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Le 09 juillet dernier, le
quotidien l'Expression publiait un article intitulé «Cette Algérie qui
s'ignore»1. Dans cet article, il était souligné que malgré de nombreux acquis
et performances, l'Algérie continuait à trainer derrière elle une mauvaise image.
Selon l'Expression, «[?] ces derniers jours, l'Algérie
est [même] comparée à l'Ethiopie avec, un préjugé positif à l'endroit de ce
pays d'Afrique qui passe aujourd'hui pour plus dynamique que l'Algérie,
certains n'hésitant presque pas à le citer en exemple à suivre par les
décideurs algériens. [Et] cette vision, tout à fait inexplicable, gagne du
terrain et donne aux Algériens une image détestable de leur propre pays»2.
D'autres qualificatifs tels que «sales», «impolis», «agressifs» ou «absence totale de civisme» sont aussi régulièrement mis en avant. Afin d'étayer leurs arguments, ces personnes moralisatrices n'hésitent pas à pousser la comparaison avec les voisins marocains et tunisiens. Et bien entendu? la France ! Selon l'idée bien répandue maintenant, leurs voisins sont bien plus polis, plus aimables, plus avenants et plus professionnels que les Algériens. Et pourtant ! L'attitude et le comportement des Algériens sont-ils si diamétralement différents de ceux de leurs voisins maghrébins ? La propreté est-elle vraiment plus présente à Rabat et Tunis qu'à Alger? Rien n'est moins sûr. Ce qui suit n'est nullement une tentative de dépeindre un tableau idyllique de l'Algérie et des Algériens ni même de dédouaner ces derniers de leurs [ir]responsabilités. Ce n'est pas aussi une tribune à charge contre les voisins marocains et tunisiens. Ni même et surtout pas mon intention de dénigrer l'hospitalité, le savoir vivre et savoir faire des voisins, cousins et frères (le terme différant selon l'affinité des uns et des autres) marocains et tunisiens. Cela relèverait tout bonnement de la malhonnêteté intellectuelle! A travers cette tribune, j'essai tout simplement de rétablir quelques faits et vérités concernant les Algériens. Et que sous ces supposées profondes différences nationales d'attitudes, de comportements et problèmes qui gangrèneraient la société algérienne, se cache in fine une stratégie de communication savamment orchestrée. Ce que je décris ci-dessous ne pourrait être fait par le touriste occidental ou algérien qui dans sa très grande globalité se contente de contempler l'image d'Epinalet confortable construite dans et autour de ces nombreuses bulles touristiques tellement vitales pour les économies nationales des pays concernés. Mais, la Tunisie ne se limite pas à Hammamet, Sidi Boussaid ou Sousse et le Maroc ne se limite pas non plus à Marrakech, Fès ou Agadir. Et ni ces villes et d'autres encore et plus particulièrement leurs complexes touristiques ne représentent en aucun cas leurs pays ou leurs populations respectives! Le crucial paramètre touristique Les millions de touristes et professionnels étrangers qui se rendent au Maroc et en Tunisie sont pour la plupart non seulement pré-conditionnés par ce qu'ils devraient voir (pour faire dans les clichés, ?les beautés et le charme des ruelles et sites anciens, l'hospitalité des Marocains et des Tunisiens ainsi que leurs plats succulents') mais une fois sur place, sont mis dans des conditions de vacances ou professionnelles telles, qu'ils n'ont nullement la possibilité de côtoyer la [dure] réalité des populations des pays concernés. Il suffirait pourtant de juste prendre la peine d'aller vers les autochtones, de flâner dans les ruelles et autres endroits que les guides touristiques ne mentionnent pas, pour voir un autre Maroc, une autre Tunisie. Un Maroc et une Tunisie sans fard ni filet. Authentiques. Et ainsi, énormément relativiser les pseudo-différences entre eux et leurs voisins algériens. A contrario, parce que le tourisme est quasi-inexistant en Algérie (à moins de comptabiliser les bi-nationaux), l'image véhiculée des Algériens est une image sans filtre, authentique. Avec ses tares mais aussi sa générosité, sincérité et son courage. Sortir des sentiers balisés Mais pour voir et comparer cela, encore faut il prendre la peine de sortir des sentiers balisés des stations balnéaires et complexes hôteliers ?made for foreign tourists' d'Agadez, Hamammet, Sousse ou Marrakech. Encore faut-il prendre la peine d'aller à la rencontre des populations vivant dans les quartiers populaires afin d'y manger un simple plat ou d'acheter une bouteille d'eau pour s'apercevoir et comprendre que l'accueil n'est nullement different de celui que