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La langue, organe d'expression
orale et écrite, est le véhicule de la pensée logique, en l'occurrence le moyen
dynamique par lequel les individus communiquent leurs pensées et interagissent
entre eux quotidiennement par les échanges immatériels et matériels, permettant
par le vecteur de l'action théorique et pratique l'enrichissement des
connaissances et des expériences, faisant sans cesse progresser les
savoir-faire et l'intelligence humaine.
La langue arabe et son évolution historique Ce rôle de promotion plurielle de l'action humaine a pendant longtemps été joué de manière privilégiée et hégémonique (quasi-monopole) par la langue arabe : de la période pré-islamique (basse jahiliya) passant par l'aube de l'ère islamique (période de révélation coranique, de lutte et de règne du prophète Mohamed (que le salut soit sur lui) et de ses fidèles compagnons (sahabas) qui a permis l'approfondissement et la vulgarisation du message divin, au triple plan : idéologique, démographique et géographique) ; suivi de près par le règne des califes omeyyades, allant enfin jusqu'à la longue et brillante gouvernance de la dynastie des Abbassides ayant élu Bagdad pour capitale. Durant toute cette période ainsi décrite ci-avant, la langue arabe était en effet l'instrument méthodique privilégié de travail et de diffusion de la connaissance théorique et pratique, couvrant les domaines de la poésie, la littérature, la logique, la rhétorique, la dialectique classique (art de dialoguer), la théologie, la gestion et la gouvernance administrative et politique, l'astrologie, l'alchimie, les mathématiques, la philosophie, la recherche et l'initiation médicale et, pour résumer, le champ étendu des savoirs d'ordre professionnel et économique (l'artisanat, les métiers, l'agriculture et la pêche, etc... On constate que déjà à cette époque, le savoir véhiculé par la langue arabe avait une dimension encyclopédique, édifiée sur un socle méthodique apprécié et recherché en ce temps écoulé. La dimension encyclopédique de la langue arabe sous-tend, implique et signifie, qu'elle était historiquement un organe d'expression élaborée et évoluée, régie et fonctionnant sur le principe normatif de la relation logique bivalente, c'est-à-dire une logique de raisonnement et de jugement à deux rôles ou deux fonctions: universel/particulier, affirmatif/négatif, nécessaire/contingent, gloire/déclin, masculin/féminin, bien/mal etc... Cette relation logique bivalente est en fait une méthode et une norme à caractère général, un apriori logique inéluctable, s'imposant à l'esprit (l'organe de raisonnement) comme une nécessité axiomatique, un paramètre inévitable (incontournable) dans le processus démonstratif, étant l'un des composants élémentaires du raisonnement, à l'instar et au même titre que trois autres nécessités logiques: la logique propre au langage; la logique physique (lois physiques); et la logique mathématique. L'ensemble forme en effet ce qui est appelé «l'ordre logique idéal» substrat indispensable lié nécessairement et inséparablement au développement du raisonnement et au progrès de l'intelligence. Les particularités de la modalité logique régulant la langue arabe Sur le plan moral, la relation logique bivalente est une conception qui oppose les principes du bien et du mal, opposition qui a donné effectivement lieu tout au long de l'histoire, à des théories doctrinales connues sous le nom de «manichéisme». Le manichéisme se définit en tant que «toute attitude qui oppose d'une manière absolue, souvent simpliste et rigide, le bien et le mal». La conception manichéenne du bien et du mal, est historiquement à l'origine de multiples spéculations d'ordre métaphysique et théologique, spéculations auxquelles la pensée doctrinale arabo-musulmane n'est pas restée étrangère, y est impliquée et concernée. C'est pourquoi il faut rattacher à la rigidité manichéenne, l'hermétisme dogmatique de la pensée orthodoxe (rigide et routinière) musulmane, rattachement qui explique de manière corroborée et cohérente, la marginalisation, l'ignorance, voire le dédain et le mépris avec lequel cette dernière (la pensée orthodoxe) a toujours tenu et tient à ce jour les grands savants de la pensée objective et scientifique, tels qu'Ibn Rochd, Ibn Sina et toute une pléiade (groupe) de talentueux penseurs scientifiques musulmans. À ce propos, il est de