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Matthieu
Galvani était directeur commercial de Djezzy dans la
période 2005 à 2009, à une époque de «grande croissance». Il y revient en 2017
en tant que directeur général pour accompagner l'opérateur dans sa
transformation numérique. Rencontré avec plusieurs confrères de la presse
écrite et digitale, en présence de Vincenzo Nesci,
président exécutif de Djezzy, M. Galvani expose sa
vision et ses priorités.
Le Quotidien d'Oran : Quelle vision apportez-vous à votre retour à Djezzy? Matthieu Galvani : J'ai un certain nombre de priorités dans ma feuille de route. Il s'agit de l'organisation de la société et de la manière avec laquelle on travaille. Djezzy était organisée pour servir des objectifs à l'époque de la révolution du mobile. Demain c'est la révolution du digital, avec une volonté très forte de l'Etat d'aller dans cette direction. Il faut donc se transformer pour devenir le véritable acteur de l'Internet et du digital, tout comme Djezzy a été le grand acteur de la démocratisation de l'accès à la téléphonie mobile. Il s'agit aussi de se rapprocher davantage des clients qui sont au cœur de nos préoccupations. Leur assurer le meilleur service au meilleur prix, les écouter, répondre à leurs demandes, tout en proposant les bonnes offres et les bonnes promotions. Et pour que cela fonctionne, il faut qu'on ait le meilleur réseau. Je pense que c'est le cas. En 2G on n'a absolument rien à prouver. En 3G, on a réussi à combler le retard au lancement. Et on est les meilleurs en 4G, avec 1100 sites déployés en un temps record. Sans oublier que nous nous sommes engagés dans notre licence 4G à une couverture double de la population par rapport à nos concurrents. Cela montre les capacités d'exécution de Djezzy et la direction dans laquelle on veut aller. On sait qu'à partir du moment où la 4G est lancée, les usages data sont en train de se développer, tout cet environnement va changer. Notre responsabilité est de faire en sorte que les talents se révèlent à travers cet accès à la data. Quand on observe la consommation de l'Algérie sur Youtube, avant c'était surtout pour regarder des vidéos, maintenant on a des gens qui upload des vidéos, c'est-à-dire qu'ils sont en train de créer du contenu. Chez Djezzy on a une vision très claire. On veut créer le bon environnement pour les individus, les startups, les petites entreprises et les gens créatifs, et leur proposer une plateforme pour que ces possibilités deviennent du concret. On va se transformer et faire les investissements nécessaires pour accompagner les opportunités qui vont naître dans l'économie algérienne. Q. O.: Quelle est votre priorité ? M. G.: Une grande partie de cette transformation est liée au dynamisme de cette organisation et à son agilité. Il y a un peu de changement de culture d'entreprise à faire aussi. A égalité en tête de cette feuille de route, il y a le client. On veut continuer à être les meilleurs. Pour cela, il faut trouver les bons moyens et les bons investissements pour se rapprocher davantage du client. Nous avons un plan d'investissement très important pour augmenter le nombre de magasins. On planifie de recruter plusieurs centaines de personnes dans un temps assez court, et s'assurer qu'ils aient les bonnes formations, qu'ils comprennent bien les produits, qu'ils soient bien encadrés et qu'ils adoptent des procédures de travail différentes de celles qu'ils avaient avant. Cette entreprise qui a toujours été focalisée sur le client, elle l'a parfois perdu de vue. Mais là, je vous assure, on ne va pas le perdre. On doit pouvoir le servir le mieux possible, établir des relations avec lui. Lorsqu'on propose à un client un smartphone avec un plan tarifaire où il y a de la data et de la voix en illimité, il faut prendre le temps de lui expliquer, de lui suggérer d'acheter tel