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Depuis le XVe
siècle, la notion de l'Etat-Nation a souvent constitué au côté de la modernité
un défi majeur dans l'histoire humaine. Si la Nation est la concrétisation
d'une volonté du vivre-ensemble consensuel, l'Etat est cette superstructure
juridique qui est au-dessus de la mêlée pour emprunter un terme propre à la
philosophie hégélienne, laquelle sous-tend une ossature institutionnelle de
nature à allonger la survie de la Nation, ajuster ses excès et ses
fourvoiements, ses illusions et ses dangers, ses utopies et ses extrémismes.
I- L'ETAT-NATION : NATIONALISME CONTRE NATION OU L'INVERSE ? En vérité, l'Etat-Nation est un jumelage de deux entités distinctes : l'Etat et la Nation. Dans l'apparente forme de ce couple, l'Etat précède la Nation. Or, la réalité sociologique confirme le contraire, les populations ne peuvent se regrouper en organisation politico-sociale avec une bureaucratie tant légale que rationnelle et une machinerie administrative qui consacre une légitimité populaire sans l'existence d'une Nation (l'Empire turc ayant tiré sa force de l'héritage de la Oumma islamique a cherché l'assentiment populaire avant de mener ses guerres). Néanmoins, au plus fort de l'unité italienne avec Garibaldi (1807-1882) et allemande avec Bismarck (1815-1898), cette donnée a été rejetée, ce sont les questions de nationalités, de l'exacerbation du sentiment patriotique et les relents d'appartenance à des aires géographiques précises qui ont amené les deux peuples à officialiser leur union en 1870-1871. C'est pourquoi, le théoricien français Ernest Gelner (1925-1995) a soutenu l'idée selon laquelle c'est le nationalisme qui a crée la Nation et non le contraire. Il est vrai que cette problématique a auparavant été piochée par le philosophe Johann Fichte (1762-1814), lequel a défendu dans son «discours à la nation allemande» en 1808, l'idée suivant laquelle la Nation est un groupement humain qui partage une langue (une culture) et une religion, ce qui provient d'un fort lien de sang (une conception ethnique). A rebours de cette idée, le philosophe français Ernest Renan (1823-1892) a, lui, cru en «la conception élective» de la Nation, c'est-à-dire, que celle-ci est une âme, voire, un principe spirituel qui découle de la possession d'un legs de souvenirs et d'une volonté de vivre-ensemble, ce qu'il appelle lui-même «consentement actuel» ou «référendum de tous les jours», en vertu desquels l'accord de la communauté des citoyens est formellement exigé. Même si leurs angles de visions sont diamétralement opposés, le dénominateur commun dans la pensée de ces deux auteurs, c'est que la Nation préexiste aux royaumes, aux Empires et surtout aux Etats. On peut citer dans le souci d'étayer cette pensée le cas de la communauté musulmane dont Ibn Khaldoun (1332-1406), contrairement à la conception matérialiste de l'histoire de Karl Marx (1818-1883), a lié la fondation à la dimension du sang. Dans sa description du Maghreb du XIV, ce premier sociologue de l'humanité a conclu que la «Açabiya» (principe naturel de cohésion sociale et lien de solidarité par le sang, ce qui pourrait bien se traduire en nos ères modernes par conscience civique et patriotisme) fut le facteur idéologique le plus déterminant dans la conquête et la conservation du pouvoir politique, la soumission et la domestication des schismes locaux et la naissance des multiples dynasties arabo-musulmanes. Le passage du nomadisme à la sédentarité Umran (univers culturel de citadinité) qui a fait que le processus de développement de base (bédouinerie), s'appuyant essentiellement sur le troc puisse virer à une économie d'échange (citadinité), a permis à cette «Açabiya» de se moderniser, c'est-à-dire de passer de l'Etat préorganique (prégnance de la religion) à l'Etat moderne (ascendant de la raison), lequel est explicité dans le langage Khaldounien par «El-Mulk» (royauté). En ce sens, le principe de cohésion est le point d'articulation entre «le politico-religieux» et le proprement «politique» (une phase de sécularisation, plutôt dire de «déspiritualisation» endogène, passive et progressive, ayant conduit à la modernité). Néanmoins si cette idéologie religieuse est nécessaire au pouvoir politique, celui-ci (pouvoir sécularisé) serait par contre l'unique point névralgique de la civilisation. Al-açabiya n'est en fait qu'un mécanisme pour l'arrachement de la souveraineté (la oumma spirituelle, à savoir la Nation dans le sens moderne du terme, du moins dans la conception de Renan «principe spirituel»). A. Ibn Khaldoun n'en reste pas toutefois là, il évoque aussi, ce qui est au demeurant important, la nécessité de «l'intelligence expérimentale» des savants, des castes et des élites (al-nihal) dans la construction de la oumma (la Nation) au détriment de «l'intelligence spéculative», théorique, formelle et non basée sur les faits de l'histoire. Ce qui équivaudrait en termes simples à «l'engagement». Après ce détour, on avance quelques siècles plus tard pour atterrir en France où l'Etat d'abord monarchique, puis, républicain après la révolution de 1789 n'a pu se mettre réellement sur pied qu'avec l'unification tant linguistique qu'administrative, et par la création d'un imaginaire commun (mythe fondateur et épopée nationale) par l'enseignement de l'histoire et la légitimation des décisions et des choix politiques des gouvernants, c'est-à-dire, une sorte de «solidarité active» à la khaldounienne entre gouvernants et gouvernés. En effet, la laïcisation des structures sociales en Hexagone dès 1905, accentuée des décennies plus tôt par un large mouvement de sécularisation sociale, corollaire d'une rupture avec l'église du Moyen Age a dessiné les contours d'une «certaine» modernité politique. A noter bien sûr que, si sécularisation est un processus global de séparation du religieux et du politique, le fondement de la gouvernance en reste cependant épargné (le fait que l'Angleterre où l'anglicanisme est religion d'Etat et la reine chef de l'église en même que chef de l'Etat n'a pas empêché, pour autant, que la société soit fondamentalement areligieuse dans son ensemble!). De même, l'Espagne catholique et aconfessionnelle en a, au lendemain de la conquête napoléonienne de 1808-1809, adopté le même esprit (unification linguistique et culturelle). En gros, si la Nation est une vision idéaliste, l'Etat est une réalité factuelle d'organisation socio-politique (administrative, et culturelle) qui fait en sorte que l'Etat-Nation soit la mise en pratique de ses utopies politiques. C'est à partir de là que l'ère du «triomphe de la raison» comme dirait Alain Tourrain qui émane de la culture scientifique, la société organisée et les individus libres a consacré en définitive «la modernité politique». II- L'ETAT-NATION : LA VOIE VERS LA MODERNITE POLITIQUE Bien avant Thomas More (1478-1553) qui a parlé en 1518 de «l'Utopia», ce lieu imaginaire (une île de rêves en effet) qui n'existe pas dans un ouvrage, portant le même nom dans lequel aurait décortiqué les conditions des travailleurs de son époque et prédit «une société socialiste et démocratique», Al-Farabi (872-950) eut, lui, six siècles auparavant, évoqué «la cité idéale» (Al-Madina al-Fadhila) où il a insisté sur le besoin qu'a la cité autant d'une législation que d'un régime politique, régis par la vertu. Bien évidemment, la politique ou le politique doivent-être pris ici au sens que le philosophe Al-Mawdudi (1903-1979) leur accole, à savoir, la recherche de l'intérêt de la communauté et de la Oumma. Autant dire, la modernité fut au départ une idée utopique et vertueuse qui a fini par se rationaliser avec «la matérialité» du cheminement historique (la sortie du monde de lutte des idées le cas de Sparte et Athènes par exemple à celui des luttes des faits). Après la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb en 1492, bien des convulsions politiques ont secoué l'Europe médiévale, la conquête du nouveau monde (Amérique) a élargi le champ de vision de l'ancien monde (Europe en particulier en tant que foyer du départ de ces conquêtes-là). Les réformes protestantes du XVI siècle avec Martin Luther (1483-1546), les révolutions