
La dernière hausse des prix des carburants semble avoir très sérieusement,
ébranlé le milieu de la contrebande. L'annonce des nouveaux prix a eu l'effet
d'une douche froide pour les ?hallaba'. «Avant
l'adoption de la nouvelle loi des finances nous étions relativement, peu
soucieux de cette hausse qui était annoncée, autour de 3 dinars par litre. A
l'annonce de la hausse réelle laquelle était bien plus importante, c'est
l'abattement», déclare ce «hallab», chef d'une famille
composée de 5 membres. Tout semble s'écrouler chez les quelque 2.000 hallabs de la région extrême-ouest
dont la majorité a fait de la contrebande de carburant leur métier, leur seule
ressource financière. «Le trafic de carburant est une réalité que les pouvoirs
publics veulent s'en détourner. On comprend que la conjoncture est
économiquement difficile, pour le pays et un ajustement des prix est
inévitable, mais le taux est exagéré et étouffant pour nous «hallaba» notamment pour ceux, nombreux, qui ont investi ce
créneau, dès leur jeune âge et qui ne savent donc faire que ça», dira ce ?hallab' de Msamda lequel se dit
être dans le «métier» voilà plus de 20 années.
Le 1er janvier 2016, jour de l'application des nouveaux prix des
carburants, considérée comme brusque, c'est la stupeur chez les automobilistes.
Pour ces derniers, les hausses dépassent l'entendement. Chez les ?hallaba' c'est le chaos. En prenant en compte les
ajustements des différents carburants, la hausse moyenne du prix du litre est
de 7.29 DA, soit +36.25% comparé aux tarifs 2015, une augmentation qui n'est
pas sans effets pour le trafic du carburant. Les ?hallaba'
qui étaient loin de se douter d'une telle augmentation des prix des carburants,
se retrouvent subitement déroutés et ne réalisent jusqu'alors pas ce qui leur
arrive. A la croisée des chemins, les ?hallabs'
revoient leurs comptes et se rendent à l'amère évidence que désormais ce trafic
ne nourrit plus son homme? et pour cause. A titre indicatif, bakchich inclus,
le jerrican de 30 litres
d'essence (unité de référence dans ce milieu) qui, avant la hausse, revenait à
la pompe à une moyenne de 750 DA, passe, actuellement, à plus de 1.000DA. Quand
on sait que le ?hallab' cède le jerrican aux
collecteurs les plus éloignés de la frontière (Messamda,
Tiripen, Chbikia?) et à
ceux les plus proches (Roubène, Marsa
Ben Mhidi?) au même prix que celui d'avant la hausse
à savoir, respectivement à environ 1250 DA et jusqu'à 1600 DA, l'on déduit que
le hallab qui parcourt une moyenne de 100 à 180 km et met, à la
station-service environ 1 h pour remplir 2,5 jerricans d'essence, l'on comprend
à quel point cette hausse des prix des carburants était percutante et l'on
comprend, également, le désarroi des ?hallaba' qui se
retrouvent, ainsi à la croisée des chemins. Le gain du ?hallab'
de ce plein d'essence tournait autour de 1.250 DA et à 2.125 DA pour ceux qui
s'aventuraient jusqu'à la frontière pour l'écouler. Malgré toutes les
contraintes du déplacement, les risques encourus, l'usure du
moyens de transport, les ?hallaba', se
montrent, relativement, satisfaits car ceci leur permet, à la limite, d'assurer
le minimum vital pour leurs familles. Actuellement, avec une hausse moyenne de
plus de 36.61% sur le litre d'essence, le bénéfice soutiré, chute à 790 DA pour
les moins téméraires, un gain considéré insignifiant, au regard des risques
encourus et de la grande difficulté de ce métier. Si une minorité (moins de
15%) a déjà décroché, le reste tente de s'accrocher en attendant d'éventuelles
concessions de la part des trafiquants de l'autre côté de la frontière qui leur
permettraient d'augmenter quelque peu la marge bénéficiaire. Jusqu'alors les
«collecteurs» marocains se montrent, étrangement, impassibles et indifférents à
ce réajustement des prix du carburant e maintiennent le même prix d'achat
initial d'avant la crise. A la question de savoir pourquoi les collecteurs
marocains n'ont pas affiché une volonté de redresser, quelque peu, leur prix
d'achat du carburant afin d'améliorer la marge bénéficiaire de leur vis-à-vis
algériens, au risque de voir disparaître ce créneau, l'on nous explique
qu'actuellement, les grosses pointures marocaines de la contrebande sont
absorbées par le commerce illicite d'autres produits qui présentement sont plus
porteurs tels l'habillement. L'on comprend, par ailleurs, qu'en plus de cela,
cette période est considérée comme creuse, pour le trafic de carburant, car
celle estivale où la mobilité est maximum est encore loin et également que
cette saison est particulière, par le fait que la région-est
du royaume connaît la sécheresse, d'où la baisse de la demande en gasoil,
habituellement importante car nécessaire aux labours. Ceci est à l'origine, au
lendemain de la hausse des prix, d'un recul du prix de vente de l'unité de
gasoil aux Marocains de 100 DA, ce qui a davantage aggravé la situation des ?hallaba'. Les collecteurs marocains, faut-il le souligner,
paient le carburant en dinar, jamais en dirham où le troque contre diverses
marchandises de qualité médiocre tels l'habillement ou les produits agricoles
ou encore prohibés. Avec les dernières hausses des prix des carburants, au
Maroc à savoir 17 centimes pour le gasoil lequel est passé 7,96 dirhams et 30
centimes pour l'essence qui frôle les 9,50 dirhams, le litre, et vu le taux de
change au marché parallèle du dirham qui dépasse les 11 dinars, le gain, dans
ce trafic, est de loin, largement, favorable aux trafiquants marocains.