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Par ces temps
difficiles, le moindre centime à sa valeur et l'Etat devra faire tout ce qui
est possible pour économiser des devises nécessaires à la relance économique et
aux différents programmes.
De par la fonction de tout un chacun nous pouvons faire des propositions à même d'épargner des sommes faramineuses qui sont gaspillées faute de gestion rationnelle et de responsabilisation. En ce qui me concerne en tant que pédiatre, je souhaite tirer «encore» la sonnette d'alarme et attirer l'attention des autorités concernées, à savoir les ministères du Commerce et surtout de la Santé sur l'importation tous azimuts et sans limites des laits infantiles dont le marché est disputé à couteaux tirés par de nombreuses multinationales. Nombreuses sont les marques (plus d'une vingtaine) qui se disputent le gâteau. Tous les moyens sont bons pour s'imposer et acquérir ainsi de plus en plus de clients jeunes et fidèles en ciblant la source c'est-à-dire les bébés à travers les futures mamans dès les premiers mois de leur conception en essayant d'influencer tous ceux et celles qui prennent en charge le suivi des parturientes, surtout les sages-femmes les médecins des centres PMI (protection maternelle et infantile), les médecins des maternités et salles d'accouchement, les pharmaciens responsables des commandes dans ces mêmes structures et, enfin, tous les médecins du public et privé potentiellement prescripteurs. L'autre volet sur lequel s'appuie cette stratégie est celui de la formation médicale continue (un sujet qui a besoin d'être abordé séparément) dont le monopole est quasi exclusivement tributaire du soutien et de l'apport financier des laboratoires spécialisés en nutrition infantile. Bien que les professionnels puissent en profiter pour l'actualisation de leurs connaissances en absence de toute autre alternative ; mais comme le stipule l'adage « on n'a rien sans rien » ces événements constituent une formidable occasion pour ces laboratoires afin de faire passer un message bien précis et certains sans se prévaloir des exigences de l'éthique et de la déontologie sont arrivés à noyauter des associations à caractère scientifique pour imposer les thèmes et obtenir l'exclusivité de leur produit auprès des prescripteurs. Malheureusement le constat est là. L'Algérie est l'un des pays où le taux d'allaitement maternel est des plus faibles de la région (7% d'allaitement exclusif à 6 mois au Maroc 31% dans les pays développés la tendance est à la progression ; en France ce taux est passé de 45.5% en 1995 à 68.7% en 2010 ) avec un déclin de plus en plus rapide au cours de ces dernières années. Ce chiffre n'est pas passé inaperçu auprès de ces opérateurs qui ont bien compris les formidables enjeux pour s'introduire dans la brèche. Car il y a des centaines de millions d'euros en jeu et par les temps qui courent personne ne veut laisser filer cette manne. Dans tout cela une chose est sûre : l'absence criarde et intrigante des responsables surtout du ministère de la Santé qui détient un rôle central et prépondérant pour endiguer cette dangereuse dérive. L'Algérie étant liée par des conventions internationales ne peut pas simplement décréter une interdiction d'import et d'autres moyens plus efficaces et intelligents doivent être mis à l'œuvre. Car, avant que ce soit une affaire de gros sous, il s'agit d'une affaire de santé publique sensible touchant au devenir des générations futures. On n'apprend rien à dire que le lait maternel est l'aliment idéal pour l'enfant, tous les jours on lui découvre de nouveaux bienfaits sur la santé infantile et maternelle : prévention des infections, des maladies métaboliques -tel le diabète ou l'obésité-, prévention de l'asthme et des allergies, prévention contre la dépression, prévention du cancer chez la femme allaitante?on ne saurait citer tous les avantages, mais hélas cette vérité est ambiguë dans l'esprit des futures mamans et leur proches et de beaucoup de professionnels et surtout des personnes chargées de la santé infantile puisque elle n'a pas de traduction effective dans les programmes de santé publique. La mise en place d'une politique pour relancer l'allaitement doit nécessairement répondre à une stratégie claire et méthodique impliquant les différents acteurs responsables et professionnels à tous les niveaux en commençant par le bas de l'échelle, elle implique surtout de dégager des moyens humains et matériels qu'il faudrait qualifier d'investissement stratégique à moyen et long terme en faveur d'abord de la santé physique et morale de nos enfants, ensuite de la santé financière du pays. Des engagements sonnants et trébuchants doivent être