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Les déchets biomédicaux : un danger omniprésent

par Driss Reffas *

Les déchets biomédicaux comprennent tous les déchets produits par des activités médicales. Ils embrassent des activités de diagnostics aussi bien que des traitements préventifs, curatifs et palliatifs dans le domaine de la médecine humaine et vétérinaire.

En d'autres termes, sont considérés comme déchets biomédicaux, tous les déchets produits par des institutions médicales (publiques ou privées), un établissement de recherche ou un laboratoire.

La gestion des déchets biomédicaux est une partie intégrale du contrôle d'hygiène et d'infection au niveau et en dehors des établissements de santé. Les déchets biomédicaux contribuent aux risques d'infections nosocomiales qui mettent à risque la santé du personnel soignant et des patients. Des pratiques de gestion appropriées des déchets biomédicaux doivent, de ce fait, être strictement appliquées comme partie d'une approche globale et systématique du contrôle d'hygiène et des infections des hôpitaux. Une série de mesures devraient être développées en rapport avec la manipulation et le traitement/l'élimination des déchets biomédicaux pour promouvoir l'hygiène personnelle et des mesures de protection. Ces mesures doivent aussi concerner le personnel municipal (service de l'hygiène communale) en charge de la gestion non seulement des déchets solides mais aussi des déchets infectieux qui proviennent des structures médicales privées et publiques isolées.

Hôpitaux, cliniques, laboratoires, cabinets dentaires, cliniques vétérinaires et soins infirmiers à domicile, tous ne sont que quelques exemples qui produisent des déchets bioactifs potentiellement dangereux, que l'on appelle déchets biomédicaux. La méthode d'élimination des déchets biomédicaux, selon les normes, comporte un procédé complexe qui exige un contrôle rigoureux pour éviter tout danger grave pour la santé publique. Bon nombre, sinon la majorité des établissements producteurs de déchets biomédicaux dans notre pays n'ont aucun accès pratique à une méthode d'élimination efficace, et finissent par traiter ces déchets d'une manière apparentée à celle qui est utilisée pour les ordures ménagères. Par rapport à ces derniers, les déchets biomédicaux ne sont pas importants en volume, mais représentent un risque quasi permanent quant à la santé du citoyen. Ces déchets générés au niveau des structures sanitaires publiques (CHU, Etablissements hospitaliers de proximité, salle de soins...), des soins à domicile, et des structures médicales privées, entres autres les cabinets de :

- Généralistes pratiquant les petits soins (incissions d'abcès, soins infirmiers...),

- Spécialistes (gynécologues, dermatologues, chirurgiens généralistes,ORL,...),

- de Chirurgiens dentistes,

- de laboratoires d'analyses (microbiologie, biochimie d'anatomo-pathologie et de médecine nucléaire), demeurent une source permanente et inquiétante, qui laisse planer un grand risque de propagation de maladies infectieuses graves telles que les hépatites B et C, le Sida, la tuberculose...

De nos jours, dans notre pays, la gestion des déchets biomédicaux est un problème crucial, tant au niveau des structures de santé qu'au niveau du service d'hygiène communale. Et pourtant, les textes de lois régissant la gestion des déchets spéciaux existent, notamment la loi N°01-19 du 12 décembre 2001 relative à la gestion, au contrôle et à l'élimination des déchets, appuyée par le décret exécutif 03-477 du 09 décembre 2003 fixant les modalités et les procédures d'élaboration, de publication et de révision du plan national de gestion des déchets spéciaux.. Dans ce sens, en vertu d'une réglementation universelle, et du décret N°03-477 cité ci-dessus, les déchets biomédicaux sont classés en trois catégories :

 1- Déchet anatomique : tout déchet anatomique humain ou animal constitué d'une partie du corps ou l'un de ses organes, à l'exception des phanères (1), du sang et des liquides biologiques.

 2- Déchet infectieux : tout déchet contenant des micro-organismes ou leurs toxines susceptible d'affecter la santé de la population à savoir : un objet piquant, tranchant ou cassable mis en contact avec du sang, un liquide ou un tissu biologique provenant de soins médicaux, dentaires ou vétérinaires ou d'un laboratoire de biologie médicale ou vétérinaire. Aussi, un tissu biologique, une culture cellulaire, une culture de micro-organismes ou le matériel en contact avec ce tissu ou cette culture, provenant d'un laboratoire de biologie médicale ou vétérinaire; un vaccin de souche vivante, un contenant de sang ou du matériel imbibé de sang, provenant de soins médicaux, d'un laboratoire de biologie médicale.

