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«On demande à la vie plus qu'elle ne
renferme, nous sommes accoutumés à mettre notre bonheur dans des choses
impossibles et notre malheur dans des choses inévitables.» Ainsi parlait le
journaliste romancier français Alphonse Karr né en 1808, mort en 1890.
Avant les deux guerres mondiales et l'invention du mot jeune, avant la bombe atomique et le miracle japonais, avant l'Algérie algérienne du FLN-FIS et la France SOS-Racisme du PS-FN, Al-Qaïda et Al-Jazeera, les Ibn-Saoud garants des Droits de l'homo sapiens et du hidjab noir, avant les USA des Bush Obama et Trump la Banque des subprimes et l'ONU des drapeaux flottants au-dessus des couronnes. A des années-lumière de la foule connectée à elle-même tel un serpent dont on aurait soudé la tête à la queue. De nos jours, les jeunes ne fantasment plus sur le bonheur et s'en fichent du malheur. Quelle différence existe-t-il entre la jeunesse civilisée des traders et celle barbare des kamikazes quand la crise économique de 2008 provoque plus de morts que tous les attentats depuis le big-bang ? Nul ne sait à quand la fin du maléfice de la réaction en chaîne. Le chaînon chômage à lui seul suffit à l'éclatement des structures familiales et sociétales. Génération What (quoi) en France, Génération Y (why, pourquoi) aux USA, génération Harraga en Algérie à la génération du «Comment apprendre aux Nuls ? ». En novembre 2013, la société de production Upian s'interroge sur le malaise des jeunes Français avec un questionnaire en ligne «Génération What» qui s'exporte dans toute l'Europe. On demande à des jeunes de 18-34 ans de «faire l'autoportrait de leur génération». Plus de 250.000 participants et 21 millions de réponses. Les mots qui reviennent inlassablement : «sacrifiée, perdue, pas gai». Le patron d'Upian déclare : «C'est une jeunesse normale qui s'est exprimée, pas une jeunesse agitée, qu'on entend, mais celle qui est silencieuse et rarement sollicitée.»(1) Apparemment la plus gâtée au monde qui perd confiance dans la politique et les médias en reprochant à la Banque de gouverner le monde. En Europe, 90% des sondés partagent ce constat. Une année plus tard, l'Unicef dans un rapport parle de 43% des plus de 15 ans en situation de souffrance psychologique (2). Quant au monde arabe représentant 5% de la population mondiale 45% du terrorisme et 58% des réfugiés (3). Ajoutons les 100% d'interdits et le 0% de sondage pour expliquer la malédiction totale. En 2002, 5 pays arabes en guerre et en 2020, on estime 3 Arabes sur 4 piégés par un conflit. Sans compter le taux de chômage actuel : deux fois supérieur à la moyenne mondiale et 3 fois plus pour les femmes. Tout calife digne de cet honneur préfère acheter des armes au lieu de livres. Malgré les embrassades et les mamours affichés, aucun des 22 membres de la Ligue arabe n'a signé un accord de libre circulation des personnes. Alors pourquoi s'étonner qu'une telle engeance puisse affirmer haïr l'Oncle Sam et se bousculer à sa porte. Passer de Kassamen à la Marseillaise et vice-versa en mendiant un visa à Chirac accueilli par la Blanche tel Roméo par Juliette. Une jeunesse volontaire à tous les djihads et indifférente quand le Vatican de l'Islam, l'Arabie saoudite, le plus riche bled de l'Oumma bombarde le plus pauvre : le Yémen. J comme jeunesse En Algérie où plus de la moitié de la population a entre 15 et 25 ans, la jeunesse du mouvement Barakat a exprimé son opposition au 4ème mandat du Président victime d'un AVC. Médicalement parlant : les cellules du cerveau ne sont plus oxygénées. Un motif sans aucun risque et bien justifié, mais c'est le mouvement qui a fini par s'asphyxier dans la division au soulagement général. En Algérie, à cause ou grâce à la Syrie, le slogan printanier, «dégage !» terrorise toutes les âmes bien nées quel que soit leur âge. Durant leur Printemps, la Tunisie et l'Egypte avaient peur de ressembler à l'Algérie qui, 20 ans plus tôt, tremblait de copier l'Iran. L'évolution se fait de peur en peur quitte à rendre dérisoire le temps. La vacance trop prolongée du pouvoir mène à son annulation à l'exception de ceux qui ont la main collée à la gâchette?Dans l'aquarium gelé