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«Les
responsables travaillent tellement dur pour s'assurer que les choses se font
bien, qu'ils n'ont pas le temps de s'assurer s'ils sont en train de faire les
bonnes choses.» Stephen R. Covey
Dans la société globalisée de ce début du XXIème siècle, les gouvernements seraient avisés de privilégier quatre stratégies en vue de créer et soutenir une économie viable, réduire la pauvreté, et élever le niveau de vie des citoyens. Ces stratégies (voir 1) portent sur : 1/ Le renforcement des capacités institutionnelles et de la force de la loi - élections libres, puissants partis d'opposition, assemblées élues indépendantes, justice indépendantes, etc., 2/ La modernisation de l'administration publique - développement et fidélisation des employés, protection des droits et libertés humaines, protection du bien être, de la sécurité et de la santé des citoyens, protection de l'environnement naturel, mobilisation des ressources financières pour le développement, création de partenariats public-privé, renforcement de la société civile, renforcement du secteur privé, décentralisation du gouvernement, fourniture d'infrastructures physiques et technologiques, etc., 3/ La création d'un climat des affaires favorable ? libéralisation graduelle et réfléchie du commerce et des investissements, renforcement du droit de propriété, lois antitrust, réduction des barrières d'entrée dans les affaires, élimination des entraves à la compétition, etc., et 4/ La réduction de la pauvreté - développement social équitable, participation effective des pauvres au développement, accès des nécessiteux à la santé et à l'éducation, faciliter l'accès des démunis aux crédits bancaires, etc. Pour des raisons historiques, nos gouvernements successifs ont toujours accordé avec raison de l'importance à la réduction de la pauvreté. Mais, notre pays - qui s'est classé pour l'indice de développement humain (santé, éducation, revenus) à la 85ème place (0,735 sur 1) en 2015, il devance par exemple la Chine, l'Inde, l'Afrique du Sud, l'Egypte et le Maroc (voir 2) - reste relativement peu compétitif économiquement au niveau international. Aussi, la question qui reste posée est la suivante : Malgré que son indice de développement humain est raisonnable, pourquoi notre pays se classe mal, par exemple, en matière de climat des affaires, d'innovation, ou d'attrait pour les investissements directs étrangers ? La réponse est on ne peu plus claire : notre gouvernement ne travaille pas assez sur les questions de renforcement des capacités institutionnelles et de la force de la loi, de modernisation de l'administration publique, et de création d'un climat des affaires favorable. Les idées mises en relief dans la présente contribution sont celles d'un manager opérationnel et d'un formateur en management, et non pas celles d'un économiste ? De même qu'on préconise de ne pas abandonner les questions de la guerre aux seuls militaires, il faut tout aussi naturellement ne pas laisser les questions de développement aux seuls économistes. La contribution porte sur la question de la modernisation de l'administration publique en Algérie. Elle insiste sur le fait que sans un secteur public de qualité il faut s'attendre pour notre pays à un déficit en termes de cohésion sociale, de stabilité et de sécurité, ainsi qu'en termes de diversification et de développement économique. Un secteur public de qualité implique au premier chef la nécessité de développement des bonnes pratiques du leadership et du management au sein du gouvernement - bien gérer une organisation suppose, en sus de l'administration (lois et procédures), du leadership (vision et motivation) et du management (efficience et résultats). Le terme «réinvention» peut paraitre, à première vue, un peu déplacé. Il n'en est rien. Il suggère seulement que les conditions socio-économiques actuelles en Algérie sont très favorables à changement de cap s'agissant de la gouvernance publique. Il indique que la situation du pays est telle qu'il ne s'agit pas pour notre gouvernement d'implémenter seulement un nouveau modèle économique, mais d'aller au-delà et d'implémenter un nouveau modèle de management public. On peut ici faire appel au docteur Abdelhak Lamiri, qui a si opportunément souligné que : «?. une administration malade peut dévaster une économie qui autrement aurait pu être saine. Le développement est impossible avec une administration approximative. L'émergence serait une utopie sans une administration de qualité.» Depuis 2014 ? année de la chute brutale du prix du pétrole, notre Gouvernement fait face, au double niveau national et local, à des défis majeurs : creusement des