 3- Déchet toxique : tout déchet constitué de résidu et produits pharmaceutiques périmés, produits chimiques et de laboratoires. Les produits contenant de fortes concertations en métaux lourds.

Encore une fois, il est malheureux de constater que la plupart, sinon la majorité de nos établissements de santé ne possèdent pas un dispositif approprié de gestion des déchets qui produisent. Ce qui veut dire que la chaîne établie dans le processus de gestion des déchets n'est pas respecté ou complètement ignorée. La preuve, ce qui ressort de l'instruction N°001 du 04 août 2008 de Monsieur le ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière, relative à la gestion de la filière d'élimination des déchets d'activités de soins est très significative, où on peut lire : «La gestion des déchets d'Activités de Soins (D.A.S) est un critère reconnu dans la démarche qualité des soins. Ces déchets représentent non seulement une menace pour la santé mais aussi une source de nuisance et une cause d'infections nosocomiales du fait de leur caractère infectieux et toxique. Les responsables de nos établissements, à tous les échelons, se désintéressent de ce problème. Aucune mesure concrète n'est prise pour sécuriser cette filière à risque. Tout producteur de déchets est responsable de l'élimination des déchets qu'il produit. De par les inspections effectuées, mes services ont constaté une situation de «Non Gestion des Déchets Hospitaliers» et, les actions menées jusqu'à présent sont obsolètes, défaillantes, voir carrément absentes». Cet aveu du premier responsable de la Santé résume de façon nette, précise et concise une situation qui fait ressortir le manque de perception de nos gestionnaires face à un problème quotidien qui engendre des pathologies lourdes dans leurs traitements, souvent mortelles.

Le traitement des déchets biomédicaux est assujetti à un cheminement rigoureux où chaque étape a son importance. Dans un lieu qui génère des déchets biomédicaux, l'entreposage (intermédiaire ou centralisé) permettra d'éviter tout contact avec d'autres types de déchets et l'endroit ne sera accessible qu'aux personnes autorisées, c'est-à-dire le personnel formé en hygiène hospitalière. Pour ce faire, il faut d'abord procéder au tri qui consiste à séparer les déchets biomédicaux des autres déchets aussitôt qu'ils sont générés, et les placer dans des contenants identifiés et sécuritaires. Le conditionnement est assujetti à la réglementation en vigueur citée ci-dessus. Après les trois premières étapes, intervient le transport. Les véhicules, les conteneurs ou les contenants utilisés pour le transport seront réservés exclusivement aux déchets biomédicaux et dûment identifiés selon les normes. Le transport des déchets doit toujours être correctement documenté et tous les véhicules doivent porter une note de colisage du point de collecte au site de traitement. De plus, les véhicules utilisés pour la collecte de déchets biomédicaux ne doivent pas être destinés à d'autres utilisations. Ils ne devront pas avoir de rebords tranchants, devront être faciles à charger et à décharger, faciles à nettoyer/désinfecter et être hermétiquement couverts pour empêcher un déversement de déchets soit à l'intérieur de l'hôpital ou sur le trajet menant à l'incinération ou à l'enfouissement dans des sites réservés.

Plusieurs enquêtes effectuées dans notre pays ont révélé que la plupart de nos structures sanitaires ne sont pas équipées d'incinérateurs, ou s'ils existent, ils sont défaillants. Ce qui veut dire que pendant l'incinération, si un filtrage propre n'est pas effectué, l'air peut également être pollué et causé des désagréments à l'ensemble des travailleurs exerçant au sein de la structure, les hospitalisés et la population environnante.

Aussi, les polycliniques et les salles de soins dans le rural, leurs déchets biomédicaux font l'objet d'un ramassage quotidien des services communaux au même titre que les ordures ménagères. Ce procédé n'est pas exclu dans les grandes agglomérations, car en plus de la mauvaise gestion des déchets biomédicaux constatée au niveau des établissements de santé publique, les structures privées conditionnent leurs déchets dans le même emballage réservé aux déchets ménagers. Les décharges publiques en sont témoins.