anglaises du XVII siècle qui ont vu l'apparition du parlementarisme et la protection des libertés civiles (première innovation majeure après le Magna Carta de 1215), le siècle des Lumières (innovation artistique, littéraire et philosophique), les révolutions américaine de 1776 et française de 1789 ont culminé en la révolution industrielle du XVIII siècle. En conséquence de quoi, après la division internationale du travail et des sciences, due à l'évolution de l'économie à la fin du XVIII siècle (principe d'échange en économie et fin de l'encyclopédisme et spécialisation en sciences), la modernité politique, établie sur l'Etat-Nation en tant que fondement d'une légitimité du pouvoir et du savoir, s'est distinguée par quatre points essentiels à savoir : la liberté individuelle contre les pouvoirs absolutistes et tyranniques, le progrès contre le traditionalisme et la raison contre l'obscurantisme, ce que le sociologue anglais Anthony Giddens récapitule dans une formule à quatre variables : capitalisme, industrialisation, mise en place d'un appareil administratif de gestion et contrôle de moyens de violence, que favorise un Etat de droit. Or, comme l'affirme le juriste Michel Tropper (voir, lexique de sociologie, 2e édition, Dalloz, 2007) «si tout Etat de droit n'est pas nécessairement une démocratie, toute démocratie doit être un Etat de droit». En ce sens que la démocratie dépend en premier lieu de la mise en place de mécanismes de gouvernance où les gouvernants se soumettent à un régime de lois dans lequel la violence ne serait légalisée que par sa «coercition légitime» de la part de l'Etat-Nation moderne, l'une des conditions sine qua non, au demeurant, de l'existence de celui-ci selon le philosophe allemand Max Weber (1864-1920). III- CENTRE, PERIPHERIE OU CHAOS : LE TRIANGLE DES BERMUDES TIERS-MONDISTE ! Le dilemme des pays in/dépendants de la tutelle coloniale est d'une inextricable complexité. Le franco-égyptien Samir Amin en a esquissé un schéma illustratif où les périphéries (pays décolonisés), jouent dans l'orbite des anciens pays coloniaux sous forme d'aliénation, de dépendance et de compromissions (Commonwealth britannique, l'organisation de la francophonie, la Françafrique ou plus exactement ce qu'il nomme par impérialisme collectif de la triade Europe-Japon-Etats-Unis avec ses succursales l'O.N.U, l'O.M.C, le F.M.I) ( voir l'interview de S. Amin dans la forum social mondial des altermondialistes à Bamako de 2006 sur YouTube), autrement dit, le scenario du sous-développement et d'arriération culturelle du Tiers Monde (appellation péjorative de Alfred Sauvy) a déjà été préfiguré depuis la seconde guerre mondiale (1939-1945) par les occidentaux. Or, l'intellectuelle tunisienne Héli Béji réfute cette thèse et affirme, quant à elle (voir son ouvrage le désenchantement national, Paris Maspéro, 1982) que c'est la culture nationale qui a été instrumentalisée de façon machiavélique par les élites postcoloniales. De «force de résistance» contre l'aliénation coloniale, elle s'est transformée en «un instrument de domination» au lendemain des indépendances. Autrement dit, l'usage de la première personne du pluriel «nous», déjà pléthorique dans le processus révolutionnaire (fraternité ou camaraderie de combat) s'est substitué à l'individualité constructive de la première personne du singulier «je» (subjectivité de la modernité politique), en se renforçant davantage au nom des idéaux du «socialisme scientifique» des dictatures populistes (Nasser, Tito, Castro, Boumédiène, Saddam, El-Gueddafi...etc), ce qui a, à l'en croire, effacé toute trace de liberté dans une «démagogie triomphaliste» et un esprit de foule grégaire, lesquels ont géré, voire perduré les rapports de «vassalisation» entre les dominants et les dominés d'hier. Le philosophe français Alain Finkielkraut croit pour sa part que «la conception épaisse» de la culture (nationalisme exacerbé), adoptée par les régimes postcoloniaux a été la résultante d'une vision fascisante et autoritaire du politique, laquelle conception fut selon lui d'origine allemande, c'est-à-dire, «lourde