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Ils sont encore nombreux ces citoyens, ces choses, ces serments recalés
qui ne voient en Novembre qu'une date. Une histoire, pas plus. L'indépendance
n'est pas encore arrivée au seuil de leur chaumière.
Novembre a laissé plusieurs victimes depuis sa naissance. La déclaration de la vieille de Novembre 1954 est restée en partie veuve et ses versets des morceaux orphelins. C'est au mensonge et à l'esbroufe d'avoir eu à hériter en grande partie et illégitimement de ses vertus. On l'a dépouillée de sa sève, on l'a rançonnée. Dans le nord du sétifois, la lune continue à être un éclairage public. Dans le même nord les branchages, un chauffage. Dans ces contrées là, les habitants du djebel se confinent encore dans leur gadoue que les chargés d'affaires publiques, agissant en leurs noms malaxent davantage. Dans la vie des cités, la référence demeure celle évidemment relative à l'attache ancestrale au même titre que l'individu. Le premier Novembre chez nous est-il exclusivement une date particulière, une journée chômée et payée que les gouvernants tentent à chaque échéance d'en donner le maximum d'éclats par des manifestations culturelles, sportives et autres ? ou serait ?il un arrêt mémorial que l'on devait observer chacun à sa façon mais tous par la même intonation intérieure ? Le vivre en silence, par pensée, résurrection, simulation, errance et voyage en arrière du temps ne suffit-il pas pour que l'on puisse en faire un menu d'une soirée folklorique ou d'un tournoi footbalistique ? Il est aussi une aubaine financière pour les publicitaires qui n'en voient à défaut d'une abnégation qu'un juteux bon de commande suivi d'une grosse facture. Le peuple consomme des affiches et des banderoles au moment où les autres en font leur commerce. Ainsi dans nos boulevards, nos quartiers et nos villes, un premiers Novembre s'annonce par les couleurs des fanions et autres guirlandes que la mairie le plus souvent sous l'impulsion du wali tend à mettre en exergue. Il leur est un programme. Fêter et faire fêter le premier Novembre ou toute autre « fête » nationale par sa population est devenu une mission tout aussi banale que celle d'attrouper les éternels constants invités en la circonstance. D'année en année on y voit de nouveaux visages?maquillés à l'heure de Novembre. Alors que certains, timides, décents et gardant leur fierté intacte, car refusant le statut « d'abonné de la wilaya », somnolent encore dans l'oubli et l'indifférence. ?.. Loin dans les méandres de la douleur algérienne, le soleil ne brillait que par touches d'espoir rattaché au bout d'un fusil ou d'un mauser subtilisé voire d'un poing nu mais décidé à briser à jamais le joug colonial. Dans les rues, dans les campagnes, les monts et les douars ; l'heure n'était qu'une question d'hommes, de circonstance et de farouche volonté. Ce Novembre avait été un assaut final à toute les péripéties du mouvement nationaliste qui sans symbiose unitaire retardait la résolution finale de terminer à jamais la souffrance contraignante qui s'abattait depuis plus de cent trente années sur le peuple algérien. Avant, durant et peu après ce versant décisif de l ?épopée nationale ; la solidarité ne se limitait pas dans la gestion des clans, du crédit bancaire ou de la rapine du Calpiref. L'un fut le frère de l'autre. Et non son associé en affaires ou son complice dans la soustraction. Le lien sanguin ou parental ne donnait pas aussi l'identité familiale. Tout fut une famille. La misère les unissait. Il ne s?agissait pas d'une exception ou d'un excès de soutien de l'un vers l'autre. L'on pouvait partager un rien. Pourvu que l'on ait ce désir ardent de pouvoir et d'accepter de l'effectuer sans coup férir. Les qualités intrinsèques dont jouissait la population d'alors provenaient justement du besoin commun entretenu dans la structure mentale de chaque « citoyen ». Il n'y avait que des citoyens français. Puis franco-algériens. Et maintenant, certains, nombreux sont des binationaux. Ils gèrent, gouvernent le peuple de Novembre et règnent sur son dos. Sans savoir, sans culture sans instruction, avec toute une niaiserie, des espoirs et de fortes sensations, cette population aimait, sans la connaître la liberté, adorait sans l'avoir exercé l'indépendance. Pour rendre apte aux étapes d'une concrétisation l'ensemble des aspirations enfouies mais consensuelles ; la providence devait dégager des hommes, un commando de choc, la révolte, Ce furent l'OS, les six, les vingt deux ?le CRUA, le CNRA, le GPRA?la RADP et puis vinrent doucereusement le conseil de la