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«Islam radical», «terrorisme
islamiste» et antagonisme obligatoire
Est-ce à dire que, du fait de la montée préoccupante du «terrorisme islamiste», en France comme en Europe, l'islam a perdu ce regard fraternel que lui portait, il n'y a pas si longtemps, la majorité des hommes d'église ? Sa perception a-t-elle été à ce point dégradée pour faire en sorte que nombre d'entre eux veillent, aujourd'hui, à s'en démarquer par leurs paroles et leurs actes ? N'observe-t-on pas, à l'heure actuelle, la prolifération d'un certain nombre d'ouvrages et d'analyses qui cherchent à relever la part violente - voire intrinsèquement corrompue - contenues dans les textes sacrés de cette religion devenue subitement problématique depuis le 9/11 ? Rappelons en effet que l'islam a été l'un des moteurs essentiels dans la lutte contre la colonisation de l'Algérie, depuis la conquête de 1830 jusqu'à la Guerre de libération (1954-1962), en passant par de nombreux mouvements de rébellion armée de 1860 au début du XXe siècle, puis après la libération de l'Europe en 1945 (qui devait assurer, selon l'engagement de Paris, à la fin du régime colonial pour services rendus contre le nazisme). Plus récemment, il a joué le même rôle central dans la résistance irakienne, sunnite comme chi'ite, contre l'occupation étatsunienne, sans, là aussi, être mis en cause comme le ferment exclusif de la violence insurrectionnelle. A la suite de l'assassinat du père Hamel, et sans hélas préciser les rapports entre néo-fondamentalisme pseudo-religieux (pas seulement salafiste et djihadiste) et géopolitique - qu'il ne pouvait méconnaître en tant que premier représentant de l'Eglise romaine liée au bloc atlantique occidental -, le pape François, recevant F. Hollande en audience privée, s'exprima pourtant en substance: «Si je parlais de violence islamique, je devrais également parler de violence catholique (?) Dans presque toutes les religions, il y a toujours un petit groupe de fondamentalistes». Hélas, une majorité de catholiques en France semble aujourd'hui penser que les musulmans représentent «une menace pour l'identité de notre pays»23, oubliant l'appel du pape et intégrant ce «clash des civilisations». Cette majorité a, hélas, peu de chance de prendre connaissance du message exceptionnel (et en français) des combattants du Hezbollah, à la suite de sa bataille-éclair menée fin juillet contre les quelques milliers de terroristes mercenaires solidement retranchés dans les montagnes d'Ersal, à la frontière syro-libanaise: «Père Jacques Hamel, votre âme ne s'éteindra jamais. Nous vivrons toutes les générations avec votre mémoire. Ne vous inquiétez pas ! Nous protégerons nos frères chrétiens. La paix sur vous, vos frères du Hezbollah».24 Pourquoi donc, à l'égal des Gardiens iraniens de la Révolution (dont les plus hauts commandants sont sur les lignes de front), ces valeureux et efficaces ennemis des jihadistes, sont-ils constamment diabolisés dans nos médias et nos centres de recherche25 - ceux-là même où, journalistes et «experts», oeuvrent à entretenir en nous, quotidiennement, la peur et la confusion paralysantes ? « Croyez au terrorisme et Daech gagne. Croyez en la justice et Daech est vaincu». Cette profonde vérité du journaliste unanimement respecté Robert Fisk, acquise durant sa longue expérience de l'Orient - cet inverse de l'Occident ? -, n'a que bien peu de prise dans cette contagion de l'émotion et ce conditionnement de masse. Comment blâmer ces catholiques, pour avoir cédé au couple maudit de la terreur et de la confusion, quand il apparaît que, même chez une fraction lettrée et influente de l'élite ecclésiastique, il prévaut une incompréhension de l'islam (et des musulmans), nourrie par une persistance de clichés négatifs et antagoniques. Elle trouve et multiplie en écho, chez des leaders musulmans (ou se présentant comme tels) d'autres malentendus, cette fois-ci en sens opposé. Baignant probablement dans une ambiance plus ou moins islamophobe, sous pression plus forte depuis Charlie Hebdo et le Bataclan, cette partie du clergé dévalorise, parfois méthodiquement, cette religion, et produit en retour, en l'exacerbant, le rabaissement (ignorant ou volontaire) du catholicisme et des catholiques par nombre d'imams auprès de leurs auditoires respectifs. Parfois maquillée sous le fard d'un double discours, cette dévalorisation issue d'une partie de l'élite épiscopale renvoie en effet en miroir au même type de discours (à finalité identique et dangereuse d'exclusion et d'exclusive) chez nombre de leurs alter-ego musulmans que j'ai pu écouter ici et là depuis des