|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Il y a eu un premier choc,
celui de voir au beau milieu du mois du Ramadhan imposer à un pays musulman, le
Qatar, un blocus terre, mer et ciel sans raison apparente (Excluant les
résultats de la «Omra» de Trump
et de sa famille...). Certes, l'enclave de Gaza avec ses deux
millions d'habitants vit aussi cette situation autrement plus tragique depuis
plus d'une décade maintenant, mais il y a de bonnes raisons pour cela: Gaza la
rebelle a résisté, s'est rebellée les armes à la mains et a même tiré des
missiles en violation du droit international» (Même si la plupart ont fait
plouf et que ce droit est violé systématiquement par l'autre côté depuis
quelque 80 ans...) sur des villes de colonisation «illégales» suivant ce même
droit international. Ajoutons toutefois qu'affamer Qatar est une
description bien exagérée quant on parle en fait de
réduction du choix du consommateur pour certaines denrées. A Gaza, ce n'est pas
le nombre de marques de lait qui manque sur les étalages mais le lait tout
court.
Dans le cas de Qatar, nous avons là un pays bien introduit dans le monde de la finance et des affaires avec une diplomatie hyperactive, une gigantesque base aérienne américaine comme point avancé dans la lutte contre l'EI - pas un paria comme Gaza- qui s'est vu isolée du Monde sans avertissement préalable avec exécution immédiate. Même la Corée du Nord autrement plus dangereuse avec son programme de missiles à tête nucléaire ostensiblement pour menacer ses voisins d'utilisation sans états d'âme au moindre faux geste, n'a pas eu affaire à cette rupture commerciale et diplomatique brutale et sans préavis. Bref, du jamais vu dans les relations internationales. Le deuxième choc fut la «liste de la honte» de personnes et entités supposées terroristes, produit après une bonne semaine pour justifier cet ostracisme extrême. Tout y est, des associations de bienfaisance, des journalistes, des opposants politiques historiques de certains régimes de la région, des prédicateurs, des morts et des vivants, tous marqués du sceau du terrorisme. Curieusement, cette liste ne contient aucune entité ou personne d'Iran ou des Houthistes du Yémen qui pourtant forment à leurs yeux et celui de Trump l'axe du mal. Enfin vint le troisième choc, la fameuse liste des treize demandes «non négociable» produite trois semaines après sous forme d'un ultimatum avec délai d'exécution de 10 jours et une mise en tutelle du pays pour 10 ans à travers un mécanisme de vérification périodique de son application. Comme il fut noté par certains, cette liste ressemble fort à ces demandes de reddition sans condition présenté par le vainqueur au vaincu après une déroute totale, sauf que dans notre cas, il n'y a pas eu de bataille. Mais plutôt que de discuter combien cette liste basée sur des fausses prémisses (tel que hébergement d'éléments d'Al-Qaïda et de Daech par Doha...), est aberrante, et en quoi ces demandes sont contraires à la charte des Nations unies, à la liberté d'expression, aux libertés fondamentales, nous proposons d'établir une contre-liste à ces pays donneurs de leçons. La contre-liste de treize demandes (non négociable bien sûr et à implémentation sous, disons, dix jours) A tout seigneur tout honneur ! Nous commencerons par l'Egypte de Sissi. - Livrer le maréchal Sissi à un tribunal international pour crimes contre l'humanité. Le plus monstrueux de ces crimes étant sans nul doute le massacre de la place Rabia El-Adaouïa en août 2013, au Caire où quelque mille manifestants pacifiques, hommes, femmes et enfants ont été massacrés devant les regards du Monde. Ceci a constitué selon Human Rights Watch «le plus grand massacre de civils de la planète en une seule journée dans l'histoire récente». Nous pourrions ajouter à la charge de Sissi son arrivée au pouvoir à travers un coup d'Etat militaire contre la légalité constitutionnelle. - Cesser de réprimer et de criminaliser les mouvements politiques, syndicaux et associatifs de la société civile, et que chaque personne arrêtée ait droit à un juste procès par un tribunal civil. - Lever le blocus inhumain et illégal de la bande de Gaza et ses deux millions d'habitants, la plupart étant eux-mêmes des réfugiés des différentes guerres et vagues d'expulsion d'Israël de leur patrie, consolidant avec plus de rigueur encore celui tout aussi illégal mis en place par Israël. Ce crime proprement inexpiable contre le peuple palestinien frère, qui se trouve dans un état d'extrême détresse, restera même si tout le reste est oublié, une marque d'infamie pour l'Egypte pour les siècles à venir. - Libérer immédiatement le président Mohamed Morsi, le seul président élu de l'Egypte contemporaine, qui a été kidnappé par les militaires quelques jours avant même la soi-disant contre-révolution populaire, et est toujours gardé au secret, astreint à un régime carcéral dur sans bénéficier des droits les plus élémentaires. Quant à l'Arabie saoudite qui s'est livrée corps, âme et capitaux à l'Amérique de Trump, le plus islamophobe des présidents américains (Interdiction d'entrée aux musulmans, affirmations durant sa campagne