l'on trouve à Alger, Tlemcen ou Constantine. Le sourire et la politesse n'y seront ni automatiques ni forcés! Quiconque prendra la peine d'entrer dans un hanout de Casablanca ou Tunis s'apercevoir rapidement que l'accueil n'est pas non plus différent de celui qu'il ou elle aurait à Alger. Si ce n'est peut être une remarque [amicale et fraternelle] sur le ?Dzaïri' que vous êtes ! Et les serveurs? Il est très commun à Tunis ou Casablanca d'être servi par des serveurs sans sourire qui apportent aux clients leurs commandesavec nonchalance, indifférence voire même impolitesse. Mais bien entendu, cela se passe loin des yeux du touriste français et occidental? Et que dire aussi des gardiens de parkings illégaux. Eux aussi sont présents en Tunisie et au Maroc et eux aussi peuvent être très agressifs! Il faut avoir emprunté un ?taxi brousse' jaune ou un ?louage' (équivalents du karssan) et avoir frôlé la mort ne serait ce qu'une seule fois pour comprendre que les chauffeurs de taxi de Sétif ne sont pas les seuls dangereux et irresponsables chauffards qui sévissent à travers le Maghreb. S'agissant toujours des taxis, j'ai personnellement et pendant longtemps pensé que seuls les chauffeurs de taxi algériens souffraient d'un profond manque de professionnalisme (ou étaient tout simplement très à l'aise financièrement!) pour se permettre de refuser de prendre une personne car se dirigeant dans la direction contraire à celle du client potentiel. Et bien non! Même les voisins se comportent de la sorte et de manière si peu professionnelle! Il suffit aussi de prendre un vol Paris-Alger, Toulouse-Casablanca ou Marseille-Tunis pour rapidement constater que le comportement et l'attitude des passagers de Tunis Air, la RAM ou Air Algérie ne diffère nullement. A peine les roues de l'avion ont-elles embrassé le tarmac de la piste d'atterrissage, que tous s'empressent de détacher leur ceinture de sécurité et d'ouvrir le compartimentà bagages situé au dessus de leur tête pour ensuite se bousculer afin d'être les premiers à sortir de l'avion. Pour au final se retrouver tous ensemble à pester des minutes durant devant le tapis à bagages qui tarde à leur délivrer leurs précieuses valises! Hygiène et propreté L'Algérie vu du ciel n'est pas celle vécu sur terre. Probablement. Mais les dernières neiges qui ont recouvert de nombreuses régions du pays montrent combien l'Algérie est belle et peut elle aussi être célébrée à travers les réseaux sociaux comme ce fût le cas pour Ain Safra. La beauté vue du ciel est différente de celle des rues. Et cela vaut pour tous les pays du monde. France, Maroc et Tunisie inclus! Encore faut-il prendre la peine de déambuler dans les rues des quartiers populaires pour ainsi constater que les rues tunisiennes et marocaines ne sont ni plus sales mais surtout ni plus propres que les rues des quartiers populaires d'Algérie. La saleté des murs n'est ni plus ni moins omniprésente en Algérie que chez ses voisins. Même les chats se ressemblent tous, aussi sales et miséreux les uns les autres! Et les plages? Chaque année à la période estivale, la question de la propreté des plages algériennes revient à la surface. A juste titre. Mais les plages tunisiennes et marocaines sont-elles si différentes? Il suffit pourtant de délaisser les plages choyées [«et réservées»] par et pour les touristes occidentaux et algériens pour se rendre sur celles empruntées par les autochtones seulement pour se convaincre du contraire. Car la réalité est bien là: les plages belles et sauvages de Béni-Saf, Jijel ou d'Oran sur lesquelles se ruent des millions d'Algériens chaque années sont elles «made for Algerians only!» Formatage et conditionnement Il n'est nullement mon intention de défendre et me complaire dans l'amateurisme, l'approximation voire même la médiocrité trop souvent rencontrés au sein de la société algérienne. Toutefois, et comme la vieille histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein le suggère, il est indéniable que l'image perçue des Algériens et de leurs voisins dépend énormément de l'angle de vision que l'on souhaite prendre. Une image qui somme toute ne relève pour beaucoup que d'une question de stratégie de communication. Il est tellement facile pour le touriste lambda pris en charge de l'aéroport à son hôtel situé dans un cadre ?idyllique' où il ne rencontrera que ses semblables et un personnel conditionné à le servir sans réfléchir, de ne tirer qu'une conclusion entièrement positive et parfaite des pays et populations concernés. A cet égard, il suffit d'ailleurs de voir comment