années, notamment des imams et des responsables d'écoles coraniques. Ceux-ci ont été formés ou autoproclamés, en tout cas instrumentalisés et stipendiés par des officines étrangères -, dans un laissez-faire étrange du ministère de l'Intérieur et des Cultes, place Beauvau à Paris. Un tel jeu d'altérité réciproque et répulsif26 est particulièrement inquiétant à ce niveau de responsabilité de l'Eglise et des autorités islamiques. Il renforce une préparation mentale des fidèles catholiques et musulmans - plus ou moins pratiquants, plus ou moins réguliers - à l'hypothèse de l'affrontement intercommunautaire. La menace est amplifiée à la fois par la politique brutale d'accueil en Europe de millions de «migrants» identifiés par les populations autochtones, de manière erronée, à des «musulmans»27, l'appauvrissement de la population autochtone (via les politiques d'austérité, c'est-à-dire de privatisation des biens et des bénéfices, et la socialisation de la dette) et la réduction des instruments étatiques de régulation et de contrôle, dont notamment les services de sécurité et de justice. Une Eglise qui compose avec les puissances politiques et financières d'aujourd'hui ? Dans un autre billet intitulé «De la distinction du politique et du religieux lors d'une élection»28, publié en mai dernier, ce même conférencier, L. Stalla, cite Carol Saba, responsable de la communication de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France: «Nous rejetons clairement tous les populismes et les extrémismes et tout ce qui s'oppose aux valeurs de la République, la liberté, l'égalité et la fraternité, mais nous pensons aussi que le rôle des responsables religieux est très précieux comme facteur de paix, surtout aujourd'hui dans un pays très clivé et qui a besoin de réconciliation. Si ces religions qui sont des consciences morales entrent dans l'arène politique, nous risquons d'ajouter du trouble au trouble. A long terme, ce mélange des genres entre politique et religion peut causer d'autres problèmes, qui touchent à notre bien commun, la laïcité, notamment face à un islamisme radical qui n'attend que ça».29 Prôné par l'Eglise, ce rejet des populismes et des extrémismes vise assurément le Front national. Position étrange, du fait même de ce principe invoqué de neutralité de l'Eglise (le FN n'ayant à ce jour pas été interdit par la loi et représente une part importante de l'électorat), toutes les voix officielles de l'Eglise ont réitéré la consigne générale de voter contre ce seul parti paria décrit comme «populiste» et d'«extrême-droite». De fait, l'Eglise a contribué au clivage de la société, clivage qu'elle déclare pourtant vouloir réduire. En refusant la représentation (quand bien même critiquable) des milieux populaires, effectivement peu éduqués, plus de 71%, les catholiques pratiquants réguliers ont voté pour Emmanuel Macron30 - c'est-à-dire pour le candidat de «Mamon», de l'anti-église et de la guerre31. Or, L. Stalla le dit justement: «Dans notre société devenue sans religion, la classe politique ne peut se contenter de la seule religion des équilibres financiers, religion de «Mamon», cette idole de l'argent, divinité des sociétés modernes».32 Par une subordination à un système politique mourant ou, tout au moins, une interdiction d'en faire une critique radicale, en défense des plus faibles, dans la plus pure tradition chrétienne, en reproduisant sans nuance la diabolisation de Marine Le Pen et du FN, cette Eglise (et a priori l'ensemble de ses émanations organisées) opta donc, in fine, pour l'un des candidats les plus éloignés des intérêts des familles catholiques. La laïcité radicale, cause ou outil du sabordage du navire «France» ? N'est-ce pas aussi cette discrétion de l'Eglise de France, cette autocensure, qui explique que notre conférencier trouve en la «laïcité surjouée» l'unique coupable du discrédit et de la perte d'autorité qui frappent la classe politique, élite dirigeante qui n'accompagne plus «le destin d'une nation»33 ? L'excès de la laïcité est-il bien la seule raison d'une telle crise de légitimité ? Ne faut-il plutôt pas en chercher l'essentiel dans les innombrables affaires de corruption, d'abus de biens sociaux, d'absence de sens de l'intérêt du bien public - de l'abandon des classes moyennes et populaires comme de la souveraineté de la France ? Pourquoi ne pas désigner les vrais coupables ? Cette oligarchie qui feint d'éviter le naufrage national en l'accélérant à son profit, qui œuvre inlassablement à dé-christianiser et à atomiser la société, à la dépolariser de manière perverse - en s'attaquant aux figures anthropologiques et sacrées du Père mais aussi par