présidentielle que : «Islam hates us»), voilà les demandes s'y afférant: - Livrer à la justice internationale le roi Salman et son fils héritier Mohammed Ben Salman pour avoir exacerbé par une intervention hors de tout cadre légal dans la guerre civile au Yémen, ce pays voisin pauvre et sans ressources, et d'avoir par des bombardements indiscriminés causé la mort de milliers de civils. - Arrêter immédiatement le mal-traitement de la gent féminine et les nombreuses discriminations et violations de libertés fondamentales à leur égard dont les plus emblématiques sont l'interdiction de conduire, l'obligation de se voiler la face en public; mesures d'un autre âge qu'aucun pays au monde n'impose à ses citoyennes et en porte-à-faux avec les valeurs universelles et l'Islam bien compris. - Livrer à la justice tunisienne le tyran Ben Ali et sa famille à qui leur a été accordé asile et qui est sous le coup d'un mandat d'arrêt international. Condamné en Tunisie, il à été jugé par contumace sous le coup de 93 chefs d'accusation dont 35 relevant des tribunaux militaires, parmi lesquels ceux d'homicide volontaire, de complot contre la sûreté de l'Etat, détournement de fonds... Concernant le plus vicieux des pays de l'alliance, les Emirats arabes unis, voici un nombre de demandes minimales pour leur longue liste de malfaisances: - Livrer à la justice internationale les dirigeants de l'EAU pour leur ingérence multiforme dans les affaires internes de nombre de pays arabes. Ainsi, ils ont comploté avec l'armée en Egypte et financé la contre-révolution pour faire tomber le gouvernement Morsi. Comme ils se doivent de cesser leur support obscène au renégat Haftar en Libye, et leur livraison d'armes à une des parties du conflit qui se fait en violation de l'embargo décrété par l'ONU, comme ils se doivent de cesser leur intervention illégale contre des groupes islamistes avec la complicité de l'Egypte qui met à la disposition de son aviation ses aéroports, alimentant ainsi la guerre civile en Libye. - Cesser leur répression implacable de toute opposition politique interne qu'ils assimilent de facto à des actes terroristes. Arrêter leur démonisation systématique voire maladive de prédicateurs bien connus tels que Cheikh Youcef al-Qardhaoui, titulaire du prestigieux Prix du Roi Fayçal pour services rendus à l'Islam. Amener devant la justice les responsables émiratis du réseau de prisons illégales implanté au Yémen où des milliers de prisonniers politiques yéménites arrêtés sans jugement, sont torturés et souvent exécutés. - Arrêt immédiat de l'opération hostile sans aucune raison légitime de lobbying contre les intérêts et l'image de Qatar aux Etats-Unis comme les courriers hackés de l'ambassadeur des EAU à Washington l'a démontré sans équivoque, opération de déstabilisation moralement répréhensible entreprise de plus de concert avec des institutions de la droite américaine et liés à Israël. Enfin il faudrait inclure ces demandes suivantes communes à cette ligue de la malfaisance: - L'arrêt immédiat et sans condition de ce siège obscène et illégal du Qatar. Il est aussi condamnable que ces pays aient soudoyé des pays africains, exploitant leur faiblesse économique pour leur imposer la rupture de leurs relations diplomatiques avec un pays frère. Pourtant, summum de l'ingratitude et de l'hypocrisie, c'est bien le Qatar qui, au fil des décennies, leur a apporté à coup de millions une aide économique et financière désintéressée. Mettre à la disposition de la justice les responsables de l'opération de piratage de l'agence de presse qatarie qui a joué en grande partie le rôle de déclencheur dans cette crise, et pour lequel nombre d'indices pointent en effet vers une collusion de ces pays du Golfe dans cette opération illégale, ô combien belliqueuse. - Juger les responsables de ces pays devant un tribunal des peuples pour avoir abandonné le peuple palestinien politiquement et économiquement, ainsi que pour collusion documentée avec l'ennemi pour sa coordination sécuritaire et stratégique au dépend d'un peuple dans l'adversité. - Rétablir la volonté populaire citoyenne dans ces pays à travers l'établissement d'assemblées élues comme tout les pays du monde civilisé le font et arrêter de diriger leurs pays comme s'ils en étaient les possesseurs attitrés. Contrairement à leurs prétentions, le Prophète de l'Islam n'a pas établi ce mode de gestion, son seul fils Ibrahim étant d'ailleurs décédé en bas âge, et le Coran décrit la gestion des affaires communes des fidèles: «Ils traitent de leurs affaires communes par voie de concertation». L'établissement de régimes héréditaires, où l'Etat est accaparé par une famille qui se sert dans les caisses de l'Etat est non seulement antinomique à l'Islam mais même répugnant à son esprit égalitariste. En Arabie saoudite par exemple, les milliers de membres de la famille royale ponctionnent le budget annuel de l'Etat d'une fraction secrète et en constante augmentation et cela sans aucun audit extérieur. *Professeur au département de physique, université Mentouri à ConstantineVice-président de l'Arab Union for Astronomie and Space Sciences (AUASS) |
|