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Performance d'entreprise et gestion des ressources humaines (3ème partie)

par Mourad Hamdan*

C'est le développement effectif des compétences qui peut rapprocher les intérêts des diverses PP : l'entreprise gagne parce qu'elle maîtrise ce qu'elle fait, le DRH doit conserver les compétences qui font la force de son entreprise, le salarié se sent responsable et devient exigeant vis-à-vis de lui-même et de sa contribution et enfin l'actionnaire assume sa responsabilité de bailleur de fonds pour faire durer ce qui mérite de durer. Comme les activités ne sont pas figées dans le temps, la vision du dirigeant qui est la source de la valeur créée mérite un accompagnement par un management efficace des RH.

Comme la disponibilité des ressources ou des moyens ne garantit pas à elle seule la réussite de l'entreprise, le dirigeant doit exercer efficacement ses trois compétences. Ces compétences se construisent autour de la création de la valeur et des arbitrages relatifs à sa répartition en faveur de toutes les PP. Si la valeur est une réalité à la fois donnée et construite par les acteurs et non pas seulement par les marchés, la fonction RH devient un acteur indispensable aidant le dirigeant à exercer ses compétences. Ce rôle sera également profitable à l'ensemble des fonctions dans la mesure où il faudra certainement passer par un travail analytique sur les représentations de l'entreprise pour déterminer les activités mobilisatrices de demain.

(*) Si l'on retient la définition de la compétence comme étant une composition de savoirs, savoir-faire et savoir-être, les compétences d'un dirigeant peuvent être regroupées selon trois composantes, à savoir : stratégique, organisationnelle et comportementale.

Compétence éthique

La compétence éthique est un avantage concurrentiel durable face aux concurrents. Il s'agit d'une valeur managériale dont l'orientation, pensée et formalisée par les dirigeants, est relayée par la FRH par le biais de ses actions en communication interne et externe. Les aspects éthiques font partie intégrante de la stratégie d'entreprise et mettent en évidence un nouvel aspect en faveur de la compatibilité entre la rentabilité pour l'actionnaire et les pratiques sociales des organisations.

Il reste à souligner que la dynamique du développement durable repose pour la plupart des entreprises engagées dans cette mouvance, sur des références éthiques où les dimensions classiques de la GRH sont toujours présentes mais où elle ne trouve pas toujours matière à sortir de sa position d'exécutant du fait d'une image rendue ambiguë par les contradictions entre ses discours et ses actes.

La problématique de contribution de la FRH à la création de valeur, nous permet d'envisager deux types de réponses : ? la FRH est considérée comme une fonction support avec un modèle relationnel client/fournisseur et un critère principal de performance fourni par le rapport coût/efficacité.? la FRH est non seulement fournisseur de services mais créateur de valeur en tant que partenaire par sa contribution à l'amélioration du fonctionnement des métiers, et à leur évolution.

Cette deuxième possibilité permet d'imaginer que, forte d'indicateurs qui lui permettent de démontrer son effective contribution à la création de valeur et d'avantage concurrentiel pour l'entreprise, la FRH peut saisir l'opportunité de légitimer son implication dans le renouvellement des RH en tant que composante essentielle du développement durable, d'autant plus que les actionnaires estiment de plus en plus qu'à la croissance continue de la valeur actionnariale doit s'ajouter l'objectif de valeur sociétale.

Valorisation

Valorisation de l'entreprise : impact de la politique RH

Le temps est effectivement une valeur essentielle. C'est le temps qui manque au marché. Si l'analyste a le temps, il peut effectivement prendre en compte certaines dimensions d'une entreprise, comme les RH. Dans tous les cas, pour le marché, la variable RH est une variable résiduelle. En effet, pour lui, seul compte ce qui se mesure, et ce qui se mesure vite. La RH se situe même au-delà des fondamentaux, qui sont liés aux flux financiers, et non sociopolitiques. Or la RH ne peut être captée qu'au travers d'autres paramètres.

L'analyste financier au quotidien

Son métier est de conseiller les investisseurs et les opérateurs. Pour aboutir à sa conclusion, qui se décline invariablement selon trois options : acheter, vendre ou conserver des titres, l'analyste établit au plus long terme possible des prévisions sur une société en analysant ses flux, du top line (chiffre d'affaires notamment) au bottom line.

Après la prévision vient la valorisation. Une entreprise ne vaut que par ses flux futurs. Le facteur visibilité est donc extrêmement valorisé. La valeur de l'entreprise est la valeur de ses flux actualisés au coût du capital.

