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La pandémie du Covid-19
survenue en 2019 a généré une crise sanitaire sans précédent, soulignant le
danger que pourraient représenter certaines maladies émergentes. Bien que
l'origine exacte de la transmission de ce nouveau virus reste inconnue, le
Covid-19 semble être le résultat d'une transmission zoonotique, provenant d'un
hôte original qui serait un animal sauvage et passant probablement par un hôte
intermédiaire pour enfin contaminer les humains suite à un contact proche avec
ces derniers (1). Suite à cette situation, la Chine d'où est originaire cette
pandémie a décidé de fermer le marché humide (marché de fruits de mer) de la
ville de Wuhan, et d'interdire l'importation d'animaux sauvages vivants ou
morts sur son territoire, remettant ainsi la question du commerce à la fois
légale et illégale d'animaux sauvages au centre du débat.
Il faut rappeler que la zoonose du Covid6-19 n'est pas la première du genre, on peut citer les exemples du virus du Nil occidental qui peut être véhiculé par les oiseaux et les moustiques, les hanta virus qui sont véhiculés par certains rongeurs, ou encore le virus de la grippe aviaire et de la grippe porcine. Ce qui est sûr, c'est que c'est zoonoses ne sont pas prêtes de s'arrêter et que bien d'autre émergeront dans les années à venir, et les contacts plus fréquents que nous avons avec la faune sauvage, dans les marchés et les animaleries, dans les zoos ou lors de voyages ne font qu'augmenter ce risque. Le commerce d'animaux sauvages La vente d'animaux sauvages comme nourriture, comme médecine traditionnelle ou comme animaux de compagnie, est aujourd'hui reconnue pour être un facteur majeur de l'érosion de la biodiversité. La forte demande sur ces produits a conduit un bon nombre d'espèces à l'extinction ou a ramené leurs effectifs dans la nature à des nombres très réduits, compromettant ainsi leur survie à court, moyen et à long terme. L'exemple des grands mammifères (tigres, éléphants, lions? etc.) étant le plus connu du grand public parce que plus médiatisé. Néanmoins cette menace traque d'une manière plus sournoise et plus silencieuse un grand nombre d'espèces moins connues. Une étude publiée en 2019 dans la revue « Science », estime que sur plus de 31.500 espèces animales terrestres (oiseaux, mammifères et reptiles), près de 18% soit 5.579 espèces sont sujettes au commerce et que probablement dans les années à venir ce nombre atteindra les 8.775 espèces qui seront menacées d'extinction suite à la collecte et à des fins commerciales (2). En Algérie ce phénomène touche une variété importante de vertébrés terrestres. Plusieurs espèces de mammifères sont chassées et vendues pour leur viande à laquelle les populations locales attribuent des fois des vertus médicinales (Gazelles, mouflons, porc-épic? etc.). Les reptiles qui sont vendus la plupart du temps séchés chez la majorité des herboristes, sont utilisés dans la pharmacopée traditionnelle, on cite comme exemple le caméléon auquel on attribue des vertus pour guerrier les maux de gorge, le scinque ou poisson de sable qui est réputé comme un aphrodisiaque, ou encore les peaux de serpents et les carapaces de tortues qui dans les croyances populaires chassent le mauvais œil. On trouve aussi certaines espèces de reptiles sous forme empaillée qui sont vendues comme décoration dans les magasins de souvenirs (varan du désert, et fouet queue), vu les quantités importantes de ces reptiles disponibles sur le marché, il est évident que si tous les spécimens vendus sont localement récoltés, cela menace sérieusement les populations sauvages locales. Mais le groupe d'animaux le plus vendu en Algérie est le groupe des oiseaux. Les espèces de fringillidés indigènes et surtout le chardonneret élégant arrivent en tête des ventes où ils sont offerts dans pratiquement tous les marchés de rues à travers le territoire, qui dédient généralement une partie à la vente d'animaux. On les retrouve aussi dans les animaleries, sur des sites de vente en ligne ou sur les réseaux sociaux (3 ; 4). Cette pratique a eu des conséquences dramatiques pour la population de chardonneret en Algérie, où on estime que son aire de répartition a reculé de 57% (5), et il est aujourd'hui de plus en plus difficile de l'observer dans nos forêts. Malheureusement cette raréfaction du chardonneret élégant a poussé les braconniers à s'orienter vers d'autres espèces comme le serin ou la linotte, et si rien n'est fait il est à craindre que ces espèces subissent le même sort que le chardonneret élégant. Volume monétaire et risques sécuritaires Il faut ici distinguer le commerce