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A chaque fois que nous voulons
«améliorer» un système d'éducation ou de formation, on nous parle de réformes.
Et si l'on s'arrête un petit moment pour réfléchir sur ce que l'on est en train
de faire ? Posons-nous les questions suivantes : «Sommes-nous en train de
réformer ? Par rapport à quels objectifs ? Quelle est la stratégie ? Y a-t-il une vision et par conséquent une politique ?
Avons-nous pris le temps d'évaluer le système dans sa globalité ? Quelles
seraient les améliorations à apporter pour que l'on puisse satisfaire les
besoins et exigences de toutes les parties prenantes du système en question? Avons-nous pris le temps d'identifier les clients
du système ? Etc. Sans doute, il y en a d'autres.
Il est clair que plusieurs responsables du secteur de l'enseignement supérieur « occupant des postes politiques et n'ont rien de politique », qui se sont succédé, ne se sont pas intéressés aux réformes de fond et passent leurs temps à gérer le quotidien et soignent leur image à travers les réseaux sociaux. Ils sont arrivés à démobiliser tous les acteurs clés par des décisions farfelues, populistes et non réfléchies (je citerai celle de l'uniformisation des programmes de formation, rendre non obligatoire la présence des étudiants aux cours, la disparition des stages étudiants durant le cursus de formation, la retraite à 70 ans, etc.). Ils oublient que leur principale mission est politique et laisser le mangement du quotidien aux différents responsables des établissements. On pourrait réfléchir sur la mise en place d'instances qui assureraient la coordination entre les différents établissements. Les conférences régionales universitaires (CRU) actuelles ont montré leurs limites. Le principe de participation et décentralisation est fondamental dans une mission managériale et de gouvernance. Les réformes prévues des textes régissant les établissements universitaires en sont un exemple. A chaque fois que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique veut engager des réformes, il crée des commissions et organise des regroupements populistes. La métaphore avec un humain malade qui a besoin d'un médecin, alors que pour localiser l'origine de la maladie, on passe par une large consultation (au sens vote ou regroupements infertiles). La démarche est beaucoup plus populiste que réformatrice d'un processus qui en a vraiment besoin. Le paradoxe d'Abilene détaille la façon dont nous nous y prenons pour se mettre d'accord collégialement sur des décisions que tout le monde pense absurdes et motivées essentiellement par la volonté de ne pas rompre l'équilibre du groupe (signifiant au passage que le groupe est plus important que ce qu'il vit). Ce paradoxe me fait rappeler les regroupements (le dernier en date celui qui sous-entendait l'évaluation du système LMD) et même les commissions (je fais allusion aux CPND, commission de réforme ONOU, etc.). Cette anecdote (paradoxe d'Abilene) sert de base à des enseignements sur les dynamiques de groupe, ainsi que sur le management décisionnel. La principale leçon à en tirer est que dans certaines conditions, un groupe non structuré peut entériner des décisions par consensus alors qu'en fait, aucun des participants ne soutenait la proposition initiale (et aucun n'aurait voté par bulletins secrets). Ce paradoxe nous parvient d'une histoire qui paraissant drôle mais dont les enseignements sont devenus essentiels dans la compréhension de décisions prises par le groupe. Il s'agit de parents, qui reçoivent leur fille et son mari, qui viennent rarement leur rendre visite. C'est l'été et la chaleur étouffante plonge leur bled paumé du Texas dans une torpeur moite : «Le père, craignant que le jeune couple s'ennuie, propose d'aller dîner en ville, à Abilene, située à environ 80 km de là. Il se verrait bien resté tranquillement à jouer aux dominos, mais faire plaisir à sa fille lui paraît important. La jeune femme s'enthousiasme, pour ne pas gâcher le plaisir de son père, et elle demande à son mari ce qu'il en pense. Pour ne pas se retrouver en décalage avec les désirs des autres, celui-ci accepte, tout en demandant si sa belle-mère est d'accord. Celle-ci, qui n'a pourtant aucune envie de se coltiner un trajet interminable dans la vieille guimbarde sans clim, hoche du chef : bien entendu, elle a envie d'y aller. L'expédition est évidemment un désastre dont chacun reviendra frustré et de mauvaise humeur rejetant la faute de ce fiasco sur les autres. Ainsi, la stratégie adoptée à l'unanimité face à une problématique et que chacun considère comme insatisfaisante. Le paradoxe d'Abilène, c'est aussi un paradoxe lié aux relations et à la communication. Quand plusieurs personnes prennent une décision d'un commun accord alors qu'aucune ne la trouve appropriée. Et qu'ils ont tous raison ! Chacun a conscience de la situation et/ou du problème à résoudre