smartphone et pas un autre, de comprendre son usage, et non pas de lui vendre un pack plus cher ou moins cher. Il faut que les gens puissent entrer dans un magasin, poser des questions, sans être obligés d'acheter. Q. O.: Vous ne pensez pas qu'en Algérie il y a une frange de la population qui a besoin de prix plus bas ? M. G.: Djezzy a fait un travail de simplification de son offre. Nous sommes revenus à un «Djezzy Carte» qu'on peut consommer de deux manières. La première, on recharge et on consomme, pour un tarif unique de 4,99 DA pour un appel de 30 secondes, ou un SMS, ou 1 Mo de data. Ce niveau de prix est très compétitif. Comparé à d'Europe, il est moins cher. Bien sûr, on n'a pas la même taille de réseau et pas les mêmes coûts. Et comparé avec la région, il est bien inférieur à d'autres. La seconde manière de consommer, c'est de dire j'ai besoin de plus de volume et je suis prêt à payer pour cela. Et là on a deux options : «Liberty» à 50, 100 et 150 DA/jour pour les gens qui ne peuvent se permettre plus, en leur donnant un maximum de valeur. Par exemple, à 100 DA/jour, on donne 50 Mo de data, des appels illimités vers Djezzy, et 10 minutes d'appels vers les autres réseaux. Si vous regardez quelques mois en arrière la meilleure offre sur le marché était à 150 DA/jour pour des appels illimités. On l'a fait baisser à 100 DA en rajoutant de la data et des minutes vers les autres réseaux. Maintenant il faut plus de proximité avec les clients pour leur expliquer tout cela. Ce qui est important c'est de bien cerner le besoin du consommateur et de lui proposer quelque chose qui a du sens pour lui et pour l'opérateur. Si on brade la data, on sature les réseaux, la qualité de service diminue et l'usager ne pourra pas consommer de la data. Il y a 17 millions de comptes Facebook en Algérie. Les gens ont besoin d'être connectés. Il faut trouver la bonne formule pour leur donner suffisamment de capacité à un prix abordable. C'était cela notre volonté en lançant la refonte de «Djezzy Carte» et en réintroduisant la formule «Millenium». A 1100 DA, on a réintroduit la voix illimitée, plus 1,5 Go de data. Et si vous regardez le prix de 1,5 Go ailleurs, il est plus cher, et on ne vous donne pas la voix en illimité avec. Il y a aussi la flexibilité qui permet d'acheter la formule «Millenium» pour un mois, puis revenir à «Liberty», selon le besoin du moment. Q. O.: Vous pensez à quels pays ? Nombreux pensent que le gigaoctet en France, par exemple, est moins cher. M. G.: Non, ce n'est pas vrai, parce qu'il est à 15 euros. Il faut comparer ce qui est comparable. Si on regarde dans le prépayé, comme ici, le giga est cher en France. Q. O.: La différence est peut-être entre l'usager grand public et le client professionnel. Est-ce qu'il y a cette distinction chez Djezzy ? M. G.: Tous les pays n'ont pas le même développement du réseau ADSL. En Europe, il n'est pas forcément rentable pour les opérateurs de déployer en plus de leur infrastructure fixe, une couche mobile 3G/4G qu'ils la voient comme un complément. On est toujours en WiFi, et quand on circule on se connecte à la 3G/4G. Et là, généralement ce lien il n'est pas donné. Et les opérateurs n'ouvrent pas tous les services, parce que ça coûte très cher en capacité. Dans les pays comme dans la région MENA, les infrastructures fixes ne sont pas très développées, il y a donc une vraie substitution du fixe par le mobile. Les opérateurs de la région ont énormément investi dans leurs réseaux mobiles voix, en rajoutant une couche 3G/4G, et sont ultra-compétitifs par rapport à l'ADSL. On est en train de démocratiser l'accès à la data pour un prix inférieur à celui de l'ADSL avec, probablement, une meilleure qualité de service. Je comprends les inquiétudes de nos amis d'Algérie Télécom. C'est pour ça que Djezzy a lancé son modem WiFi qui peut connecter jusqu'à dix terminaux, que