légal du commerce illégal d'animaux sauvages. Les experts estiment l'ampleur de ce trafic à plusieurs milliards de dollars par an, le plaçant en troisième position après le trafic de drogue et le trafic d'armes. En plus d'être liée à d'autres trafics, la masse d'argent généré par le commerce illégal d'animaux sauvages suspectée d'être une source de financement de réseaux terroristes en Afrique et en Asie (6 ; 7). Une enquête réalisée dans le marché de rue de la ville de Guelma, indique que la majorité des oiseaux vendus sur ces marchés sont issus de la contrebande. Quant au chiffre d'affaires généré par ces activités dans ce marché, il a été estimé à plus de 80.000 dollars par an (3), si nous extrapolons ce chiffre aux autres villes d'Algérie, qui pour la plupart disposent de sections pour la vente d'animaux et surtout les oiseaux, dans les marchés de rue qui s'y tiennent, je vous laisse imaginer les sommes qui circulent librement et sans aucune traçabilité suite à ce trafic. Que faire ? Le fait que la survie de beaucoup de gens à travers le monde dépend directement de l'exploitation de cette biodiversité animale, qui est soit la principale source de protéine ou de revenus pour ces populations, en plus de l'utilisation de ces produits en médecine traditionnelle qui revêt une dimension culturelle extrêmement ancrée dans les traditions, rend très difficile la réponse à cette question. Durant cette pandémie, des scientifiques chinois ont fait un appel pour l'interdiction totale et définitive du commerce d'animaux sauvages, mais très vite des réponses de la communauté scientifique ont pointé du doigt la contre-productivité probable de ce genre de mesures qui risqueraient d'augmenter la part du commerce illégale (8 ; 9). En Algérie, nous n'avons pas encore assez de données sur ce sujet, mais les éléments préliminaires dont nous disposons nous permettent d'avancer certaines propositions ; il convient donc d'agir sur des niveaux différents : le premier serait une application plus stricte des lois en vigueur. Il faut rappeler que la majorité des espèces animales indigènes vendues en Algérie est protégée par la loi, ce qui rend leur récolte, leur transport et leur vente interdits. Le deuxième serait d'inviter les gérants des sites de vente en ligne à inclure l'interdiction de la vente d'animaux sauvages dans leur charte d'utilisation, et de veiller à l'élaboration de filtres qui permettent la détection et la suppression de toute annonce frauduleuse. Le troisième palier consiste à travailler à offrir des alternatives aux communautés qui dépendent de ces ressources pour leur survie, mais aussi aux consommateurs de ces derniers à fin de changer leur comportement. En plus d'un travail sur un niveau transversal qui est celui de l'éducation au respect de la biodiversité, à l'utilisation rationnelle des ressources, et encourager toutes les initiatives qui vont dans ce sens. *Docteur. Maitre de conférences en écologie. Université 8 Mai 1945 Guelma Références 1- Wu, F., Zhao, S., Yu, B., Chen, Y. M., Wang, W., Song, Z. G., ... & Yuan, M. L. (2020). A new coronavirus associated with human respiratory disease in China. Nature, 579(7798), 265-269. 2- Scheffers, B. R., Oliveira, B. F., Lamb, I., & Edwards, D. P. (2019). Global wildlife trade across the tree of life. Science, 366(6461), 71-76. 3- Razkallah, I., Atoussi, S., Telailia, S., Abdelghani, M., Zihad, B., & Moussa, H. (2019). Illegal wild birds' trade in a street market in the region of Guelma, north-east of Algeria. AvianBiologyResearch, 12(3), 96-102. 4- Bergin, D., Nijman, V., &Atoussi, S. (2019). Concerns about trade in wild finches in Algeria. Oryx, 53(3), 410-411. 5- Khelifa, R, Zebsa, R, Amari, H. Unravelling the drastic range retraction of an emblematic songbird of North Africa: potential threats to Afro-Palearctic migratory birds. Sci Rep 2017; 7(1): 1092. 6- South, N., & Wyatt, T. (2011). Comparing illicit trades in wildlife and drugs: an exploratory study. Deviant Behavior, 32(6), 538-561. 7- Nellemann, C., Henriksen, R., Raxter, P., Ash, N., & Mrema, E. (2014). The environmental crime crisis: threats to sustainable development from illegal exploitation and trade in wildlife and forest resources. United Nations Environment Programme (UNEP). 8- Eskew, E. A., & Carlson, C. J. (2020). Overselling wildlife trade bans will not bolster conservation or pandemic preparedness. The Lancet PlanetaryHealth. 9- Ribeiro, J., Bingre, P., Strubbe, D., & Reino, L. (2020). Coronavirus: Why a permanent ban on wildlife trade might not work in China. Nature, 578(7794), 217-217. |
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