déficits, amenuisement des ressources financières, difficultés de recouvrement des taxes et impôts, opposition des publics à de nouvelles taxes, contestations dans les différents milieux de travail, détérioration du pouvoir d'achat des populations, etc. La meilleure réponse à ces défis passe par la modernisation du gouvernement en vue de le rendre plus entrepreneurial (innovation, créativité, prise de risques raisonnables), et non pas seulement par la solution facile de l'augmentation des taxes et des sacrifices à consentir majoritairement par les citoyens et les entreprises. La modernisation du Gouvernement est aujourd'hui une tache fondamentale. C'est un programme de réforme pour les cinquante années à venir. C'est un énoncé clair de la mission du Gouvernement par le Gouvernement. Une mission centrée sur les citoyens et les acteurs économiques, et non pas sur le Gouvernement. Une mission cherchant à rendre meilleur, et la vie des citoyens et le monde des affaires. Idées de base De part le monde depuis les années quatre-vingt-dix du siècle dernier, le secteur public se reforme pour s'adapter à une société changeante - une société ou les développements économiques, sociaux et technologiques ont donné naissance à de nouvelles relations entre gouvernants et gouvernés. Ce secteur fait face à un déplacement d'un paradigme de gouvernance quelque peu dépassé appartenant à l'âge industriel - hiérarchique et centré sur les institutions, à un autre appartenant à l'âge de l'information - moins hiérarchisé et centré sur les citoyens. Dans un monde globalisé ou les Nations pratiquent le commerce et l'investissement dans un marché ouvert à tous, les gouvernements - nationaux et collectivités locales - ne peuvent plus centraliser la planification et le management opérationnel de leurs activités économiques, ni fournir les services publics à l'ancienne. Le rôle des gouvernements dans l'économie passe du contrôle, de la direction et de l'intervention à celui de supporteur et de facilitateur au profit des activités productives, en fournissant les infrastructures, en créant et en entretenant un climat des affaires propice, en assurant un accès transparent aux affaires, en protégeant les couches défavorisées des populations, et en procurant la sécurité ainsi que l'accès aux soins et au savoir aux citoyens. Pour ce faire, les gouvernements doivent êtres efficients, efficaces, participatifs, honnêtes, transparents, professionnels, responsifs, et collaboratifs. La modernisation de l'administration publique nationale vise deux objectifs fondamentaux - Primo : offrir de meilleurs services aux citoyens et acteurs économiques, et secundo : arrimer avec succès le pays à l'économie mondiale. L'atteinte de ces deux objectifs exige le recours à une stratégie proactive et prospective lointaine, et non pas à des réactions de courtes termes répondant aux pressions du moment - quoique la volonté politique et les compétences techniques existent, la capacité de mise en œuvre concrète de politiques et de réformes fait défaut en Algérie. Les savoirs faire en matière de management stratégique répondent parfaitement à cette préoccupation majeure. Pour espérer accomplir convenablement cette grande mission, le rôle et le fonctionnement de notre Gouvernement devraient êtres adaptés en conséquence. Pour le nouveau rôle, le secteur public devrait surtout moins s'occuper de la production des services, mais plutôt d'assurer que ces derniers sont produits ? et bien produits - par d'autres acteurs (agences publiques autonomes, secteur privé, société civile). Par ailleurs, il doit décentraliser les taches, la responsabilité, la compétence et le budget au profit des managers opérationnels. En termes de fonctionnement, le secteur public devrait poursuivre plusieurs buts : l'efficience (réduction des couts), l'efficacité (amélioration de la qualité du service), l'honnêteté et l'éthique, le pouvoir de contrôle des citoyens sur l'administration, et enfin la durabilité et pérennité des programmes et services. Les deux branches judiciaire et législatif du gouvernement ne sont pas concernées par ce nouveau rôle et ce nouveau fonctionnement. Dans le sillage de la globalisation, des innovations technologiques et de l'accès aux technologies de l'information, l'Algérien est devenu plus exigeant vis-à-vis du gouvernement. Mais malgré qu'aujourd'hui les choses commencent à évoluer positivement, dans son esprit l'innovation et la qualité demeurent des concepts non associés au secteur public national. Ce dernier, jusqu'à un passé récent, était perçu par les citoyens et les medias ? et même par les fonctionnaires publics et les politiques eux-mêmes ? comme étant inefficace, bureaucratique, résistant