ce soit à la maison, au bureau ou en déplacement. Et là on a besoin de donner plus de capacité, 20 Go valables deux mois, pour un prix de 6990 DA. Q. O.: Est-ce que vous comptez développer des enquêtes clients ? M. G.: On a bien les profils de nos clients. Nous avons, par exemple, constaté une augmentation très importante du «net promoter score» (mesure de la satisfaction des clients, ndlr). Nous sommes en train de nous doter de plateformes pour analyser la data qui concerne nos clients. Nous avons une mine d'or d'informations. D'ailleurs, nous recherchons des jeunes diplômés aux backgrounds mathématiques et analyse statistique pour chercher avec nous comment utiliser ces informations qui sont, en fait, des profils d'usages des abonnés, pour proposer les bonnes offres. On a un baromètre client tous les mois. Et on a mis en place tous les deux mois des séries d'interviews (focus group), qui ont lieu un peu partout sur le territoire, où on interroge plein d'usagers parmi nos clients ou ceux de nos concurrents, pour connaître leurs préférences. Et si en moins de trois mois plus de 3 millions de nos clients (parmi les 17 millions que compte l'opérateur, ndlr) ont opté pour «Djezzy Carte», c'est parce qu'on a fait cette étude client, sinon ça n'aurait pas fonctionné. Et je peux vous dire que cet engouement naturel on ne l'a pas vu depuis très longtemps. Q. O.: La vidéo reste le premier facteur de consommation de la data ? M. G.: C'est les médias sociaux. Il y a la partie qui est consommée en vidéo ou juste en streaming. Evidemment toutes les plateformes de streaming vidéo sont en montée assez forte. Et ce n'est pas une particularité liée à l'Algérie, je l'ai vu sur plusieurs marchés qu'ils soient très ou peu sophistiqués, où le pouvoir d'achat est fort ou faible. Q. O.: Ne pensez-vous pas que le client doit être averti pour gérer son crédit data ? M. G.: On a une vraie responsabilité d'éduquer le marché par rapport à cela. On en discute avec les équipes de marketing en interne. On travaille sur un produit qui va permettre, très prochainement, de donner un confort de sécurité maximum au client, avec des systèmes d'alertes et des «pop ups» (fenêtre surgissante, ndlr). Cela fait partie de la proximité client dont je parlais. Q. O.: Vous avez parlé de 1100 sites 4G déployés, qu'en est-il pour la 3G ? M. G.: Nous avons déployé 4083 sites 3G dans les 48 wilayas. Pour la 2G, on est toujours à 6300 sites. Le fait d'être parti en retard dans le déploiement de la 3G nous a permis d'accéder au meilleur de la technologie qui permet d'installer la 2G, la 3G et la 4G. Q. O.: Vous ne souhaitez pas demander à l'ARPT d'utiliser les fréquences de la 2G pour la 4G ? M. G.: On a déjà demandé, et il y a eu une libération des fréquences qu'on commence à utiliser. Q. O.: Qu'en est-il de la mutualisation des équipements avec les deux autres opérateurs ? Vincenzo Nesci : La mutualisation de la partie active du réseau est prévue dans les licences 4G. Cela permettra de réduire l'investissement en offrant un meilleur service au client. La semaine dernière, en Russie, le régulateur a permis non seulement le partage de l'infrastructure radio mais aussi le partage du cœur de réseau donc du switching. Ici, je pense qu'il y a une interprétation un peu trop stricte de la réglementation. L'Autorité de régulation estime, même si on n'a pas encore reçu de réponse officielle, que la législation ne le permet pas, et demande d'attendre que la loi soit modifiée. Chose qui va faire perdre du temps, dégrader la qualité de service, puisque les opérateurs ne vont pas investir dans la couverture de certaines zones car ils savent que dans six mois on peut être présents de façon plus intelligente. Vous pouvez m'expliquer pourquoi, sur l'autoroute Est-Ouest, il doit y avoir trois sites chaque 5 kilomètres quand il peut y avoir qu'un seul ? |