se comporte le personnel algérien qui travaille dans les grands hôtels d'Alger et d'ailleurs qui reçoivent une clientèle [d'affaire] occidentale pour constater que, même si beaucoup d'efforts demeurent encore à faire dans ce domaine, les Algériens peuvent et savent aussi s'adapter en fonction du client et du service attendu par ce dernier. Le jour où l'Algérie construira un nombre incalculable de complexes hôteliers et stations balnéaires afin d'accueillir des millions de touristes étrangers, nul doute que cette image idyllique sera rétablie. Mais ce moment n'est nullement et surement pas à l'ordre du jour des priorités de l'Etat algérien. D'ailleurs, une telle stratégie est-elle vraiment nécessaire? Est-elle souhaitable? L'Algérie a-t-elle nécessairement besoin de s'engager dans une politique de développement du tourisme DE MASSE? Lorsque l'on voit les dégâts écologiques irréversibles et les cicatrices urbanistiques créés par ce genre de tourisme à Benidorm en Espagne, la Grande Motte en France, sur l'île grecque de Santorini ou bien encore sur les côtes tunisiennes et marocaines -parmi tant d'autres!-, la question mérite d'être posée3. Mais cela relève d'un autre débat? Lobbying Il est urgent pour les Algériens de cesser cet exercise d'auto-flagellation. Car comme le titre de cette tribune l'indique, d'autres le font très bien à leur place. De puissants lobbys aux desseins pas très clairs en charge de dépeindre une Algérie et un peuple de manière la plus négative qu'il soit. Des lobbys qui peuvent aussi compter sur leurs relais Algériens grassement rémunérés! A l'instar d'un Boualem Sansal, signataire la semaine dernière pour l'hebdomadaire français Valeurs actuelles, d'un ramassis immonde de généralités approximatives, nauséabondes et fantasmeés4 ! Pour faire bref, selon Sansal, [sous Bouteflika], «l'Algérie a battu des records mondiaux dans plusieurs domaines sensibles: la fraude électorale, la corruption au sommet de l'État, la fuite des cadres et des capitaux, la déperdition scolaire, le suicide des jeunes filles, le viol, le kidnapping, l'émigration clandestine, les grands trafics, le règlement de comptes, les décès inexpliqués dans les hôpitaux, les prisons, les commissariats, les cantines scolaires?5" Et toujours selon ce chantre de la vérité franco-française [et occidentale en général], notre pays «tient son rang dans le peloton de queue, parmi les grands champions du désastre intégral, le Zimbabwe, la Corée du Nord, la Libye, l'Érythrée, la Somalie».6 Mieux encore, les Algériens «habitent des bidonvilles, mangent des pierres, sucent des racines et se lavent avec du sable»7. Rien de moins! En d'autres termes, l'Algérie n'est rien d'autre qu'un pays-épave à la dérive et les Algériens, un peuple zombie! Pour rappel, ce sont ces mêmes lobbys qui pendant des décennies ne tarissaient pas d'éloge sur par exemple, le ?miracle socio-économique' de la Tunisie de Ben Ali. Jusqu'à ce jour fatidique de janvier 2011 où le peuple tunisien le força à dégager! Une mascarade dont le scénario était rédigé et savamment alimenté de l'autre côté de la Méditerranée depuis des décennies. Cette image miracle qui s'écroula aussi comme un chateau de carte en un temps record! Auto-critique mais pas auto-flagellation Il est tellement facile pour ces éditorialistes et chroniqueurs d'émettre leurs critiques à partir d'images et vidéos vues à la télévision ou sur Youtube. Mais tellement peu professionnel et éthique. La même chose s'applique au citoyen algérien lambda qui n'est trop souvent que victime d'une vision d'optique erronée. Il est aussi très facile d'émettre des critiques, encore faut-il proposer des alternatives et des solutions. Comme le dit si bien le proverbe, «pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ?» Concernant celles et ceux qui ont la critique facile, il est grand temps de faire leur propre auto-critique. La société algérienne est composée de 40 millions d'individus. Et ces grands moralisateurs, bonimenteurs et donneurs de leçons et avides de spotlight afin d'être célébrés à Paris ou Cologne ne devraient pas oublier qu'ils sont aussi les maillons de cette même chaîne. Pour le meilleur et pour le pire. La critique gratuite sans propositions d'alternatives n'apporte rien d'autre qu'une lente destruction de la confiance des Algériens et Algériennes. Pourtant, de part leur courage, leur créativité, leurs convictions, des milliers d'Algériens [dé]montrent tous les jours le chemin à suivre en Algérie mais aussi ailleurs. Ces Algériennes et Algériens qui ont compris que l'herbe