au changement, incompétent, et même corrompu. Le citoyen se plaint que l'administration fournit des services inadéquats, inappropriés, de mauvaise qualité, et coutant chers. Il perçoit les officiels au gouvernement comme travaillants sur des agendas ne favorisent pas ses besoins et ses préoccupations. Ce sont les américains Osborne et Gaebler qui définissent, au début des années 1990 du siècle dernier, le mieux les principes présidant à la modernisation des Gouvernements en proposant les dix principes de fonctionnement d'un gouvernement entrepreneurial - national et collectivités locales. Celui-ci doit (voir 3) : se consacrer le moins à la production de services, mais d'assurer qu'ils soient produits (et bien produits) par d'autres acteurs - Agences publiques autonomes, secteur privé, société civile ; restituer aux citoyens-clients le pouvoir de contrôle sur l'administration ; être guidé par sa mission ; agir en fonction des objectifs fixés, et donc des résultats obtenus ; être guidé par les besoins des publics, et non pas par ceux de la bureaucratie ; prévenir les problèmes, et non pas les subir ; gagner de l'argent, et non pas seulement dépenser ; décentraliser la prise de décision et favoriser une gestion participative et inclusive ; donner la priorité aux mécanismes du marché ; et enfin promouvoir la concurrence entre les services et unités. Depuis quelques années la bureaucratie nationale - collectivités locales, éducation, santé, etc. - améliore les services fournis, en termes de temps de réponse, de coûts, de qualité, d'intérêt porté aux préoccupations des citoyens, et enfin de transparence. Mais celle-ci a travaillé auparavant, des décennies durant, de manière déconnectée des véritables préoccupations des populations, doublée d'une absence de prospectif et de prévision quant à des demandes et des besoins toujours grandissants en termes de services publics à caractère administratif (ex. production de documents officiels), à caractère social (ex. services de santé, sécurité publique, éducation, culture, sports), ou à caractère technique (ex. gestion eau potable et énergies, ramassage des ordures, nettoyage des rues). La nécessité de modernisation de l'administration publique dans notre pays s'appuie sur deux constatations : 1/ Les organisations publiques sont démodées et ont besoin de réformes, 2/ L'existence d'un corps de connaissance et de techniques éprouvées dans le domaine du management et des mécanismes du marché pour guider le processus de réforme. Il devient de plus en plus difficile pour un gouvernement central de répondre seul aux complexes défis économiques, sociaux et environnementaux de notre temps. Les gouvernements qui innovent déconcentrent l'autorité, les ressources et la responsabilité aux agences publiques, aux collectivités locales, au secteur privé, aux organisations de la société civile, et même aux organisations non-gouvernementales internationales pour pousser à une plus grande participation de leur part aux décisions politiques et administratives, ainsi qu'à la fourniture de services. Les gouvernements encouragent ces différents acteurs à contribuer à cinq importantes fonctions : l'établissement des priorités, la planification, la production, le financement, et enfin la consommation. Les gouvernants réalisent aujourd'hui que le développement de leurs nations dépend de la décentralisation de la participation à la prise de décision publique. A son tour la décentralisation dépend de la puissance accordée aux collectivités locales, en termes de revenus et de dépenses. Les autorités centrales peuvent consolider les capacités fiscales des collectivités locales par notamment l'expansion de leurs autorités en termes de taxation et de collectes de revenues par la levée d'argents à partir d'une large variété de sources locales. Aussi, pour financer leurs programmes socio-économiques les gouvernements développent de nouvelles sources financières à partir des opportunités d'affaires offertes au niveau international par la mondialisation. L'impératif du managérialisme dans le secteur public La modernisation du secteur public prône l'introduction des fonctions générales du management stratégique (planification, organisation, gestion et contrôle) dans le fonctionnement des Gouvernements, de donner plus de pouvoir aux managers, de favoriser une orientation favorable à l'emploi des critères d'efficacité économique et financière, et d'encourager la privatisation de parties importantes des services étatiques. Dans ce cadre, le fonctionnement de notre gouvernement (administrations centrales et collectivités locales) devrait se caractériser par : - Les managers devraient avoir une autonomie maximum ? en termes d'autorité, de ressources et de responsabilité - vis-à-vis des hauts responsables pour la gestion opérationnelle de leurs organisations. - La définition de standards explicites de mesure des performances (on ne développe que ce que l'on mesure). - Un plus grand suivi des résultats. L'accent est mis sur les résultats, et non pas sur les procédures. - Une division en unités (autour de produits) du secteur public. - Une incitation à la compétition dans le secteur public. - L'import dans le secteur public du style de management du secteur privé. - Une plus grande discipline et une parcimonie dans la dépense publique. Or à l'instar de nombre de pays en développement à travers le monde, la gouvernance publique en Algérie se caractérise par : - L'inexistence d'une séparation claire entre les activités des hauts responsables et ceux des managers, que ce soit en termes de rôles ou de processus de prise de décisions ? existence d'une confusion dans les rôles et la prise de décisions. - Souvent le processus décisionnel n'est pas modelé par la rationalité économique, financière ou technique, mais plutôt par la résultante des conflictualités et négociations entre des groupes et des intérêts internes ou externes à la bureaucratie nationale. - Une hiérarchisation et une centralisation, doublées d'une adhésion servile et aveugle aux règlements et procédures, enfantant des pathologies bureaucratiques, comme les retards, le manque de flexibilité et de responsivité, un comportement arrogant vis-à-vis du citoyen-client, etc. - Un processus « haut => bas» d'implémentation des politiques et projets, aboutissant souvent à des solutions inadéquates et non satisfaisantes du point de vue du premier concerné, i.e. le public. D'un point de vue plus global, ce sont les «capacités institutionnelles» qui donnent le plus de sens et de rigueur normative à l'activité des organismes publics, et des organisations en général (voir 4). Elles donneront plus de consistance et de visibilité au projet de modernisation de l'administration publique en Algérie. Celles-ci sont définies comme étant «les facteurs expliquant les performances humaines au sein des organisations ou des environnements institutionnels». On reconnait au secteur public trois niveaux de capacités : 1/le niveau humain, portant sur le développement de la ressource humaine, 2/le niveau organisationnel, portant sur le renforcement des organisations, et enfin 3/le niveau institutionnel, portant sur les reformes institutionnelles. Le niveau humain : le premier niveau est en rapport avec les capacités des fonctionnaires et employés des administrations, i.e. la capacité des personnels d'exécuter correctement leurs responsabilités professionnelles et techniques. Ce sont les capacités des agences publiques - les connaissances, qualifications et attitudes des personnels, individuellement ou en groupe ? leur permettant d'accomplir correctement leurs responsabilités. L'amélioration des capacités des fonctionnaires et employés s'obtient par les formations et les qualifications, l'accroissement des connaissances managériales au travers de l'acquisition de livres, documentations et de banques de données, ainsi que par la mise en œuvre de programmes de transferts de connaissances et d'expertises à travers des partenariats, des jumelages, d'ateliers et de séminaires. Le développement de la ressource humaine inclut aussi le recrutement et la fidélisation des compétences au moyen de systèmes compétitifs de compensation (paie, primes, etc.) et de bonnes conditions de travail. Le niveau organisationnel : Les initiatives de construction de capacités humaines n'ont de sens que si l'organisation devant les exploiter est elle-même renforcée- en mesure d'exploiter et de faire bon usage d'une ressource humaine de qualité. Le renforcement des organisations porte sur les systèmes de motivation et d'exploitation effective des personnels, l'amélioration des structures de leadership et de management, le changement de la culture organisationnelle, et finalement l'introduction des outils modernes de la communication. Le développement du secteur public est plus sensible à des cultures organisationnelles robustes ainsi qu'à de bonnes pratiques en management et communication qu'à des lois, des procédures et des réglementations. Le niveau institutionnel : Ce niveau inclut «le contexte institutionnel» et «l'environnement des affaires». Le contexte institutionnel inclut les lois, les normes et les valeurs/croyances. Un contexte institutionnel renforcé facilite les agissements et comportements des personnes. L'environnement des affaires inclut des aspects propres au pays, tels que le système fiscal, le système juridique