de sentimentalité, d'authenticité et surtout de suppression collective de toute déviation individuelle» (voir à ce propos son ouvrage la défaite de la pensée, Gallimard, 1987). En ce sens, les élites gouvernantes des pays indépendants ont préféré le romantisme allemand à la conception française «mince», définie en termes de citoyenneté, d'Etat de droit, de démocratie et de liberté. Pour preuve, le philosophe en invoque le conflit franco-prussien de 1871 où la dichotomie entre les deux sphères conceptuelles (allemande et française) se sont fait ressentir dans la revendication de l'Alscace-Lorraine par les deux parties (les français ont essayé de s'assurer que les habitants de cette région voulaient vraiment appartenir à l'Etat-Nation (Empire) français, tandis que, de leur côté, les allemands en ont justifié l'appartenance systématique par le sang et l'origine ethnique). En vérité, le cas arabe, quoique symptomatique de façon collatérale vu la difficulté qu'il y a d'extrapoler cette vision «simpliste» à tout le background philosophico-culturel des régimes arabes des années 50-60, en fut à certains points un paradigme, l'Etat-Nation apparu par contrecoup à l'impérialisme sous ses divers aspects (colonisation, mandat, condominium, et protectorats), c'est-à-dire, suite à «une inertie historique» comme dirait le penseur syrien Bourhane Ghalioune dans la mesure où sa naissance ne fut pas progressive (culture citoyenne) mais brutale (décolonisation), n'a pas suscité l'adhésion spontanée des masses. Si en Egypte, Nasser (1918-1970) a construit au nom du Baasisme (résurrection) pana-arabe, un ethnocentrisme politique refermé sur des limites géographiques (famille arabe) et protégé par des Etats sans arriver toutefois à souder une solidarité politique et surtout citoyenne entre les peuples, notons au passage que cette idéologie rétrograde fut d'une certaine façon l'héritage symbolique de la dynastie des Ommeyades (661-750), installée à Damas, le colonel Boumédiène (1932-1978) a, lui, su incarner une autre image élargie de ce cercle restreint (la grande famille révolutionnaire et le mouvement des non-alignés) par la diffusion du principe de «la défense des causes justes» et la revendication d'un ordre mondial alternatif au conflit des blocs de l'époque entre l'Est et l'Ouest (une forme de «baassisme» tiers-mondiste quoique l'échec sur tous les plans à l'échelle locale ait été plus que patent!). Les dictatures sont parfois un fantasme séducteur, voire un miroir menteur! Cependant, s'il est une région du Tiers Monde où l'Etat-Nation comme construction homogène d'une identité collective hétérogène fut effective, ce fut belle et bien l'Amérique Latine. Le choc provoqué par la rencontre des Etats latinos avec l'Empire portugais et espagnol depuis le XV siècle dont le poète mexicain Octavio Paz (1914-1998) dira plus tard qu'elle (la rencontre s'entend ) est passée du stade de la méconnaissance, à celui de la connaissance sans qu'elle ait donné lieu à «la reconnaissance», puis la résistance contre les visées impérialistes de l'oncle Sam au XIX et XX siècle ont été fort décisives dans l'éveil d'une conscience nationale à l'échelle continentale. En rétrospective, on trouve que Simone Bolivar (1783-1830) qui fut un grand héros a pu tracer en 1821 le trait d'union entre les pays de la Grande Colombie (l'Equateur, le Venezuela, le Panama et la Colombie). Sur son sillage, le chilien Salvador Allende (1908-1973) a tenté l'expérience du «socialisme progressiste» face aux menées néocolonialistes des américains et leur credo libéral après la défaite des idéaux communistes du castrisme et les prémices du déclin du péronisme argentin, tous deux en décalage par rapport à la volonté des masses! IV- L'ETAT CLASSIQUE, L'ETAT TRANSNATIONAL ET LA MODERNITE LIQUIDE ! Il est clair que l'intégrabilité et la souplesse sont les deux caractéristiques fondamentales de l'Etat-Nation sans lesquelles celui-ci ne peut s'affirmer, comme l'ont expliqué Dominique Schnapper et Christian Bachelier dans leur ouvrage, Qu'est ce que la citoyenneté? Gallimard, folio 