notoriété que leurs recherches et leurs travaux d'ordre scientifique et philosophique, n'ont nullement été mis à la connaissance du public (même averti) et n'ont pas été publiés et diffusés par les voies compétentes officielles (de la gouvernance islamique), mais grâce aux ouvrages scientifiques de l'Occident et de ses centres universitaires, éducatifs et culturels. Ceci dénote de la part des gouvernants musulmans, l'absence de stratégies et de politiques à caractère épistémologique à long terme, et montre que la connaissance scientifique n'avait officiellement qu'une importance contingente, un caractère exceptionnel, même du temps où la civilisation musulmane rayonnait. Cet épisodisme scientifique se confirme et devient d'autant plus évident, comparé à la part belle réservée à la culture théologique, identifiée formellement et caractérisée par son poids massif dogmatique (hermétique), la marginalisation et la minoration du souci de la rationalité et de l'esprit de juste milieu. La rigidité manichéenne alliée à l'hermétisme dogmatique, ont eu pour effet de déboucher progressivement sur une régression de la modalité logique qui détermine et régule (parallélisme avec le génie génétique) structurellement (idéologiquement) la langue arabe, alors véhicule essentiel (hégémonique) de la pensée musulmane. Ce processus rétrocessif de distorsion du caractère méthodique modal et de prise de distance à l'égard des principes didactiques pertinents d'éveil à la connaissance objective et rationnelle, a fait basculer la modalité logique structurant la langue arabe, dans le sens du conditionnement et de l'opacité intellectuelle, laissant la place et l'espace à plus de syncrétisme, d'accroissement des croyances exaltées, extrémistes, peu lucides et éclairées, pleines de mystères, d'ésotérisme, et au foisonnement des conceptions obscurantistes et autistes, s'éloignant au fur et à mesure de la doctrine sacrée, originelle et fondamentale (Coran et hadiths authentiques) fondée sur une approche religieuse plus intellectualisée (ontologique) d'ordre rationnel, éducatif, ayant en effet pour vertus de base : la foi, l'espérance, le vivre ensemble, le juste milieu, la justice, l'entraide et la solidarité réciproque, etc. Les bases du déclin scientifique de la langue arabe La relation logique bivalente appliquée à l'histoire des civilisations, en l'occurrence l'évolution historique des sociétés musulmanes, nous permet de comprendre et d'expliquer les raisons qui sont à la base du déclin de la langue arabe, en tant qu'instrument privilégié de transmission des connaissances, en particulier dans le domaine technologique et scientifique, où les retards restent effarants. En effet, dès le départ, au regard de sa dimension universaliste, le message coranique a eu un succès si important et grandiose qu'il a provoqué une révolution profonde dans les mœurs, la morale, les relations sociales et la façon de voir et comprendre le monde, transformant en profondeur les modes de vie, les ressorts éducatifs, éthiques, idéologiques, etc. Cependant et malgré tout, au fil de l'évolution historique, et à mesure que le temps passe, compte tenu que dans l'absolu l'action des hommes et des institutions qu'ils mettent en place pour réguler la vie sociale quotidienne soient par définition imparfaites, précaires et éphémères, nécessitant et impliquant régulièrement des réformes, des mises à jour ou à niveau, des changements et la réadaptation constante des méthodes et des pratiques sociales et politiques, la réalité de la vie des sociétés musulmanes était bien au contraire caractérisée par l'immobilisme socio-économique, l'opacité éducative, culturelle et politique, une vision rigide et autiste du monde réel, ne permettant pas de faire les diagnostics pertinents exigés par la situation. À l'avènement et l'entrée dans la période moderne, la réalité historique du monde musulman (arabe spécifiquement) se définit par un totalitarisme (politique, idéologique, socio-économique, etc.) léthargique, archaïque et décadent, marqué par l'absence de création, d'innovation, la primauté des perceptions affectives (passionnelles) sur la raison, la subjectivité sur l'objectivité, le refus du progrès et de la modernité et un manque quasi-total de dynamisme intellectuel et économique. Tout cela, au moment et alors même qu'aux alentours, et face aux sociétés musulmanes, de puissantes nations hostiles (communauté