ou légal, la stabilité politique, et le poids de la société civile et du secteur privé. Un environnement des affaires renforcé facilite les agissements et comportements des organisations. L'impératif du partenariat public ? prive ? société civile En ce début du XXIème siècle les gouvernements qui innovent cherchent en permanence, primo, a renforcer le rôle et la participation du secteur privé et de la société civile et, secundo, à collaborer étroitement avec eux pour, d'une part offrir de meilleurs produits et services à leurs publics et citoyens, et d'autre part arrimer ou intégrer avec succès leurs pays à l'économie mondiale (voir 1). La synergie dans l'action gouvernementale est source de cohésion sociale (voir 5), et doit être au centre de tout effort de modernisation de notre gouvernement - elle permet un meilleur traitement des problèmes complexes de notre temps, à l'exemple du chômage des jeunes, de la consommation de drogues parmi les jeunes, de la violence et du crime, des accidents de la circulation, de l'émigration clandestine vers notre pays, etc. Cette synergie se concrétisant au niveau des trois sphères politique, administrative et des agences de services, par le biais de la communication (informations partagées), la coopération (ressources partagées), la coordination (activités partagées) et la collaboration (responsabilités partagées) inter organisationnelles, i.e. entre agences gouvernementales, ainsi qu'entre agences gouvernementales et organisations des deux secteurs privé et de la société civile. Au contraire, la fragmentation de l'action gouvernementale est source de frein à la circulation des bonnes idées, de conflits et tensions, de duplication et d'interférences dans les politiques et programmes, de gaspillage et de mauvais emploi de ressources humaines et matérielles, d'inefficacité et d'inefficience devant les projets complexes et les problèmes sournois, et enfin d'illégitimité organisationnelle. Aujourd'hui, cette fragmentation constitue peut être la principale cause prévenant la concrétisation effective de nombre d'initiatives ? politiques, programmes et projets ? du gouvernement. La question de la gouvernance collaborative à été en partie résolue par l'introduction des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans l'action gouvernementale. La e-gouvernance (gouvernance électronique) est un système moderne adopté par un gouvernement quelconque par l'emploi d'Internet pour, d'une part relier ses différentes institutions et agences entre elles, et d'autre part offrir au acteurs économiques et aux citoyens un accès aisé à ses différents services et informations. À l'ère de la globalisation non seulement du commerce et des investissements, mais aussi des interactions politique, sociale et technologique, améliorer les capacités du secteur public en matière de renforcement des organisations de la société civile (organisations patronales, syndicats des travailleurs, associations professionnelles, groupes d'intellectuels, médias, associations de protection des consommateurs, associations culturelles, Croissant rouge algérien, etc.) en termes de leur participation dans les activités économiques, sociales et politiques des pays, devient une fonction de plus en plus vitale des gouvernements. En plus de suppléer les services fournis par les secteurs public et privé et de garder un œil sur les «mauvaises pratiques» des administrations publiques, les organisations de la société civile peuvent pousser à une répartition plus équitable de la richesse dans la société, et ainsi permettre aux citoyens d'améliorer leurs standards de vie. Elles canalisent la participation des publics dans les activités économiques, sociales et politiques et les organisent en une force saine, positive, utile et responsable d'influence des politiques publiques. Ces organisations facilitent les transactions sociales et protègent les groupes vulnérables de la société. Elles impactent positivement le développement économique, social et politique quand elles coopèrent entre elles, avec le gouvernement, ainsi qu'avec le secteur privé. Dans un pays quelconque, l'existence d'un réseau robuste et entreprenant d'organisations civiques - désigné par le terme «capital social» - contribue grandement à la capacité de la société de prendre en charge les activités favorisant le développement économique et sociale. De surcroit, ce type de réseau favorise l'instauration de la démocratie. Ces réseaux rendent moins complexe l'action collective et de groupes par l'institutionnalisation de l'interaction sociale et la réduction de la force d'attraction de l'opportunisme. D'un autre coté, dans les pays qui se développent et se modernisent