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Iran-Arabie Saoudite : on exauce les supplications du capitalisme !

par Abdellatif Bousenane

Le conflit entre l'Iran et l'Arabie Saoudite n'est sûrement pas un conflit religieux. Il a toutes les caractéristiques d'une confrontation géostratégique plus globale alimentée, essentiellement, par la vision hégémonique.

L'exécution du dignitaire chiite saoudien Nimr Baker El Nimr rentre en fait dans la continuité d'un processus devenu, à force, un fait « banal ». L'Iran Perse et chiite contre l'Arabie Saoudite Arabe et sunnite. C'est le schéma idéal ou « l'idéal-type », concept de Max Weber, qui peut nourrir systématiquement et crédibilisele phénomène de la domination. Un cadeau tombé du ciel directement dans les mains du gendarme du monde, que même le père Noël est incapable de l'offrir !Il se trompe celui qui croit que les relations entre les États-nations aujourd'hui se dessinent en termes de croyances des uns et des autres. Et encore moins en termes des origines ethniques. Nous ne sommes plus dans la logique tribale. Néanmoins, les vraies motivations qui alimentent ces relations internationales s'appuient sur l'intérêt. L'intérêt politique ou/et économique.

LES VRAIES MOTIVATIONS :

L'Iran est désigné comme étant un élément central dans l'axe du mal par les américains, cela ne date pas d'aujourd'hui. Depuis la révolution islamique des mollahs qui a propulsé El Khoumeini au pouvoir dans les années 70, ce pays est devenu alors la cible de plusieurs hostilités et sanctions de la part de l'empire dominant. Ce n'est pas la religion qui est en cause, mais les objectifs des mollahs qui veulent reconquérir la gloire de la Perse antique et donc qui veulent devenir une puissance indépendante, ce qui n'est pas du goût, bien évidemment, de l'oncle Sam. L'Arabie Saoudite qui applique un islam très rigoriste n'a pas dérangé pour autant les « laïcs » occidentaux, au moins, les décideurs parmi eux ! Au contraire le soutien au royaume wahhabite est sans relâche, l'estime et la confiance en sont insoupçonnables. Des bases militaires de l'OTAN très nombreuses dans le Golfe arabo-persique, des aides militaires et techniques, soutiens logistique et politique très importants mais contre les milliards de dollars dont bénéficient les multinationales très présentes dans ces pays. Alors que les occidentaux ne sont pas musulmans, ni sunnites ni chiites, comment peut-on convaincre les gens que le problème est dans le chiisme de l'Iran au moment où on a de très bonnes relations avec des « kouffar » (les mécréants) aux yeux des salafistes ? Pourquoi donc ne pas rentrer en conflit avec la Russie, une très grande puissance pas du tout musulmane et qui a beaucoup d'intérêts dans la région? Pourquoi pas l'Inde aussi, qui est dix fois plus puissante que l'Iran ? Donc l'argument religieux ne tient pas, d'autant plus qu'on observe l'accélération d'ouverture d'ambassades et consulats israéliens dans le monde arabe, le dernier en date c'est celui des Émirats Arabes Unis.

Nous sommes là, dès lors, devant deux visions, deux conceptions. Celle d'un Iran qui est souvent dans la confrontation radicale, il veut résister, il veut préserver son indépendance en soutenant aussi des partis comme le hizb Allah, le hamas et Bachar el Assad en Syrie. Et de l'autre côté, une vision beaucoup plus « sage » des saoudiens qui acceptent un compromis avec la civilisation dominante qui se résume dans une dualité très simple : pétrole/ économie contre protection. Il est vrai que le soutien de l'Iran aux fractions chiites comme le hizb Allah ou aux Alaouites, proche du chiisme, aux Houthis au Yémen, donne un sérieux doute sur ses stratagèmes. Cependant, si on observe bien tous ces conflits, on aperçoit que les antagonistes sont beaucoup plus hétérogènes qu'on le pense. El Assad ne bénéficie pas seulement des soutiens alaouites, qui sont pas très chiites d'ailleurs, ils sont en revanche très laïcs, mais des chrétiens syriens, des kurdes aussi, et même quelques sunnites notamment à Damas, on se souvient du grand imam sunnite Mohammed Ramadan El Bouti, assassiné lâchement dans une mosquée. Le mouvement des Houthis au Yémen aussi, n'est pas exclusivement chiite, car ils ont un soutien de taille, l'armée de Ali Abdellah Salah, l'ancien Président sunnite. Le soutien indéfectible des iraniens aux palestiniens qui sont majoritairement sunnites et chrétiens. En plus de ses relations très amicales avec une grande partie des pays sunnites dont l'Algérie. Ainsi donc, le problème est d'une autre nature.