mais évite d'exprimer réellement ses opinions par conformisme, par peur d'être rejeté. La décision prise d'un commun accord va à l'encontre de ce que chacun pense et donc, chacun repart frustré et en colère contre les autres autant que contre lui-même ». Nous pensons que c'est le cas. Et avant qu'il ne soit trop tard, Il faudrait commencer par évaluer le système actuel par des professionnels des systèmes éducatifs, de formation et de recherche avant de se précipiter dans des réformes que je qualifierai d'hasardeuses et que notre pays et nos jeunes payeront les conséquences trop chères. Malheureusement ce jour-là, ceux qui se sont précipités dans cette voie ne seront plus là. Nous n'avons pas à réinventer la roue, il suffit de s'intéresser aux systèmes qui font leurs preuves et adopter une démarche intégrée et cohérente avant de se précipiter dans une voie qui ne fait qu'aggraver la situation mais dont les conséquences seraient désastreuses. Nous avons l'impression que nous sommes en train de revenir sur tous les acquis (prévus) du processus de formation LMD, tant revendiqués à une certaine époque et revenir aux points de départ des années 80. L'approche utilisée est mauvaise dans la mesure où elle tue l'initiative locale, délaisse la diversité, ignore les besoins et exigences, n'initie pas l'entreprenariat (formation orientée fonction publique) et l'innovation ; et surtout nous isole de l'universel. La globalisation est une réalité. Aux décideurs de prendre les mesures qui s'imposent et surtout pas suivant des modèles politiques, ni suivant des modèles rationnels au sens strict du terme (égocentriques). Dans ces cas de figure, les prises de décisions ne sont basées que sur les intérêts personnels de ceux qui les prennent. Le secteur socioéconomique est un élément clé (ce n'est pas le seul client) dans ce processus de réforme. La réussite de l'implémentation de ce processus passe obligatoirement par la valorisation «au sens large du terme» de la formation courte et professionnalisante. C'était, d'ailleurs, l'objectif même recherché par une formation de graduation à deux paliers. Il ne faut surtout pas exclure le système de formation professionnelle (qui malheureusement agonise) de la démarche de réforme. Ce type de formation est vital dans le développement économique et social du pays, malheureusement dévalorisée. Aucune politique n'est en vue, pour changer l'opinion qu'a notre société sur ce genre de formation. De notre point de vue, ce secteur est à la dérive et une prise en charge urgente est plus qu'indispensable. Nous pensons qu'une politique de réforme du système éducatif et de formation doit passer par une vision globale et un regroupement des trois secteurs ne serait pas une mauvaise idée. La pérennité du secteur dépendrait d'une administration structurée, organisée et compétente. Le constat est amer. La formation et la recherche sont les derniers des soucis de nos responsables. Il serait judicieux de lancer une véritable évaluation (les secrétaires généraux, finance et budget, ressources humaines, moyens généraux, administration de soutien à la pédagogie et la recherche, etc.). On pourrait étaler ce processus d'évaluation aux chefs d'établissement, et responsables académiques et scientifiques). Ma conviction est qu'il est temps de passer à une démocratisation des établissements remplaçant ainsi la nomination par des élections. Chaque nouveau ministre fait du remplacement des chefs d'établissement une priorité de son programme. Il serait très instructif de compter les responsables qui se sont succédé ces dix dernières années. Mettre en place un système d'élection pourrait renforcer et mieux responsabiliser les responsables locaux. Une équipe est élue à la base d'un programme de développement pour un mandat de 5 ans ou un mandat de 3 ans renouvelable une fois. Du point de vue formation, l'enseignement supérieur peut être défini comme le système qui doit répondre à tous les besoins de formation supérieure du pays et s'adresser aux étudiants dont les études secondaires ont été sanctionnées par un diplôme formellement reconnu (baccalauréat). Placé dans un cadre national, le système de l'enseignement supérieur parachève un cycle d'éducation/formation qui prépare et injecte les jeunes dans le monde professionnel, développe la recherche et l'innovation principalement au service du développement national et assure la mise à niveau des cadres par des programmes de formation continue. Ainsi, il s'agit donc d'un sous-système de l'éducation/formation nationale. Or, par définition, un système est un objet complexe, formé de composants distincts reliés entre eux par un certain nombre de relations. Les composants sont considérés comme des sous-systèmes, ce qui signifie qu'ils entrent dans la même catégorie d'entités que les ensembles auxquels ils appartiennent. Un sous-système peut être décomposé à son tour en sous-systèmes