et fantomatique algérien, que peut savoir une jeunesse contestataire de la politique, des médias et de la Banque que ce que lui transmettent les satellites occidentaux et orientaux. Le réel des uns est le virtuel des autres. On arrive forcément à deux printemps avortés dans le sang en 80 et 88 pour finir par celui de 2011 abandonné sur le quai par des trains paralysés et une capitale fleurant le barrage policier. Il existe bien une jeunesse normale, mais absente des institutions des partis des associations?Silencieuse. Qui ne dit mot consent, avertit la sagesse populaire. En France, la jeunesse frondeuse fait reculer le gouvernement et se promet de se venger dans les urnes. Au Japon, elle réveille une population habituée à manifester son inquiétude à travers les sondages. Au pays du Soleil Levant, l'échec peut produire la dissolution jamais la division : «Les quelques mois d'existence des SEALDS ont profondément transformé le paysage politique. Sous leur impulsion, on a assisté à la naissance d'un front commun de l'opposition face à l'omnipotence du PLD.»(4) Le mouvement SEALDS, Action d'urgence des étudiants pour la démocratie libérale, malgré son succès, a opté pour le baroud d'honneur. Avec un taux de chômage de 5,7 et un Premier ministre qui demande pardon au peuple quand l'un de ses proches est soupçonné de corruption, le Japon fait envie. Dans cette Asie, on ne badine pas avec la fièvre de la jeunesse quand c'est elle qui normalise la température de tout le monde, foi de Bernanos. Le mouvement taiwanais des Tournesols, après 2 ans d'existence, réussit à changer la présidence du pays. Il a fallu aussi 24 mois au mouvement des Parapluies de Hong Kong pour donner des cauchemars au dragon chinois. Quant à la jeunesse chinoise, malgré le massacre de Tienanmen, le nombre, l'enfant unique et la pénurie du sexe faible, elle reste pragmatique. M. Stanley Rosen, professeur du département de sciences politiques de l'université South California, dans une conférence en Chine déclare : «J'ai demandé à nos étudiants chinois de me dire pourquoi ils étudient dans le département de sciences politiques. Ils m'ont répondu : pour obtenir facilement un visa. Mais après un an d'études, la grande majorité de ceux-ci avaient changé pour l'informatique ou le MBA (maîtrise en administration des affaires) ? En réalité, tous ces jeunes gens?profitaient d'abord des études politiques pour se rendre aux Etats-Unis et changeaient ensuite?» On voit pourquoi tout ce que les Américains inventent, les usines chinoises le fabriquent. Quel que soit le pedigree de cette jeunesse asiatique, elle n'a pas besoin d'user de violence pour se faire écouter encore moins opter pour un exil inutile et sans retour. Malgré sa non-violence, la jeunesse Barakat était condamnée par la violence du nom, de la géographie, du climat et des gènes. Avec barakat «ça suffit !» qui s'arrache des entrailles comme un hurlement, la zen attitude est impossible même en remplaçant les tournesols par le jasmin et les parapluies par les parasols. Ce qui n'a pas échappé à la jeunesse intégriste qui évolue et se soude différemment tout en s'accrochant à l'euphorie des mots : salut (innkad), paix (salem) renaissance (ennahda), lumière (nour), baraka etc. Qui est la génération Y sinon les enfants-rois de Dolto, de la démocratisation du divorce, des familles recomposées, du sida, du chômage, des séries télévisées américaines, de la culture du loft et du Lol. Une jeunesse qui voit naître l'Internet émerveillée par le mythe du village planétaire?Génération arnaquée, frustrée, trahie par un rêve parental qui a cessé de se transmettre. En Algérie, c'est les enfants du Code de l'Infamie, des révoltes et répressions sanglantes, de la TV Bébé à iftah ya semsem (ouvre-toi sésame) au feuilleton égyptien 6 fois plus cher que l'américain, de la réislamisation, du djihâd en Afghanistan, du traumatisme de la décennie noire et de l'école de la régression mentale où l'Officine des Recalés décrète les fondamentaux et les pourcentages à l'usine du bac?Sur la pancarte d'un Y, on lit : «Vous pouvez tirer, nous sommes déjà morts !» Que dire de celle née dans les années 2000 appelée génération Z, enfants de la génération