chrétienne) émergeaient sur les plans économique, politique, militaire et des connaissances scientifiques modernes. La force de ces puissances s'accroissant davantage avec l'écoulement du temps, devenant de plus en plus menaçante et dangereuse, a fini par coloniser inéluctablement l'espace musulman. Au-delà de l'hostilité et du caractère colonialiste dont ont fait preuve ces puissances impérialistes, la cause essentielle et déterminante du retard pris par la langue arabe dans le domaine technologique et scientifique mais pas seulement, car même le vaste champ de création des œuvres de l'esprit accuse des handicaps, est incontestablement d'ordre endogène, relevant d'un réalisme contingent et accessoire, à maturité limite, une faiblesse de l'esprit critique, et une vision de l'univers (en tant qu'objet de compréhension et d'exploration par la science) schématique, c'est-à-dire restrictive et simpliste, ne tenant pas compte par ailleurs de l'esprit de juste milieu et ne l'intégrant pas en tant que paramètre indispensable dans le processus de la connaissance. Le retard scientifique et technique de la langue arabe n'a pas une cause endogène unique, il s'explique aussi par la rupture à un moment historique critique du contact vital avec la réalité, rupture marquée par le repliement sur soi et l'introversion avec une certaine complaisance en soi, béate, zélée et subjective. Ce repliement sur soi et cet autisme ont historiquement entraîné une fuite des responsabilités devant les réalités existentielles. Au demeurant vis-à-vis de l'histoire, la question existentielle d'être ou de ne pas être est primordiale. L'état d'esprit qui consiste à s'éloigner du réel et ainsi fuir ses responsabilités est corroboré par la posture, en soi infantile, mais très souvent rencontrée et constatée dans la réalité de tous les jours, d'attribuer à autrui (par insuffisance de réflexion et d'analyse, ou volontairement et faussement) ses propres erreurs et insuffisances. Cette attitude immature renforce et consolide tout ce qui est irréfléchi, irrationnel et irresponsable. Ces comportements et conduites regrettables nuisent à l'intérêt commun et aux efforts d'éducation et d'éveil des consciences, en particulier pour le développement des dispositifs et mécanismes sociaux d'entraide et de solidarité réciproque, et à l'exercice de la justice. Conclusion Il résulte d'une manière incontestable que la balle est dans le camp de la communauté musulmane (arabe en premier lieu) qui est appelée à assumer pleinement ses responsabilités, en ayant la lucidité et la détermination de redéfinir et réinterpréter toutes les lectures primitives et dépassées (syncrétiques, magiques et prélogiques) qui s'opposent et empêchent l'éveil et le développement de l'esprit rationnel et causal, découlant des principes d'identité, de raison suffisante, de réalité et d'unité synthétisante. Cette mise à jour conditionne la libération de la pensée et l'épanouissement de la raison (constituée et constituante) dont l'évolution est brimée par l'exubérance des préjugés, tabous et interdits que couvent et recouvrent dans la société les actions et conduites humaines au quotidien. L'excès de conservatisme, préjugés et tabous, est le résultat de la surabondance des interprétations rudimentaires et littérales à caractère absolu, n'admettant pas la discussion. La remise en question des travaux herméneutiques à caractère hermétique et prélogique, vise les époques aussi bien séculaires (antérieures) que modernes et contemporaines. Prendre conscience des déficiences et des insuffisances, chercher à les corriger et les dépasser, est une condition indispensable pour faire face aux difficultés et aux retards, pour les solutionner et repartir du bon pied et s'améliorer. C'est ce qu'implique et signifie précisément le rapport de comparaison notionnelle: gloire/ déclin, qui exprime une relation logique bivalente (à l'instar de la dualité bien/mal) dont le principe explicatif est de veiller à ce que la gloire ne se transforme en déclin, si les adaptations et les mises au point nécessaires ne sont pas prises opportunément, par rigidité dogmatique, excès de conservatisme, de mimétisme, méconnaissance et marginalisation de l'esprit du juste milieu, en tant que principe d'équilibre et centre de gravité psychique et psychosensoriel, régulant les conduites humaines, et prévenant les comportements extrémistes et irrationnels. |