d'ordre inférieur ou être traité (au moins provisoirement) comme un système indécomposable, c'est-à-dire comme un système réduit à un seul élément (© Encyclopædia Universalis). Il est certainement complexe et entaché d'incertitude, ouvert, dynamique et surtout interactif en interne et en externe. Les principales missions du système de formation du supérieur sont l'optimisation de l'appropriation critique du savoir (enseignement); contribution à la production du savoir (recherche); valorisation dans la maîtrise du savoir (capitalisation et mise en valeur) et enfin encouragement de la coopération internationale (mobilité et ouverture). On pourrait rajouter la préparation des jeunes diplômés à l'innovation et l'entreprenariat. L'interactivité avec les autres systèmes crée un nexus et tout doit être fait pour les rendre collaboratifs. Tout conflit entre les systèmes peut créer une situation de chaos. La raison d'être de chaque système est la transformation des inputs en outputs pour répondre aux besoins de toutes les parties prenantes y compris les attentes des générations futures. Cette condition exige une adéquation entre les entrées et les sorties. Une question importante à laquelle les politiques des gouvernements doivent placer en priorité dans leurs programmes politiques et des stratégies doivent être établies. Faire des jeunes diplômés des futurs chômeurs, dévalorise la formation et démotive les jeunes étudiants. Notre Constitution garantit à tous les jeunes Algériens, titulaires d'un baccalauréat, la gratuité d'une formation universitaire. L'effectif important étouffe les établissements universitaires au détriment d'une formation à la hauteur des besoins exigés. Au moment où l'on parle de l'universalité de la formation, on nous sort le LMD algérien. Au moment où l'on parle de la diversité dans la spécificité, on nous impose des formations uniques, et ce, sans avoir pris le temps d'écouter les parties prenantes du processus de formation. Le système « enseignement supérieur » est beaucoup plus important et le LMD n'est qu'un processus de formation lui-même élément du système ESRS. Toutes les difficultés et insuffisances ont été rattachées au processus LMD. C'est lui le coupable. C'est justement là l'erreur. Pourquoi ça fonctionne ailleurs ? Son implémentation en Algérie a trouvé des difficultés et des améliorations sont à prévoir, après évaluation. Une des pistes qui permettraient d'alléger ces établissements est de revenir à une formation de 4 années (système anglo-saxon). Ceci permettrait de réduire l'effectif de 1/5. D'ailleurs, il y a unanimité sur les redondances dans les programmes de formation licence-master. D'autant plus que le but principal recherché par le palier « L » était de mettre rapidement les jeunes sur le marché de l'emploi. Ce que nous constatons, c'est exactement l'effet inverse et passage du palier « L » au palier « M » est devenu automatique. L'autre piste qui permettrait d'alléger ces établissements est de mieux règlementer la formation des étudiants voulant préparer un deuxième diplôme et agir sur la formation continue. Bien que notre pays soit classé parmi les pays qui financent le mieux l'éducation et la formation, néanmoins, il faudrait penser à rechercher d'autres sources de financement (prestation de services, l'innovation et la recherche, la formation continue, les dons, etc.) Souvent, nous focalisons notre attention sur le produit des systèmes de formation et l'on oublie le système lui-même. La réussite de sa mission dépend de son intégrité physique et fonctionnelle, de son intégrité managériale et institutionnelle, et enfin son intégrité perceptuelle. La prise en charge des établissements de formation supérieure doit obéir à un certain nombre de standards régissant les systèmes (nos établissements ne respectent pas l'environnement, l'hygiène, santé et sécurité restent un problème sérieux, déconnection de l'université de son milieu, consommateurs abusifs de l'énergie et de l'eau, etc.). Je citerai les standards de la qualité « iso 9000 à 9004 », standards sur l'environnement « iso 14000 », standards santé, hygiène et sécurité « iso 18000 », standards sur la responsabilité sociétale « iso 26000 », etc. Ensuite, il serait judicieux de mettre en place un système de management intégré qui présente plusieurs avantages dont l'optimisation des moyens. La clé de la réussite dans la prise en charge des établissements suivant une approche holistique est l'approche par intégration. Le réductionnisme a montré ses limites dans la prise en charge des systèmes complexes tels que les établissements de formation du supérieur. Ce sont là, rapidement, un certain nombre non exhaustif de pistes qu'il faudrait peut-être exploiter. Le constat est amer et il faudrait beaucoup de courage politique pour redresser la situation. *Université de Tlemcen |
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