Les marchés financiers dictent leur comportement aux entreprises en vertu du fait qu'ils allouent les - trop rares - ressources en capital.

Or les marchés n'acceptent que les entreprises se soumettant à un certain nombre de règles notamment de transparence, de gestion par la valeur, de visibilité de la politique et de la stratégie.

Ils servent donc également d'aiguillon à la bonne gouvernance des entreprises. La seule création de valeur acceptable aux yeux du marché est donc la création de valeur pour les actionnaires.

La création de valeur pour l'analyste financier

Il s'agit du différentiel entre le retour sur capital investi et le coût du capital, décomposé en coût des fonds propres, apportés par les actionnaires, et en coût de la dette, qui relève des banquiers. La création de valeur résulte donc de l'activité à terme de l'entreprise, qui doit être rentable et dont le coût du capital doit être le plus faible possible.

Il y a dans les faits et sur le long terme une identité comptable entre le différentiel et l'évolution de la performance boursière d'une société, cette dernière étant composée de la hausse des cours de bourse et des dividendes.

L'implication des RH dans la création de valeur

1. Au niveau interne : amélioration du différentiel (retour du capital) - (coût du capital)

A ce niveau, l'action des RH peut être mesurée sur :

-la structure de coût

Les RH sont perçues comme centre de coût. Cependant, une action peut être menée à leur niveau, tant au niveau des rémunérations que des effectifs.

-le modèle de revenu

Les RH en tant que centre de coût sont appréhendées par le marché dans un cas particulier, celui de la restructuration. En effet, en ce cas, une certaine masse d'information circule, à laquelle le marché réagit. C'est à ce moment qu'il est le plus sensible à la variable RH. C'est ainsi que les annonces de licenciement ont un impact positif sur les cours de bourse, car les marchés anticipent une amélioration de la rentabilité.

Les RH peuvent également apporter des éléments positifs, et notamment du chiffre d'affaires. Cela dépend de la qualité des effectifs, des pyramides des âges et des compétences, ainsi que des schémas d'incitation mis en place (intéressement au chiffre d'affaires, stock-options, etc.).

Au niveau externe : amélioration de la performance boursière

Les RH peuvent avoir une action directe sur la performance boursière qui ne soit pas en corrélation avec les variables fondamentales internes à l'entreprise. Ce sont là des réactions du marché.

-L'actionnariat salarié

Il s'agit d'une forme particulière d'incitation. Un actionnariat salarié a théoriquement le même degré d'exigence et le même comportement qu'un fonds de pension.

-Les fonds éthiques

Ils sont spécialisés dans des entreprises qui respectent un certain nombre de règles en matière d'environnement, de production de biens et de services et de politique RH.

SIRH et valorisation de la fonction RH

L'importance que joue le capital humain dans la performance de l'entreprise est telle que les problématiques telles que la gestion de la diversité et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences deviennent cruciales pour gérer les nouvelles attentes des salariés, le caractère international des équipes ou encore la perte de compétences engendrée par les départs à la retraite. Parce qu'elles concernent directement la fonction RH, ces missions rendent non seulement son rôle stratégique de plus en plus visible mais, de surcroît, la poussent à repenser son organisation et son positionnement dans l'entreprise.

Toutefois, en accélérant le déploiement de pratiques RH à valeur ajoutée, en permettant des économies de fonctionnement et en fournissant des outils de mesure, le système d'information des ressources humaines (SIRH) peut faire de la fonction RH un créateur de valeur à part entière.

Ainsi, la fonction RH pourra s'affranchir des tâches chronophages non créatrices de valeur et dédier du temps à ses choix stratégiques. Cette phase sera la première étape vers la valorisation de la fonction.

Concrètement, il s'agira de privilégier le déploiement de solutions adaptées à différentes catégories de population (managers, commerciaux, expatriés, etc.), d'espaces de travail collaboratifs (à l'attention de communautés de recherche, etc.), de systèmes d'évaluation axés sur un subtil mix performances/compétences et, plus généralement, d'outils informatiques homogènes garants de la cohérence des pratiques dans un environnement de plus en plus décentralisé.

Les entreprises qui souhaiteraient répondre à ce nouvel enjeu s'attacheront, dans le cadre de la mise en œuvre des outils nécessaires au succès de cette évolution/révolution, à respecter quelques facteurs simples de réussite :

-Fixer des objectifs réalistes, observables et mesurables dans le temps.

-Affirmer un leadership fort de la part des équipes d'encadrement et de la direction.

-Communiquer de manière assidue, à toutes les strates de l'organisation.