constamment, le secteur privé joue de plus en plus un rôle cruciale dans la fourniture des services publics, mission considérée jusqu'a récemment comme public et du ressort exclusif des gouvernements. Dans ces pays, des partenariats entre le secteur public (gouvernement national et collectivités locales) et le secteur privé - Partenariat Public-Privé ou PPP - sont tissés pour l'expansion des réseaux d'énergie ; l'extension des réseaux de transport et de télécommunication ; la construction et la gestion des installations de traitement de l'eau, des eaux usées et des déchets ; la fourniture de services dans l'éducation et la santé ; la gestion des autoroutes, ports, aéroports et chemins de fer ; la réduction de la pollution environnementale ; la construction d'habitations, etc. Le PPP est motivé par le fait qu'aujourd'hui les gouvernements ne disposent pas d'assez de ressources budgétaires pour rallonger les offres de services et d'infrastructures, ou pour subventionner les organismes et entreprises déficients. En outre, les publics sont de plus en plus insatisfaits des services offerts par le secteur public, ainsi que par la lenteur et le coût de réalisation des infrastructures. Des expériences à travers le monde démontrent que beaucoup de services que les citoyens sont prêts à payer ? transports, télécommunications, énergies, eau, habitation ? sont produits plus efficacement quand le secteur privé est impliqué. L'implication de ce secteur débouche sur de meilleures capacités managériales et sur un accès aisé aux nouvelles technologies. Aussi, le PPP peut augmenter la compétition et l'efficience dans la production de services, étendre les publics approvisionnés, assurer la continuité de service, et réduire les couts de production. Il aboutit à un partage de risques entre les secteurs public et privé, et assure que les projets sont astreints à une stricte discipline commerciale et financière. Le PPP permet au gouvernement d'étoffer et d'étendre les services offerts sans augmentation de ses effectifs et sans recours à de gros investissements dans les infrastructures, les installations et les équipements. Il permet d'ajuster aisément la taille des programmes de services offerts en fonction du changement de la demande. Le partenariat public-privé est plus flexible et plus rapide quant à son adaptation aux signaux du marché, procure plus aisément la technologie, et développe de meilleures capacités d'exploitation et de maintenance des installations et infrastructures. Dans le même temps qu'il satisfait amplement les besoins des publics en services de tout genre, il génère plus d'emplois et plus de ressources financières. Ce partenariat permet, aussi, au gouvernement de rester propriétaire des installations publiques, de contrôler les services publics, de bénéficier des bonnes pratiques de management du secteur privé, de générer de l'argent, d'éliminer sa vulnérabilité aux actions de grève des travailleurs et aux défaillances des sous-contractants. Ces partenariats peuvent prendre diverses formes : les contrats de service, de management et de leasing ; le BOT (construire, opérer et transférer) ; la jointe venture de projets ; les investissements publics passives ; la coopération volontaire public-privé ; etc. Bien qu'il constitue aujourd'hui un moyen privilégié de modernisation des gouvernements, le PPP n'est pas la panacée pour tous les maux du secteur public. Malgré cela, l'expérience à travers le monde et en Algérie démontre sans équivoque que les partenariats public-privé planifiés et implémentés avec rigueur, discipline et constance, d'une part améliorent la qualité, réduisent les coûts, et étendent la couverture en matière services publics, et d'autre part contribuent au développement et à l'intégration des pays à l'économie mondiale. Résumé et conclusion L'opération de réforme, de transformation, de modernisation ou de réinvention de l'administration publique en Algérie n'est pas du tout simple, bien au contraire, elle est très complexe. Elle nécessitera plusieurs années d'efforts et de sacrifices. Elle exigera des responsables à tous les niveaux de prendre des risques sans assurance de résultats, bien au contraire, il faut s'attendre à beaucoup d'échecs. Aussi bien, il faut mettre en œuvre une approche globale et une stratégie claire sous la forme d'une vision, d'objectifs et d'un plan d'action pour espérer faciliter et donner plus de chances à la réussite de l'opération (voir 6). La stratégie (vision, objectifs, et plan d'action) indique sans ambigüité à toutes les parties prenantes (employés, citoyens, acteurs économiques, etc.) la marche à suivre. Elle force l'impression que le gouvernement sait ce qu'il fait et sait ou