révolution? la Présidence, le HCE?le CNT, le RND?le FLN pour constater ensuite l'alliance présidentielle, Khalifa, Tiguentourine, les mandats successifs et la valse qui continue. L'Algérie est libre et indépendante. De qui et à l'égard de qui ? Elle est libre non par rapport à la France, puissance toujours coloniale en termes de nouvelle définition économique du colonialisme. Car la mondialisation est le pire des colonialismes. A vrai-dire. Cette liberté est encore l'otage d'autres considérations politiques autochtones. Des endroits en entier restent en deçà de l'indépendance, des idées illuminées restent au-delà de la liberté. Faudrait-il pour cela réengager la révolution de Novembre mais intra-muros ? Cette liberté arrachée vis-à-vis du roumi d'hier est encore une passion ardente que l'on observe chaque matin en queue leu-leu auprès des consulats de la France « coloniale ». L'atmosphère aux alentours de la marge de l'histoire ou le retour furtif vers des points historiques remarqués est une humeur de générations. Sans que nul ne pense en détenir un bout soit-il de cette haute et véritable vérité. Malheureusement pour l'indépendance, qui au demeurant avec l'effet de tempérament du 11 septembre n'est qu'un petit jeu de consommation politique pour un discours intérieur et destinés à ses aborigènes. Régler ses comptes intérieurs par le bais d'une France autrement « coloniale », n'est une valeur novembriste. Alors que dire qu'après cinquante ans « d ?indépendance » l'on ait pu faire un semblant de comparatif de l'état de l'esprit qui prévalait à l'époque avec celui qui prédomine en 2014 ? A l'époque dans chaque maison, chaumière ou gourbi ; l'emblème national « nedjma ou hlel » en constituait le principal décor domestique. On le faisait brandir à chaque occasion. Ces drapeaux fusaient de partout lors des fêtes nationales. Nous n'avions pas encore, en ce temps d'équipes sportives enivrantes. La seule, en était l'Algérie libre et indépendante ! Même dans les écoles l'ensemble des travaux scolaires manuels étaient conçus pour faire des calots, des insignes et tous ce qui peut signifier clairement des signaux forts du nationalisme. 2014, cet étendard semble devenir une exclusivité de l'équipe nationale, d'un stade de foot et parfois de l'Etat et de ses collectivités. Le nationalisme n'est pas une profession de foi ni un engagement dressé par devant étude notariale. A la limite de la foi il n'est non plus un droit de détention d'un bout d'une CNI ou d'une attestation de participation. C'est un comportement, un esprit, une pieuse pensée et une profonde réflexion. Novembre à l'instar de tant d'attributs historiques nationaux doit être remis à qui de droit. Véritable ayant-droit, la population en ces multiples facettes de représentativité devrait récupérer la solennité des hauts faits de la nation. Novembre n'est pas une affaire de wali. C'est une affaire nationale. Les oubliés de Novembre sont cette histoire et son écriture délaissée aux humeurs du jour et à l'appréciation des tenants de l'heure. Ce n'est plus une honte de voir encore, malgré les efforts gigantesques consentis dans l'école ; un enseignement qui zappe une partie de l'histoire. C'est de l'indignation. C'en est une aussi quand l'on voit l'ardeur des jeunes à vouloir au péril de leur vie, quitter ce pays au plus fort de son besoin, pour un autre pays bourreau de leurs ainés. Novembre était un appel qui allait déterminer tout l'avenir d'une nation. Annonçant la gravité de l'heure ; « l'équipe de jeunes responsables et militants conscients, » rédigeant l'appel de Novembre engageait déjà sa ferme décision pour aller au devant d'une situation compliquée par la zaimisme et leadership. Ces « jeunes » affirmaient alors « Nous tenons à cet effet à préciser que nous sommes indépendants des deux clans qui se disputent le pouvoir » la bipolarité dans le pouvoir, l'esprit de clanisme ne sont pas donc une nouveauté. Ils s'élançaient surs et déterminés pour exprimer leurs buts « La restauration de l'Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques » en sommes-nous là ? Plus loin, l'appel garantit « l'Assainissement politique ??par l'anéantissement de tous les vestiges de corruption et de réformisme, cause de notre régression actuelle » étions-nous dans un constat prémonitoire ? Ce sont en fait certains engagements qui allaient au fil de l'usure des passions et des volontés fléchir devant des comportements résistant à toute loyauté. Les oubliés de Novembre sont aussi des fragments de serments, de la solidarité et du partage. |
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