conséquence de la Mère, à l'acte sacré de la procréation -; Tout en sacrifiant sa population sur l'autel du mondialisme et du capitalisme marchand ? Ecoutons-le à nouveau : «Imperceptiblement, la classe politique perd aussi de son autorité auprès des Français par l'effet d'une laïcité surjouée. Le personnel politique s'interdit d'évoquer ce qui devient pourtant de plus en plus important dans la vie des Français: leurs référents culturel et religieux. Dans notre contexte de crises, le jeu concurrentiel des identités s'accroît, en particulier chez les plus jeunes dans les écoles».34 D'autre part, face au danger qui guette le pays (déjà suffisamment dégradée de l'intérieur depuis quelques décades), ce ne me semble pas la laïcité qu'il faille protéger face aux dernières menaces. Ce sont, bien au contraire, les racines chrétiennes qu'il faut, pour nos frères catholiques, reconquérir. C'est en effet, leur absence d'implication forte, décomplexée, dans le champ politique et sociétal, au motif d'un credo de laïcité (tendant souvent à un laïcisme agressif et dominateur), qui pose justement problème. Ceci fait d'une société sans repères religieux et culturels le ventre mou aisément attaquable à la fois par les faux musulmans de la nébuleuse wahhabi-salafi-takfiri et des forces internes - c'est-à-dire proprement françaises et occidentales - de destruction, d'oppression et d'enrichissement du plus petit nombre. La lutte contre l'ennemi extérieur appuyé sur un islam factice ne peut se faire sans celle, plus difficile encore, contre l'ennemi intérieur qui allie capitalisme sauvage, technoscience et haute finance. Ne devrions-nous pas comprendre, aux plans géopolitique et économique, militaire et civil, culturel et sociétal, que le premier n'est, in fine, que le nouvel instrument, depuis la fin des années 70 et 80, de ce dernier ? A suivre... Notes : 23- Selon ce sondage Ifop de 2016 : 55 % de catholiques pratiquants contre 47 % de l'ensemble des Français interrogés ont fait part de cette menace. 24- Ibid. https://uprootedpalestinians.blogspot.com.es/2017/07/from-islamic-resistance-in-arsal-to.html 25- Preuve de la position morale fluctuante des USA, le Hezbollah vient récemment d'être retiré de la liste des organisations terroristes, si l'on en croit le Conseiller à la Sécurité nationale, H. R. McMaster. Cf. Tzvi Lev, «Report: McMaster says Hezbollah not a error group», IsraelNationNews.com, 13/09/17. 26- Jeu prescrivant à tout l'Occident la position pseudo-messianique de G. -W. Bush- le Bien contre le Mal, le rôle «exceptionnel» de «la nation indispensable» des USA chère à Madeleine Allbright et à Washington contre «l'axe du Mal», etc. 27- Une majorité de «migrants» apparaît faussement comme «syrienne» (les enquêtes de l'ONU indiquent qu'ils ne constituent en réalité que près de 3 % des flux), venant des nombreuses régions détruites (militairement ou économiquement) par les guerres occidentales, en tout cas de pays dont les Etats ont été déstructurés depuis longtemps, non seulement au Moyen Orient mais aussi en Asie et en Afrique. Cf. Jean ? Maxime Corneille, op. cit. et Michèle Tribalat, Assimilation. La fin du modèle français, éd. du Toucan / L'artilleur, Paris, 2017 (première édition en 2013). 28- http://www.lavie.fr/blog/laurent-stalla-bourdillon/de-la-distinction-du-politique-et-du-religieux-lors-d-une-election,4872 29- (Nous soulignons). Autre interrogation en ce sens, que l'on peut adresser directement à L. Stalla : N'y a-t-il pas contradiction entre le danger (supposé) de «ce mélange des genres entre politique et religion» et sa double charge, à la fois comme aumônier auprès des parlementaires et prêtre ? 30- J. - L. Izambert, «Macron, la grande imposture. Ce que dissimule Emmanuel Macron aux Français» in Mondialisation.ca, 26 avril 2017 31- E. Macron a été banquier d'affaires spécialisé dans les fusions ? acquisitions produisant la casse sociale et humaine généralisée, puis conseiller et enfin ministre de l'économie à l'origine d'une véritable régression sociale et juridique (qui s'accentuera davantage dè s cette rentrée). 32- L. Stalla in « La conscience religieuse en politique », op. cit. Comment définir autrement quelques-uns des premiers symboles culturels de ce Président, avec la mise en scène si particulièrement maçonnique de son discours du Louvre et, lors du dernier 14 juillet, son refus de chanter la Marseillaise, sa commande musicale de Daft Punk ainsi que la sous-représentation des Armées au défilé ? De quelle adoration peut-il bien s'agir ? 33- M. Onfray, op. cit. 34- L. Stalla, «Une laïcité surjouée fait perdre tout crédit à la politique » du 2 avril 2015 |