Y (1980-2000) petits-enfants de la génération X (1960- 1980) arrière-petits enfants de la plus chanceuse, génération baby boom (1946-1960). Une génération Z née avec la vulgarisation de l'Internet, des smartphones et baladeurs numériques, de l'explosion des télécommunications NTIC et du terrorisme, des catastrophes naturelles et humaines à grande échelle. Du réchauffement climatique confirmé au règne des pandémies. En Algérie, du voile intégral au crâne rasé, du kidnapping d'enfants au détournement de l'argent des œuvres sociales au profit de la omra et du tourisme «dans des capitales étrangères pour faire des emplettes, à l'exemple d'Istanbul ou Dubaï.» (5) Du CDD normal à la corruption généralisée et la «démocrature» occidentale avec le coup de grâce de l'Internet sous surveillance et du 11 septembre au berceau. A l'ère des états d'urgence, le silence de Z en fait une non-urgence. Une inconnue dont l'équation nécessite un calcul fort imaginaire. Pour le moment, d'après une étude (6), il faut attendre 2025 pour s'en inquiéter, l'année de la mise en retraite de la génération Y. J comme jardin «Quelle étrange chose que la propriété dont les hommes sont si envieux. Quand je n'avais rien à moi, j'avais les forêts et les prairies la mer et le ciel depuis que j'ai acheté cette maison et ce jardin, je n'ai plus que cette maison et ce jardin.» (Alphonse Karr) L'auteur a de la chance d'avoir le choix. En Algérie, malgré la peur du séisme, des hauteurs sans ascenseur, on continue à sacrifier le jardin pour construire verticalement afin d'assurer un toit au fils à marier et à la fille répudiée. Le choix est désormais dans le zapping. Admirer la forêt sur le petit écran de la chaîne nationale 1, la prairie sur la 2 et le ciel n'est visible que grâce à la 3. Nessma TV invite le ministre tunisien de l'agriculture pour parler de la hausse des prix des légumes notamment de la tomate et du poivron, dans la discussion, le politicien reproche à de riches compatriotes de construire des châteaux dans la forêt. Etonnante Tunisie, non seulement il n'y a pas de loups dans les bois et on peut même y rencontrer des princesses. On comprend pourquoi malgré une instabilité politique, un terrorisme non éradiqué, elle attire des millions d'Algériens en manque. Le petit Emile de Rousseau, pour comprendre le monde, doit impérativement vadrouiller en forêt avant l'école. «Pas moins que la guerre ou le travail, la manière dont les heures de loisir sont vécues détermine la valeur morale d'une nation», affirme le Prix Nobel de la littérature, Maeterlinck. Assia Djebar parle de cette envie lancinante de marcher...L'Algérie, ce pays aux interminables frontières, ne doit-il pas la nervosité de ses rues à cet interdit d'humer la chlorophylle, seule garante de l'équilibre acido-basique du corps, parole de toubib. Mais les politiciens, pas bêtes, qui ont leurs jardins ailleurs, pointent inlassablement la main étrangère, notamment juive. Pendant ce temps, la main juive fait le miracle sur le sol biblique en transformant le désert en jardin. Israël, 100 fois plus petit que l'Algérie avec une population 5 fois moins importante dont 20% sont des Arabes à 90% musulmans. A l'aube de son indépendance, l'Etat juif construit des écoles laïques religieuses publiques et privées, en arabe et en hébreu. On imagine des écoles berbères et arabes, laïques et religieuses dans une Algérie des années 60. Mais pour cela, il fallait un Raïs avec un minimum de connaissances en histoire, conscient du danger d'interdire une langue millénaire. Israël a veillé aussi sur le dialecte (derdja) des expatriés du Maghreb pour ne laisser échapper aucun héritage... Pourtant, le jardin, djinane, djanna, paradis, est mentionné dans le Coran 66 fois au singulier et 69 fois au pluriel. Curieux qu'il soit devenu plus haram qu'un bar dans une Algérie arabe et musulmane alors qu'il est sacré pour les Asiatiques non-monothéistes. J comme justice «L'injustice est muette et la justice crie.»