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D'une architecture sans
architectes vers un urbanisme sans urbanistes, c'est un peu vers cette
éventualité que se dirigent nos villes. Le contexte est comparable à celui d'un
match de football où, la «tactique» improvisée par les joueurs d'une équipe
démunie et sans entraîneur, défie et accroche l'équipe structurée et disposant
d'un encadrement de «choix». C'est à cela, en effet, que se résume la notion
d'«Urbanisme tactique».
C'est face à des élus en manque d'idées, sans programme, sans projets et aussi à l'immobilisme de la gouvernance que se prolifèrent les improvisations citoyennes. L'Urbanisme tactique, ou «tactical urbanisme» et «pop-up urbanisme» n'est pas nouveau, il y a, déjà, cinquante ans qu'il est né. La menace de l'automobile dans les années 1970 et son emprise sur l'espace public, ont fait que des activistes entreprennent des aménagements dans les espaces de stationnement, les convertissant à usage exclusivement piéton. L'architecte paysagiste (Bonnie Ora Sherk) fut à l'origine du mouvement «Portable architecture» pour dénoncer l'emprise de la voiture qui s'annonçait dévastatrice. Récemment, en 2005, c'est l'action Park (ing) day (Parc dans le jour) menée par un collectif d'artistes, à San Francisco qui a repris le flambeau du mouvement des années 70. Enfin, c'est l'architecte américain (Mike Lydon) qui est venu théoriser cette notion, qui dans la réalité ne se limite pas à un activisme anti-voitures, mais à une réflexion plus globale sur l'espace public. Cet activisme urbain ou comme l'appellent les urbanistes la «Guerilla urbaine» est en pleine ascension en Algérie. La lenteur, le laxisme bureaucratique, l'inexistence d'assemblées communales porteuses de projets de villes, sont à l'origine de l'improvisation et de l'action citoyennes, en milieu urbain. Par ailleurs, ce sont les instruments d'urbanisme dont les études et la mise en application sont en déphasage, par rapport à la réalité urbaine, qui viennent s'ajouter aux souffrances que vivent nos villes, voire même nos villages. Lorsque les POS (plan d'occupation des sols) ont pour principal souci, la possession des terrains nus et des poches vides, et omettent de prendre en considération le cadre bâti, objet de leur périmètre d'études, et se souciant beaucoup plus du nombre d'étages à inscrire, pour tel ou tel autre îlot, au lieu de penser aux types d'interventions urbaines à prescrire pour le cadre existant comme la rénovation, la réhabilitation, la restauration et même la restructuration, il y a lieu de s'alarmer. Quand les assemblées populaires communales ont pour ordre du jour, la répartition de subventions pour les associations de leurs localités, et que le consensus n'est acquis qu'après plusieurs séances, et à la suite de déchirements entre membres élus, alors qu'au même moment les doléances citoyennes et les orientations de PDAU et de POS (quand elles existent) traînent dans les casiers ; et que le code communal n'est ni maîtrisé ni appliqué, il n'est donc pas permis de parler de gestion de la ville. Face à cet immobilisme des officiels et à cette sorte de désengagement, les citoyens ont pris conscience de leur rôle d'acteurs à part entière, dans l'aménagement de leurs villes et villages et ils se sont forcément dit : «On n'est mieux servi que par soi-même». C'est pour un cadre de vie meilleur que des initiatives citoyennes sont entreprises, ici et là-bas, pour faire face au laisser-aller et aux promesses en l'air faites, à chaque fois, par les municipalités. Effectivement, l'Urbanisme tactique, ou l'urbanisme de résistance gagne du terrain, dans nos villes, chaque jour. C'est ainsi qu'à Mostaganem, les cités des Mandarins et récemment celle des HLM, ont connu des aménagements entièrement faits par les habitants, l'action «TIDJDITT la bleue» se poursuit, ce phénomène se propage, l'exemple de l'aménagement d'une placette au Douar Maizia, dans la région de Mostaganem en est la parfaite illustration. D'autres villes sont en phase d'adhérer à cette option, c'est le cas de Jijel, de la commune Aokas en Kabylie, qui vient de créer son théâtre en plein air, et c'est certainement le cas pour d'autres villes et villages du pays. Cela reste des actions ponctuelles, mais lourdes de sens. Voilà comment l'absence d'une politique de la ville, l'inexistence de la prise en charges des problèmes citoyens par les municipalités et l'administration, sont contrecarrés par l'initiative citoyenne. Cela prouve, aussi, que ce ne sont pas les budgets colossaux qui finissent par garantir le bien-être, ce sont les idées, les visions qui sont à l'origine du succès. Toutefois, cela peut constituer une arme à double tranchant, car ce n'est que par les normes, les règles que l'on peut aspirer à un monde meilleur, il est donc, plus que jamais, le temps pour que les assemblées et l'administration se mettent au service des citoyens par des actions et non par des déclarations. |
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