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Tunisie : Une nouvelle feuille de route et des «manif» pour faire tomber le gouvernement

par Yazid Alilat

L'impasse politique reste totale en Tunisie où aucune sortie de crise n'est, pour le moment, visible, autant pour l'opposition qui ferraille pour destituer le gouvernement que pour le parti Ennahda, à la tête de l'exécutif.

Les fêtes de l'Aid el-fitr, et les quatre jours de congé, décidés par les autorités locales n'ont, cependant, pas calmé la volonté de l'opposition, formée de partis de différentes tendances, à vouloir faire tomber l'équipe du Premier ministre Ali Larayedh et installer un gouvernement de Salut national. C'est, en tout cas, l'objectif que s'est tracée l'opposition qui maintient ses sit-in au quartier du Bardo, près du siège de l'Assemblée nationale constituante (ANC), qu'elle veut également faire tomber.

Hier samedi, l'opposition, en Tunisie, a ainsi annoncé qu'elle proposera, la semaine prochaine, un gouvernement composé d'indépendants pour sortir le pays de l'actuelle impasse politique, et accélérer la démission du gouvernement dirigé par le parti de Rached Ghannouchi. «Le Front de salut national va continuer à travailler sur le gouvernement de Salut national et faire, la semaine prochaine, ses propositions sur les personnalités indépendantes le composant. Le Front établira aussi une feuille de route bien précise», a expliqué Karima Souïd, député du parti Massar et membre de la coalition de partis formant l'opposition.

Pour elle, toute négociation avec le parti islamiste Ennahda avait pour «préalable» la démission du cabinet dirigé par Ali Larayedh. «Il ne peut y avoir de discussion sans mise en place d'un gouvernement de Salut national, ce n'est pas négociable», a estimé Mme Souïd, assurant que les opposants n'avaient eu aucun contact direct avec Ennahda.

L'OPPOSITION PROMET UNE GRANDE «MANIF» MARDI

L'opposition, qui veut multiplier les sorties médiatiques et face à un relâchement de ses partisans, veut relancer la mobilisation contre le gouvernement de Ali Larayedh, en organisant une nouvelle grande manifestation, mardi prochain, à Tunis. Le 13 août, jour de cette méga-manifestation, marque l'anniversaire de la promulgation du code du statut personnel, en 1956, du temps de Habib Bourguiba, et qui a donné aux femmes tunisiennes des droits, sans pareil, dans le monde arabe, sans pour autant consacrer l'égalité. L'opposition veut rebondir en exploitant cette date comme argument pour revendiquer plus de démocratie et acculer le gouvernement islamiste dans ses derniers retranchements pour ensuite le faire tomber. L'argument de l'opposition est que les islamistes, au pouvoir, ne donnent pas des garanties sur le respects des acquis des Tunisiennes, et estime que le gouvernement islamiste est responsable de l'essor de la mouvance salafiste dont les actions violentes ont provoqué une impasse politique, notamment avec l'assassinat de deux leaders de partis de gauche et de l'opposition, Chokri Belaid, au mois de février et Mohamed Brahmi, le 25 juillet dernier. Deux assassinats politiques qui ont ébranlé la Tunisie et provoqué une forte rancoeur des Tunisiens contre le parti Ennahda, qui a, pourtant, remporté les premières élections législatives organisées après la chute de Benali.

ENNAHDA S'ACCROCHE

En face, par contre, si le chef du parti Ennahda est favorable à un dialogue national de sortie de crise, il ne pense pas, pour le moment, abandonner le pouvoir. Ennahda, qui a accepté, difficilement, la suspension des travaux de la Constituante, a proposé un deal à l'opposition, l'invitant à un vaste dialogue pour faire sortir le pays de la crise. Pour le chef d'Ennahda, ce dialogue, qui rassemblerait toutes les forces politiques tunisiennes, doit aboutir à «un gouvernement d'union» et faire sortir le pays de la crise. «En dépit de nos réserves formelles et juridiques sur cette initiative (de suspendre la Constituante), nous espérons qu'elle servira de catalyseur pour que les adversaires politiques s'assoient à la table du dialogue», a annoncé Rached Ghannouchi. Pour Ali Larayedh, dont la tête est demandée par l'opposition, il n'est pas question de démission, estimant que «le dialogue est le meilleur moyen de surmonter les difficultés et de résoudre les problèmes existants». «Le gouvernement ne ménagera aucun effort pour soutenir le processus de dialogue», a-t-il dit. Signe évident que la Tunisie traverse une sérieuse crise d'identité: elle n'a toujours pas de Constitution, faute d'un consensus sur son contenu, deux ans après l'élection de la constituante, qui aujourd'hui est attaquée par l'opposition qui réclame sa dissolution.