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La langue arabe
et Tamazight sont condamnées à disparaître des pays de l'espace de la rive sud
de la Méditerranée, ou tout au plus d'être assignées à jouer des rôles
ostentatoires ou d'accompagnement de quelques caprices résiduels des temps
anciens, tels que la religion ou le folklore local. Elles seront condamnées à
la minorité par le simple fait de leur inefficacité, en perspective de la
dynamique de développement des sociétés qui les abritent, dans cet espace
culturel. Le bon sens veut que toute entreprise humaine, après tant de
péripéties hasardeuses, finit, toujours, au mieux. Ainsi, après les
colonisateurs, ce fut le tour des dictateurs de soumettre les peuples
nord-africains et de leur imposer une identité, au service de leur idéologie.
Aujourd'hui en Algérie, nous vivons une étape décisive de notre histoire
contemporaine. La dictature craquelle de partout et le consensus inébranlable
qui faisait, autrefois, sa force est entré dans un processus d'implosion
irréversible. Il ne passe pas un jour, sans que les effets de cette implosion
ne viennent éclabousser l'espace médiatique en des déballages d'une violence
jamais observée, depuis notre accès à l'Indépendance, où chaque acteur essaye
de tirer la couverture à son avantage, pour sauver sa peau. On ne peut prévoir
quand adviendra l'effondrement de ce temps inique, mais tout ce que l'on sait,
c'est que le compte à rebours a, bel et bien, commencé. Le moment venu, les
peuples qui vivent dans cet espace civilisationnel,
millénaire, de la rive sud de la Méditerranée, comme pour notre peuple, après
avoir disqualifier cette dernière forme de domination stérile, seront
contraints à s'imposer à soi-même un mode de vivre ensemble basé sur la
liberté, la justice et l'excellence dans la vie sociale, économique et
culturelle.
En Algérie, le noyau dur de ces dictateurs, dans leur agonie, qui entendent s'accrocher le plus longtemps possible à leurs privilèges, en espérant repousser, le plus loin possible, le moment fatidique de leur anéantissement, multiplient, tous azimuts, des décisions spectaculaires désespérées. L'officialisation à grandes pompes de la langue tamazight, dans le nouveau projet de Constitution, sans l'inscrire dans une conception pragmatique globale de refondation de la question identitaire et du problème des langues, s'inscrit, en droite ligne, dans une stratégie de leurre désespérée. Comme l'a été, durant les années écoulées, la redistribution de la rente, sans avoir voulu amorcer un processus de production de richesses substituable à la dépendance des hydrocarbures. Si le recours à celle-ci parvenait à acheter la paix sociale devant une population en ébullition, prête à prendre d'assaut la rue pour exprimer un malaise social profond et en découdre, l'officialisation de tamazight apparaît d'emblée, comme obéissant à la même stratégie de manipulation. Par cette officialisation précipitée, du moins surprenante, nos dictateurs semblent vouloir neutraliser les ardeurs des militants pour la démocratie parmi les plus actifs et donc les plus menaçants, dont la motivation première de leur combat se confond, justement, avec la revendication de l'officialisation de Tamazight, notamment en Kabylie. Contrairement aux autres régions, du vaste territoire national, c'est en Kabylie que la survivance du Tamazight est la plus sensible, et donc la plus mobilisatrice, alors qu'ailleurs les populations sont ravagées par une dépolitisation morbide. D'autant que la revendication de l'officialisation de Tamazight avait pris, ces dernières années, une dimension internationale, notamment à l'échelle de l'Afrique du Nord, et dont les échos parviennent aux quatre coins du monde, en poussant ses militants jusqu'à la tentation de la partition du territoire national. C'est en partie pour faire face à la propagande de cette posture de victimisation, devant l'opinion internationale, que nos dictateurs se sont empressés, aussi, dans ces calculs politiciens, à officialiser le Tamazight. Il faut admettre que la langue tamazight n'est pas revendiquée par l'ensemble de la population algérienne, mais seulement, par des groupes ethniques éparses, parmi lesquels les Kabyles, les Mozabites, les Touaregs chez qui des variantes locales de la langue tamazight continuent à survivre. Ce sont, généralement, des groupes ethniques, repliés sur eux-mêmes, qui revendiquent une pureté identitaire et linguistique amazighe, en tournant le dos à la réalité algérienne, dans sa composante multiculturelle et multiethnique et les processus millénaires de métissage qui sont venus enrichir sa composante humaine et son parlé populaire, forgé à partir de la matrice de base qu'est le Tamazight. Sous l'appellation de Derja, la langue parlée des Algériens, sur toute l'étendue du territoire, est une langue vivante, qui sait se récréer et s'adapter, pragmatiquement, au vertigineux développement de l'Humanité, sous l'injonction de la mondialisation économique et culturelle. Elle est la langue par laquelle les Algériens organisent leur vécu, au quotidien, et assument leurs relations, aussi bien sociales, économiques que pratiques. Elle est, surtout, la langue de transmission culturelle maternelle de la majorité des Algériens, que la langue arabe, après un demi-siècle de gavage forcé, aussi bien à l'école qu'à l'Administration, n'a pas pu supplanter. Devant cette évidence, l'officialisation et la généralisation de Tamazight est condamnée à subir le même sort et devient de fait impertinente. Car dans les défis de l'Algérie de demain, débarrassée des démons de la dictature et de l'immobilisme, jalouse de son intégration dans la contemporanéité du monde et arrimée à sa course effrénée de développement, la Derja serait, pour elle, le vecteur vital pour amorcer une dynamique de communication, à même de lui permettre de prendre le train en marche, de la façon la plus pragmatique qui convient. Cette intégration ne peut se faire sans intégrer les valeurs universellement partagées, celles de citoyenneté, de droits humains, de liberté de conscience et de Laïcité. C'est dans cette perspective que les langues auront chacune un rôle adéquat à jouer. Si la Derja aura à assumer le rôle de catalyseur vers la modernité, l'Arabe sera le mieux indiqué pour la médiatisation de la spiritualité et le Tamazight d'avoir le privilège à la perpétuation des spécificités traditionnelles et folkloriques locales. |