LA DOMINATION :

Le vrai sujet par conséquent c'est la compréhension de ce paradigme qui est la domination. La civilisation est dominatrice par essence puisqu'une civilisation qui ne se répond pas, qui ne s'étend pas, est vouée à la disparition. Les civilisations romaine, arabo-musulmane et occidentale actuelle en sont les illustrations parfaites. Toutefois, la nuance réside peut-être dans la forme ou la manière de cette expansion. De ce point de vue et sans rentrer dans le détail d'une histoire interminable, on peut noter que le monde arabo-musulman, moyen orient etAfrique du nord, vit aujourd'hui les conséquences de cette expansion de la civilisationoccidentale. Et une question primordiale s'impose dans ce registre : comment conjuguer nos efforts de développementavec cette domination ?Dans cette perspective, les deux postures, iranienne et saoudienne, arrangent très bien l'agenda des forces hégémoniques. La détermination et le radicalisme iranien basés essentiellement sur une idée de nature chauvine, le mythe du Perse invincible, accentué par un chiisme très rigoureux en matière d'une pratique religieuseextrêmement traditionaliste, ne facilitent guère les efforts des pays conciliateurs tels que l'Algérie qui semble bien conjuguer le verbe dominer, qui appelle les deux parties à la « retenue » et qui regarde ce conflit d'une hauteur de vue remarquable, ce qui peut lui donnerun rôle d'un acteur actif dans des futurs négociations et médiations. De l'autre côté, la position de l'Arabie Saoudite et tous les autres pays du Conseil des pays du Golfe, était toujours en faveur de l'empire. De toute manière, la forte présencemilitaire dans la région, a converti cette terre en un grand champ de bataille entre différentes forces politiques et économiques par son implication directe dans des guerres terribles qui l'ont déstabilisé. Ces monarchies arabes ont béni toutes les stratagèmes du « grand Satan », selon l'expression d'el Khoumeini, en commençant par l'Irak de Saddam Hoceine, un sunnite qui a dirigé d'une main de fer un pays à majorité chiite, là où on n'a pas remarqué la moindre « peur » ou indignation de l'Arabie Saoudite et ses alliés sunnites face à la chute d'un chef d'Etat sunnite alors qu'ils savaient pertinemment que l'avenir de l'Irak après Saddam est inéluctablement chiite, mais au contraire, ils ont participé activement dans le processus de sa chute! Une autre preuve intelligible qui appuie notre thèse ci-dessus. Après le chaos irakienavec des centaines de milliers de morts, d'orphelins, d'handicapés et un avenir brisé pour des millions de jeunes. Après, l'assassinat de Khadafi, la destruction de l'Etat libyen, desmilliers de morts aussi, des disparus, des torturés et tout un pays sous-contrôle de milices et groupes armées, le rôle est venu pour la Syrie ou l'autre pays progressiste et ancien allié du bloc de l'Est. Là aussi les dignitaires arabes du Golfe ont soutenuofficiellement, financièrement et militairement, les mercenaires et terroristes afin de « nettoyer » la région de la dernière force anticapitaliste et exaucer ainsi les supplications les plus chères des néo-croisés.