2000) «sujet historique» dans l'ordre mondial, c'est-à-dire comme une entité souveraine qui intègre les populations à l'intérieur de ses frontières). En ce sens, l'Etat-Nation est censé intégrer des ensembles géostratégiques (l'union européenne par exemple), tout en gardant sa mainmise sur ses domaines régaliens (affaires extérieurs, défense, commerce). Or, avec l'avènement de la mondialisation, cet Etat-Nation qui est le fruit dans le monde dit libre du développement de la citoyenneté démocratique se confronte au jour d'aujourd'hui aux aléas de sa dilution dans la logique du marché économique. En Europe de nos jours, les polémiques autour de la citoyenneté post-nationale font rage : parle-on de citoyen allemand, français, italien, tchèque, chypriote ou du citoyen européen? De plus, est-ce l'économique qui domine le politique ou c'est le politique qui domine l'économique? Où s'arrête le pouvoir des banquiers, des multinationales et des milieux d'affaires et où commence celui des politiques? Ceux-ci ont-ils vraiment leur mot à dire? Si l'Etat plurinational (les Etats de l'ex-U.R.S.S) où les pièces d'identité font mention du citoyen letton, ouzbèke ou ukrainien découle d'une logique purement ethniciste et autoritaire de gestion «des identités nationales» par l'empire communiste, en serait-il autant des Etats démocratiques de l'Union européenne à l'ère des technologies de l'information et de l'information? Difficile de répondre d'autant que ces Etats-là qui ont pourtant engagé un processus d'unification monétaire (euro), économique (l'espace du marché européen) et politique (le parlement européen) sont plongés depuis pratiquement 2008 dans un tourbillon de crise, semblable en bien des points au crash de 1929! Ce qui laisse à court terme le champ libre à l'éclosion du fœtus des extrêmes droites, des fachos et groupuscules politiques néo-nazis et nous amène ipsco facto à s'interroger sur ce concept de «modernité liquide» cher au sociologue polonais Zygmut Bauman. A savoir que dans le monde actuel, les relations sociales sont marquées par la précarité (affective, émotionnelle, matérielle, salariale, matrimoniale, nationale, internationale... etc), que les biens matériels et les rapports sociaux perdent rapidement leur utilité et que les acteurs sociaux sont amenés à reconstruire sans cesse leur identité, bref une vie liquide (famille éclatée et recomposée, mariage mixte dans des sociétés déjà multiculturelles, mariage pour tous, question de genre, bisexuels, trans, homos, avortement, mères porteuses, procréation médicale assistée...). D'où l'apogée à la fois sur le plan micro et macro-sociétal des schèmes générateurs de «l'homme artificiel» qui écrase, mode, exhibitionnisme et explosion du modernisme frelaté aidant, «l'homme naturel» dont a parlé le révolutionnaire cubain José Marti (1853-1895), c'est-à-dire, l'homme qui cherche une harmonie entre lui et sa nature, l'homme de cohésion, l'homme de cohérence, l'homme de synthèse. En vérité, ce mépris de la nature se trouve par exemple bien mis en évidence dans le discours de Nicolas Sarkozy en 2007 à l'université de Cheikh Anta Diop à Dakar, l'un des piliers de la sagesse africaine, où celui-ci a, sous une vision européocentriste de l'histoire, nié le caractère civilisé à des populations qui, selon lui, sont noyées dans les ères préhistoriques, vivant au rythme des danses, et selon l'évolution du cycle de la nature! Mais après tout, la nature n'est-elle pas, tout compte fait, à l'origine de la pensée humaine (source d'inspiration et milieu de vie)? En gros, pourrait-on conclure qu'avec la mondialisation-laminoir et la macdonald/isation, on serait près de la fin d'un cycle de l'histoire pour revenir à l'interprétation circulaire khaldounienne de la civilisation ou serait-ce vraiment la fin effective de l'Histoire avec un grand «h» comme l'a prédit au début des années 90 Francis Fukuyama? Autrement dit, la fin du monde des Etats-Nations pour celui de la globalisation et la domination unipolaire du seul Empire américain? * universitaire |
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