il va. En outre, les gens sont plus motivés et travaillent plus intelligemment s'ils croient en ce qu'ils font et ont confiance en l'organisation pour laquelle ils travaillent. Nombre de gouvernements dans le monde, à l'exemple des USA, du Royaume uni, du Canada, de l'Australie, de la Nouvelle Zélande, du Mexique, de l'Italie, de l'Egypte, etc., ont initié des stratégies particulières adaptées à leurs contextes socio-économiques et s'inspirant des principes d'Osborne et Gaebler. Notre gouvernement devrait faire de même, en mettant en place une stratégie claire comprenant : 1/une vision (mission) claire pour le service public, 2/ des objectifs stratégiques collant au contexte national et s'inspirant des dix principes des gouvernements entrepreneurials, et enfin 3/ un plan d'action pour la réalisation des ces objectifs. La vision pourrait, par exemple, porter sur la mise en place de «une culture de management du secteur public de classe internationale, mettant l'accent sur la centralité du citoyen et des acteurs économiques, ainsi que sur la redevabilité sur les résultats». Pour les objectifs stratégiques (voir 7), on peut, à titre d'exemple, citer : amaigrissement du gouvernement par la réduction des taches lui incombant par la concentration sur ses activités principales (réduction des couts et des effectifs) , développement de la ressource humaine , décentralisation des taches, de la responsabilité, de la compétence et du budget au profit des managers opérationnels , atténuation de la fragmentation de l'action gouvernementale (amélioration de la coordination entre organisations), notamment au niveau des collectivités locales , exposition des organisations gouvernementales à la compétition , création de partenariats public-privé-société civile, introduction dans l'administration de la culture de satisfaction des citoyens et des publics , et mesure des performances et des résultats, et redevabilité sur les performances. Le plan d'action découle des concepts et pratiques de management de projets, i.e. détermination des tâches (formations, veille, relations publiques, etc.), agencement des taches avec diagramme PERT, et calendrier de réalisation avec diagramme Gantt. La stratégie est le résultat d'un travail intellectuel de bureau aboutissant tout juste à des documents spécifiant dans le détail la vision, les objectifs, et le plan d'action. Elle nécessite donc tout naturellement une mise en œuvre. Pour ce faire des tâches de veille et d'intelligence économique, de management, ainsi que de communication et de relations publiques sont mises en branle pour donner vie à cette stratégie et implémenter la vision et les objectifs concrètement dans le terrain (voir 8). Pour conclure, on note que des retards dans l'implémentation de la reforme du service public en Algérie, par l'atteinte de résultats tangibles et satisfaisants aux yeux des citoyens et des acteurs économiques, aura des effets négatifs sur son impact et nuira aux conditions initiales ayant conduit à son initiation. Dans ce cadre, le recours à des acteurs neutres ou externes à l'administration est fortement recommandé. L'expérience à l'internationale en matière de modernisation des administrations démontre sans équivoque que ces dernières ne peuvent pas réussir leur transformation, d'elles mêmes de l'intérieur, sans l'apport d'experts indépendants, de bureaux privés de conseil ou d'organismes internationaux, dans le cadre notamment du renforcement des capacités institutionnelles, organisationnelles et humaines. *Ancien cadre du Ministère de la défense nationale et de l'ex. Ministère de la prospective et des statistiques. Actuellement Manager exécutif de « Intelligence&Prospective », et consultant-formateur en management. Références : (1) Dennis A. Rondinelli, Reinventing government : the imperatives of innovation and quality. (2) Abdelhak Lamiri, Développement humain : les acquis et ce qui reste, El Watan du 19.12.2016. (3) David Osborne, Reinventing Government, Public productivity & Management review, Summer 1993. (4) Stephan F. Jooste, A new public sector in developing countries, Working paper 36/CRGP, march 2008. (5) Per Laegreid, Tiina Randma-Liiv, Lise H. Rykkja, Kulli Sarapuu, The governance of social cohesion : Innovative coordination practices in public management, COCOPS work package 5, June 2013. (6) Jofre, Sergio, Strategic Management : The theory and practice of strategy in business organizations, Technical university of Denmark, January 2011. (7) William D. Eggers, Rightsizing government : Lessons from america's public-sector innovators, How-to Guide No. 11, junuary 1993. (8) Peter F. Drucker, The practice of management, HarperBusiness ? New York, 1982. |