mis à disposition pour prendre en charge une formation de qualité sans se contenter de recommandations vides et sans âme ; cette formation doit cibler tous les acteurs concernés, médecins, sages-femmes, puéricultrices, sans distinction (public ou privé ) que ce soit à l'échelle locale, nationale ou internationale même, car pour pouvoir imposer une stratégie, il faut déployer les moyens nécessaires; un calcul simple: l' économie réalisée sur le budget d'importation à court terme et sur la prévention des maladies aiguës et chroniques à plus ou moins long terme permettra de consacrer des fonds dont une partie sera allouée à la formation ainsi qu'à la sensibilisation de la population. Parmi les propositions à mettre en œuvre -et le débat est ouvert- on peut citer : -La formation : au risque de me répéter car il s'agit de la clé de la réussite du programme. Elle doit être assurée par des professionnels de qualité, impliqués et convaincus. Ils devront bénéficier de rétribution à la hauteur de leur mission et cibler prioritairement les étudiants en médecine, les médecins en post-graduation, les sages-femmes, les puéricultrices, les médecins des centres de PMU, les pédiatres, les gynécologues et tous ceux susceptibles de prendre en charge les parturientes ou les jeunes mères. Établir un programme cyclique à longueur d'année sans se satisfaire d'actions ponctuelles sans lendemain en invitant des communicants de renommée nationaux ou étrangers afin de donner l'importance qu'il faut à ce sujet et faire impliquer les partenaires ; l'allaitement maternel est une spécialité en soi qu'il faudrait maîtriser à fond. -Aménager les maternités et salles d'accouchement pour faciliter au maximum le contact immédiat du nouveau-né avec sa mère et assurer par la même occasion une information et une formation claires des futures mamans et de leur entourage. -Bannir la publicité directe et indirecte des salles de consultation et toute structure recevant des parturientes. -Réglementer les visites «médicales» vantant les mérites des laits artificiels. -Dans les situations rares où un lait artificiel devra être prescrit à un bébé il faut veiller à préserver l'anonymat absolu de la marque dans les maternités. -Les prises en charge proposées par les laboratoires aux médecins exerçant dans les maternités doivent avoir l'aval d'une commission d'éthique pour parer aux conflits d'intérêts; j'insiste sur ces médecins car ils sont les premiers à aborder les mamans et leur nouveaux-nés. Leur prescription est déterminante pour la poursuite de l'allaitement maternel qui souvent est voué à l'échec s'il n'est pas entamé le plus tôt possible et dans les meilleurs conditions. En contrepartie, ces médecins doivent bénéficier de cycles de formation de qualité pris en charge par leur employeur dans le cadre du budget de la formation continue afin d'échapper à toute influence mercantile. -Les médecins du privé ne doivent pas être mis à l'écart car ils ont, eux aussi, besoin d'actualiser leur connaissances et sont sujets à des tentations, l'Etat doit trouver pour ceux qui respectent une charte un mécanisme de compensation de type fiscal par exemple. -Mise en place de spots publicitaires et de vulgarisation dans les différents médias : écrits, audiovisuels, réseaux sociaux, au niveau local et national. -Aménager et faire respecter par les employeurs des endroits et des horaires dédiés à l'allaitement maternel. -Réduire ou supprimer les subventions allouées aux laits infantiles qui, certes, paraît une mesure impopulaire mais vise à faire réfléchir avant d'opter pour un allaitement artificiel. Nous constatons malheureusement dans les différentes études réalisées que ce sont fréquemment les familles à faible revenus, à bas niveau instructif et dont les mamans sont souvent sans emploi et disponibles théoriquement à allaiter, qui optent pour l'allaitement artificiel. Ce qui dénote de l'énorme travail à accomplir envers ces catégories sociales. Une prise de conscience doit être initiée, le plus tôt sera le mieux. Les conséquences ne seront que bénéfiques pour la société. Notes : -Rapport annuel de l'UNICEF sur la situation des enfants dans le monde en 2015. -Enquête nationale sur les objectifs de la fin décennie santé mère et enfant EDG Algérie 2000 MICS2. -Résultat d'une enquête nationale sur l'allaitement maternel publié au journal liberté du 11-07-2009. -OMS -Communiqué de presse 30 juillet 2013, Genève : Allaitement maternel: un pays sur cinq seulement applique entièrement le Code OMS relatif aux Préparations pour nourrissons. -Bulletin N° 10 novembre 2013 de l'association des pédiatres libéraux d'Alger. *Pédiatre |
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