(Jean de Rotrou) Le cri vient du condamné par l'injustice. Récemment, un opposant à Kadhafi invité à s'exprimer dans une télé privée tunisienne, raconte pourquoi il a saisi avec succès la justice de sa Gracieuse Majesté. Réfugié en Angleterre, il a été livré par les autorités britanniques au dictateur pour y subir 6 ans d'enfer en prison. L'Angleterre peut attaquer l'Angleterre pour réparer le mal fait à un opposant d'un dictateur assassiné par «Nobody» dans un pays dirigé par «Nobody». En Israël, la justice harcèle le Premier ministre actuel pour avoir accepté un cadeau d'un milliardaire. Pourtant, les riches juifs ne se contentent pas d'être généreux avec leurs politiciens. Israël est le seul pays au monde où la recherche scientifique est en grande partie financée par des particuliers? «La justice, la raison, la bonne administration du travail demandent que les intellectuels ne soient ni gouvernants ni gouvernés.» (Charles Péguy) En Algérie, les intellectuels sont tous gouvernés. S'ils existent chez les gouvernants, c'est des faux. C'est pour cela qu'il n'y a ni justice, ni raison, ni bonne administration que celle des Renseignements et des caisses délocalisées. Bien que le mauvais œil de la main étrangère baladeuse et «brouilleuse» de vision n'est pas tout à fait faux. Quand on voit comment se fabrique un milliardaire israélien et un milliardaire algérien, le premier a 1001 raisons de jalouser le second?Balzac affirme que quand le despotisme est dans les lois, la liberté se trouve dans les mœurs et vice et versa. Côté mœurs, il y a pour tous les goûts, du trou noir au plus transparent qu'un vote national. Le trou ne connaît pas le chômage. Quand il finit d'avaler ceux qui disent non, il happe ceux qui ont oublié comment dire oui : les minorités. J comme journaliste «Ce voleur qui?» Saïd Mekbel est mort à temps pour éviter la grève de la faim et l'indifférence de ceux qui font le «méchant métier» que lui. Après l'ère de la décennie noire de la Repentance de la Réconciliation et de la Grande Bouffe, ce hors-la-loi se retrouve face au juge nu, soulagé d'être décapité au nom de la loi et non du sabre. La disparition des professionnels de la couture n'a pas échappé à ce vagabond qu'anime l'obsession d'un cadavre normal pour ne pas tarir de frayeur les larmes maternelles?Il continue à penser que les roses poussent sur le tas de fumier. La question : qu'est-ce qui pousse «ce voleur» à s'introduire dans une maison dépouillée fissurée et hantée ? Pour la France, Revel parle du Voleur dans la maison vide. «Ce mauvais citoyen» gaulois peut passer devant les juges et rentrer chez lui pas trop abîme pour surveiller le fumier qui risque d'étouffer la dernière rose. Mais pour la maison maudite, seul un miracle?Les «raseurs» de murs et les constructeurs de muraille l'ont compris. Aux premiers les banlieues françaises, aux seconds les coulisses dorées des Champs-Élysées. Les uns finissant dans l'humble carré musulman avec les «harkis» sous le même ciel que les généraux de l'Algérie française, des agents de l'OAS, du général de Gaulle et l'Abbé Pierre. Quant aux autres, il y a bien un retour, mais direction Al-Alia pour reposer sous la miroitante dalle marbrée noyée de couronnes de fleurs. Hymne national et drapeau vert blanc rouge sous l'œil humide de la Régence et des cameras de la Nation reconnaissante. Pilleurs de la Patrie et seul héritiers d'ici-bas et de l'au-delà pour l'éternité. Sans parler de ceux qui sont en train de faire leurs valises et réactiver l'expression magique «les crimes coloniaux et la repentance coloniale» pour faire passer la pilule avec la couleuvre?Pour quelle cause «ce voleur», «ces voleurs» ont été assassinés ? Qui continue à prier sur leur tombe alors qu'il ne reste aux émirs que le choix de la tête à couronner pour parfaire le califat ? Quand la cause cesse de survivre à ses défenseurs, les «voleurs» virent aux «suiveurs». Pas étonnant que le journaliste algérien bascule dans la génération Who (Qui ?) : Qui est contre qui? Qui est pour qui ? Qui ment à qui ? Qui a volé qui ? Qui vote pour qui ? Qui protège qui ? Qui sauve qui ? Qui tue qui ? Qui flirte avec qui ?... pour finir par «Qui est qui ?» (1) 29/O4/2016 ( L'Obs et Rue 89 ) (2) Figaro.fr (3) L'Express (30/11/2016) (4) Claude Leblanc ( La jeunesse japonaise n'a pas dit son dernier mot) (5) Le Soir d'Algérie( 09/02/2017) (6) Etude de Deloitte et du Brookings Institute) |