr » qui demandent l'asile, pour celles qui demandent un réexamen ou qui sont considérées comme présentant un trouble grave à l'ordre public. Mais dans un même temps, la loi exclut désormais des pays « sûrs » les pays qui sont connus pour maltraiter les homosexuels et les personnes transgenres. Dans cette politique des conditions d'existence des étrangers, à propos de l'encadrement des séjours en centre de rétention, le projet de loi impose un allongement de la durée de la rétention administrative des personnes en attente d'expulsion jusqu'à 90 jours, et ce y compris pour les familles accompagnées d'enfants mineurs et les personnes en situation de handicap. Aussi, le juge des libertés et de la détention doit intervenir quatre jours suivant le placement en rétention. Si certaines mesures paraissent être en faveur de l'étranger, ou du moins ne restreignant pas ses droits, la philosophie générale de ce projet de loi s'inscrit tout de même dans un durcissement des conditions pour la régularisation de sa situation et dans l'accès à la nationalité française. La principale illustration de ce propos est le changement des conditions d'obtention de la nationalité pour les nouveaux nés dans le département de Mayotte. Le droit du sol français permet en théorie pour toute personne née sur le territoire français l'accès à la nationalité française dès sa naissance ou plus tard lorsqu'il justifiera un séjour régulier de ses parents pendant cinq années si ces derniers ne sont pas nés sur le territoire français. Seulement le projet de loi impose une nouvelle condition pour les nouveaux nés sur le territoire de Mayotte, celle d'un séjour régulier d'au moins un des deux parents de 3 mois sur le territoire mahorais avant la naissance de l'enfant. Ce durcissement fut effectué pour répondre à l'afflux des femmes venues des territoires voisins qui venaient accoucher à Mayotte afin que leurs enfants puissent accéder à la nationalité française et éventuellement régulariser la situation de leurs parents, mais les associations de défense des droits des étrangers constatent une atteinte aux droits de ces familles. Certains sujets sensibles comme la question des quotas d'étrangers admis au séjour ou de l'aide médicale a été abordée lors des discussions à l'assemblées, seulement cette dernière maintient les dispositions précédentes; l'introduction de quotas votés par le Parlement n'est pas adoptée, et si le Sénat souhaitait supprimer l'aide médicale d'Etat utilisée par les étrangers en situation irrégulière, celle-ci est finalement maintenue par l'Assemblée. Enfin, tandis que le Conseil Constitutionnel avait dans une décision de juillet 2018 censuré au nom du «principe de fraternité» ce qu'on appelle le «délit de solidarité», délit consistant à sanctionner toute personne qui aiderait le séjour irrégulier d'un étranger sur le territoire, ce dernier est finalement maintenu dans cette nouvelle loi. Cependant, la disposition qui fait référence à ce «délit de solidarité» voit désormais son contenu assoupli par la prise en compte de ce «principe de fraternité», malgré le fait que des poursuites peuvent toujours être engagées. *Avocat au Barreau de Paris |
|