Par la collecte, la sélection, l'assemblage, la modélisation et la restitution des données via des indicateurs, les équipes dédiées au pilotage analyseront les tendances, détermineront des actions correctives ou préventives de façon coordonnée et informeront les clients de la fonction, augmentant par là sa crédibilité.

Mais encore faut-il savoir que le pilotage cité précédemment dépasse cette dimension de contrôle, qui n'est qu'un de ses aspects et non une fin en soi. Il nécessite une collaboration entre les équipes pour optimiser les décisions et ne fonctionne pas de façon binaire mais cyclique : la stratégie influe sur les décisions opérationnelles qui, elles-mêmes, agissent sur la façon de piloter et ainsi de suite.      Le pilotage apparaît alors comme le moyen idéal de soutenir et d'accompagner la fonction RH dans son nouveau positionnement. Il permet de couvrir les cinq fonctions clés du management : «prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler», répond aux enjeux de la fonction RH et améliore le fonctionnement de l'entreprise en mesurant l'atteinte des objectifs pour créer un processus périodique de prise de décisions et de mise en œuvre de plans d'action.

Le pilotage apparaît donc non seulement comme un moyen d'affirmer le nouveau rôle des RH, mais aussi comme un moyen incontournable à la valorisation de la fonction RH. Il ne faut toutefois pas oublier qu'il demande la maturité et le recul nécessaires pour afficher clairement les axes d'amélioration, mettre en œuvre les plans d'action adaptés, les suivre et les valoriser auprès de ses clients.

-E - RH et création de valeur pour l'actionnaire

Une étude récente qui porte sur l'impact d'un index de capital humain sur la création de valeur boursière révèle pour la première fois que les NTIC dans les RH sont créatrices de valeur boursière à hauteur de 6,5% de la valeur créée. Ainsi, l'e-RH crée de la valeur pour l'actionnaire par le développement d'un avantage concurrentiel (meilleure qualité de service aux clients internes, une réduction sensible des coûts et une amélioration des transactions).

Le e-RH est donc potentiellement à la source d'un avantage concurrentiel pour les entreprises qui l'adoptent, et ce grâce au développement de processus représentant des ressources valorisantes, spécifiques, non imitables et non substituables.

Activité collective et performanced'entreprise

La performance "ne résulte pas de la consommation d'un certain nombre de ressources prises indépendamment les unes des autres mais du déploiement organisé et planifié de combinaisons de ressources, d'ajustements dans le temps, c'est-à-dire de compétences d'assemblage, de coordination, de synchronisation, de mise en œuvre, d'adaptation".

Dit autrement, la performance ne réside pas dans les ressources à mobiliser mais dans la mobilisation même de ces ressources, compétence organisationnelle qui fonde l'efficacité collective et assure la performance de l'entreprise.

L'appréciation de la performance des entreprises ne fait pas l'objet d'un consensus et il n'est pas dans notre intention de chercher à l'établir. Nous nous rallions à l'approche multidimensionnelle proposée par Morin et al. (1994). Pour ces auteurs, l'appréciation de la performance d'une entreprise s'effectue au travers de l'analyse de quatre dimensions :

1. Une dimension "efficience économique" composée des principaux agrégats tirés des comptes sociaux de l'entreprise - bilan et compte de résultat - et du contrôle de gestion ;

2. Une dimension "valeur des ressources humaines" mettant en exergue des critères relatif notamment à la mobilisation et à l'évolution des collaborateurs ;

3. Une dimension "légitimité de l'organisation auprès des groupes externes" tels que les clients, les supports financiers ou moraux et qui s'articulent autour d'indicateurs permettant d'apprécier leur satisfaction ;

4. Une dimension "pérennité de l'organisation" qui constitue le niveau élémentaire de l'appréciation de la performance de l'entreprise.

Cette approche multidimensionnelle a le mérite de ne pas réduire la performance des entreprises aux seules considérations financières. Une entreprise apparaît par conséquent performante non seulement lorsqu'elle maximise ses bénéfices et optimise sa profitabilité, mais aussi quand elle parvient à satisfaire et gagner la fidélité et de ses clients, de ses collaborateurs et de ses partenaires. Par ailleurs, l'évaluation de la performance est une activité qui n'échappe pas aux enjeux politiques car "elle sanctionne directement les intérêts et les valeurs de la coalition dominante" (Morin et al. Ibid). Ainsi, les actionnaires privilégieront une représentation de la performance réduite au rendement de leur investissement, les clients à la satisfaction qu'ils tirent des produits et services, les collaborateurs à la qualité de leur traitement.

A suivre...

*Consultant en management