n'est pas forcément plus verte dans le jardin du voisin. Ni même du côté de Paris ou Cologne! Il suffit juste d'entretenir la sienne. L'Algérie avance. Cahin-caha. Sans doute [trop] doucement selon certains. Peut être. D'énormes erreurs de casting et de stratégie [per]durent. Cela est aussi indéniable. Mais l'Algérie avance. Et contrairement à d'autres pays trop souvent cités en exemple à suivre, ce n'est nullement un mirage, une chimère. Acheter un satellite clé en main n'est ni guise de progrès ni moins encore une garantie d'indépendance [technologique]. Le construire en Algérie si. Plus encore, cela démontre s'il en est, le savoir faire, la patience et surtout la stratégie de long terme dans lequel l'Etat algérien est engagé! N'en déplaise aux oiseaux de mauvaises augures et autres intellectuels au rabais! Cela dit, les gouvernements successifs ont aussi leur [grande] part de responsabilité dans l'image négative du pays. La politique déficitaire de communication en étant sans doute l'étendard. Réagir officiellement à des calomnies de temps à autre c'est bien. Faire en sorte de ne pas donner l'opportunité à ces mensonges de se répandre comme une trainée de poudre c'est mieux! En ces temps d'algerian bashing8, je ne saurai conclure cette tribune sans partager avec le lecteur ces quelques lignes. Dans le cadre de mon activité professionnelle, j'ai récemment rencontré à différentes reprises de nombreux migrants. Parmi eux, trois soudanais et un ivoirien. Tout trois et sans exception m'ont dit la même chose: «les Algériens sont tellement généreux». Mohamed, l'un des soudanais, est aujourd'hui réfugié en Europe. Il est aussi passé par la Libye. La première personne qu'il rencontra à Sebha, au sud de la Libye était un Algérien. Devant l'état démuni de Mohamed, cet Algérien lui offrit immédiatement à manger. A Tripoli, un autre Algérien lui donna sa propre ceinture car son pantalon ne cessait de tomber! Et que dire d'Amara l'ivoirien, qui fût logé et nourri gratuitement et rémunéré 1500 dinars par jour pour son travail pendant plus de trois mois par un vieil homme dans une ville de l'ouest algérien? Lorsque je demandai à Amara ce qu'il pensait des Algériens et des récurrentes accusations de racisme, ce dernier me répondit: «ceux qui pensent et disent cela ne sont que des menteurs. Ou ne connaissent vraiment pas les Algériens. Je n'ai jamais rencontré un peuple aussi généreux de ma vie». Sans doute les Algériens devraient-ils méditer là dessus. Et cesser de s'auto-flageller! Notes : 1- S. Boucetta, Cette Algérie qui s'ignore, disponible sous http://www.lexpressiondz. com/actualite/270905-cette-algerie-qui-s-ignore.html 2- Ibid. 3- Ces perles de la Méditerranée asphyxiées par le tourisme de masse, disponible sous http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2017/07/17/20002-20170717ARTFIG00224-ces-perles-de-la-mediterranee-asphyxiees-par-le-tourisme-de-masse.php 4- Boualem Sansal, La bombe algérienne, 13 janvier 2018, disponible sous http://www.valeursactuelles.com/monde/la-bombe-algerienne-92317; voir aussi voir aussi «La bombe algérienne» : quand la droite française s'attaque à l'Algérie, 13 janvier 2018, disponible sous https://observalgerie. com/actualite-algerie/la-une/bombe-algerienne-droite-francaise-sattaque-algerie/ 5- Boualem Sansal, La bombe algérienne, 13 janvier 2018, disponible sous http://www.valeursactuelles.com/monde/la-bombe-algerienne-92317 6- Ibid. 7- Ibid. 8- Litté ralement, ?dénigrement'. Voir par exemple l'une des rares informations française à ce sujet, http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/11/23/non-l-algerie-n-a-pas-interdit-aux-noirs-l-acces-aux-bus-et-aux-taxis_5219380_4355770.html. A cet égard, même de grands intellectuels africains comme le sénégalais Felwine Sarr et le camerounais Achille Mbembé en arrivent à être [indirectement manipulés], voyant à travers les maghrébins, des esclavagistes modernes. Omettant en cela qu'en se focalisant sur la question des migrants et de leurs conditions déplorables [et condamnables!], les Etats européens avec à leur tête la France, ne font que diversion afin de se dédouaner de leur entière responsabilité sur la situation actuelle en Libye, pour les migrants mais aussi pour les libyens eux-mêmes. Voir «Africains, il n'y a rien à attendre de la France que nous ne puissions nous offrir à nous-mêmes !», disponible sous http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/11/27/africains-il-n-y-a-rien-a-attendre-de-la-france-que-nous-ne-puissions-nous-offrir-a-nous-memes_5221000_3212.html |