Toutes les personnes exposées aux déchets de soins médicaux dangereux courent potentiellement le risque d'être blessées ou infectées. Ce groupe comprend :

- Le corps médical, paramédical et les agents (d'hygiène, de sécurité, de maintenance...).

- Les patients hospitalisés, ou suivis en consultation externe, ainsi que les visiteurs.

- Le grand public, et plus spécifiquement, les enfants jouant avec des objets qu'ils peuvent trouver dans les déchets à l'extérieur des établissements sanitaires (publics ou privés), lorsque ceux-ci leur sont directement accessibles. Les enfants de la nuit recrutés pour le ramassage des métaux, les ouvriers communaux et les chiffonniers des décharges publiques.

Le service public de l'hygiène communal, pataugeant dans la gestion des déchets solides et qui, jusqu'à nos jours, ne s'efforce pas à trouver la solution adéquate, ignore la définition des déchets biomédicaux. De même, il ignore aussi le risque encouru par la population de façon générale et par ses agents de façon particulière. Car, de visu, il est constaté que les agents s'occupant du ramassage des déchets ne portent aucune protection (gants, masque, souliers protecteurs et combinaison étanche), car les objets piquants et tranchants sont considérés comme une des catégories de déchets biomédicaux les plus dangereux.

Pour être effective, une politique de gestion des déchets de soins médicaux doit être appliquée avec minutie, de manière pertinente et universelle. La formation est un aspect prépondérant pour une amélioration réussie des pratiques de gestion des déchets biomédicaux. L'objectif global de la formation est de développer la sensibilisation sur les questions sanitaires, sécuritaires et environnementales liées à la gestion de ces déchets. Elle doit mettre l'accent sur les rôles et les responsabilités de chaque acteur impliqué dans le processus de leur gestion. Les périodes de formation continue ne doivent exclure aucune catégorie professionnelle : le personnel administratif responsable de la mise en oeuvre de la réglementation sur la gestion des déchets biomédicaux, le corps médical, paramédical et les agents de service de nettoiement. Aussi, les bureaux municipaux d'hygiène communale (BMH) doivent se pencher sérieusement sur les cycles de sensibilisation des agents responsables de la collecte des ordures ménagères.

Comme souhaité par l'Organisation mondiale de la Santé, les programmes de formation des personnels doivent couvrir :

- L'Information et des justificatifs de tous les aspects de la politique de gestion des déchets de soins médicaux;

- Les rôles et les responsabilités de chaque membre du personnel de la mise en oeuvre de la politique de gestion des déchets de soins médicaux ;

- Des instructions techniques pertinentes sur l'application des pratiques de gestion des déchets;

- Et des informations sur les techniques de contrôle.

En conclusion, le problème de la gestion des déchets biomédicaux reste posée dans notre pays, et ce malgré les efforts consentis pour la rédaction des textes de lois en faveur de la protection de l'environnement contre ces types de déchets dangereux. Le constat de Monsieur le ministre de la Santé et de la Population nous donne une idée précise sur la prise en charge défaillante de ces produits nocifs au sein de nos établissements de santé, se répercutant automatiquement sur l'environnement immédiat. Faut-il encore savoir, si l'instruction de Monsieur le ministre a été consolidée par un suivi rigoureux.

Il est aussi urgent pour les APC d'engager dans l'immédiat une politique juste quant à la gestion des déchets d'une façon générale (ménagers et de soins médicaux), car les officines médicales privées se trouvent au milieu de la population. Egalement, Il n'est pas interdit de s'imprégner de l'expérience des Etats qui maîtrisent la gestion des déchets biomédicaux et, surtout, dans le cadre des jumelages de nos cités avec ceux de l'hexagone.

Aussi, dans le cadre de l'insertion des jeunes diplômés (biologistes, pharmaciens, ingénieurs en environnement...) dans le monde du travail, l'Etat doit encourager la création de sociétés privées pour la gestion des déchets biomédicaux, qui permettra l'établissement de conventions obligatoires avec les établissements de santé (publics et privés) et dans la nécessité avec les APC.



* Conseiller régional et national de la section ordinale
des Chirurgiens dentistes.


Notes:

- Principes fondamentaux de la gestion des déchets de soins médicaux (OMS).

- Instruction N°001 MSPRH du 04 août relative à la gestion de la filière d'élimination des déchets d'activités de soins.

- Décret exécutif N°03-477 du 09 décembre 2003.