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Au-delà du réformisme

par Kamel Kacher *

Depuis l'indépendance, l'exigence de choix propres à donner à notre pays les moyens de déterminer sa place et son rôle politiques s'est effacée devant des querelles byzantines et parfois des guerres fratricides sanglantes, soif de pouvoir pour les uns, intégrisme néfaste pour les autres.

Nul personne n'a songé, dans l'intérêt du pays, à fonder une réel le politique. Celle-ci ne peut échapper à un effort de lucidité et de courage.

 Le pouvoir politique du citoyen trouve sa source dans la « conscience de soi », et l'indépendance du jugement individuel constitue la condition première de la démocratie. Elle doit l'être pour tous mais d'abord et surtout pour ceux qui sont appelés à la charge de gouverner. On attend d'eux, pour guider leur action, une pensée claire, ferme et libre.

 Cela n'est pas sans risques mais s'impose évidemment dans la lutte permanente qu'ils ont à mener contre les influences, les courants et les modes qui offrent la perpétuelle tentation du confort commun et des faiblesses cachées.

 Les vicissitudes passées et présentes du développement et de la construction du pays montrent à quoi conduit l'oubli de ces principes.

 Une construction politique qui se veut démocratique ne peut exister sans liberté et sans adhésion citoyenne. Une liberté d'opinion dans le respect de l'autre, une adhésion citoyenne seule susceptible d'éclairer sur la vision de la construction politique voulue du pays et de donner à l'Etat une légitimité souhaitée.

 L'Algérie a mal de ses réformes répétitives et sans consistance. On peut changer toutes les constitutions, toutes les lois, tous les systèmes économiques et idéologiques, le pays n'avancera pas et ne se développera jamais.

 Sauf, si toutes les parties concernées, délaissant leurs luttes idéologique, d'intérêt économique, régionaliste et même clanique, se mettent d'accord sur des principes immuables d'une vision de la construction politique du pays

 Où :

1. L'Etat algérien est l'émanation directe de la déclaration de Novembre 1954 et de la plateforme du Congrès de la Soummam 1956 ;

2. L'égalité des droits et des devoirs entre tous ses citoyens est garantie ;

3. La source essentielle de la législation est l'Islam ;

4. La religion ne peut en aucun cas être utilisée à des fins politiques exclusives ;

5. La liberté de conscience, de culte et d'opinion est garantie ;

6. Le champ médiatique et tout moyen d'expression sont libres ;

7. Les droits humains sont garantis ;

8. Le pouvoir politique ne peut en aucun cas s'imposer par la force des armes ou par l'armée, l'action politique ne peut être que pacifique ;

9. L e gouvernement doit être absolument civil dans la totalité de ses membres sans exception ;

10. La religion, les symboles de la révolution et la particularité culturelle régionale ne peuvent être, de quelque manière que ce soit, utilisés, appropriés ou inclus dans un programme politique, une dénomination ou un slogan par aucun parti politique agréé.

L'Etat n'est pas une collectivité comme les unes et les autres, car les autres dépendent de lui. Il est une collectivité souveraine, et souveraine par nature, non par accident, parcequ'en lui s'exprime la volonté nationale, c'est-à-dire la seule forme concevable de démocratie authentique.

 Cette démocratie, à en juger par les discours, chacun la révère. En fait, elle ne laisse pas d'être détestée par beaucoup de ceux qui se réclament d'elle mais qui prospèrent à son détriment. Leur lutte est ancienne.

 Or, il est bien clair qu'une construction politique qui se veut démocratique ne peut vivre et grandir sans le peuple. Que certains s'accommodent du contraire, y trouvant quelques profits personnels, passe encore ; que des naïfs ou des faibles, toujours en avance d'une illusion et en retard d'une réalité, affirment avec aplomb le respect de la souveraineté de l'Etat et de ses lois, c'est plus grave. Mais que ceux qui gouvernent l'Algérie hésitent encore pour trancher le nœud gordien de nos impuissances et de leurs alibis, c'est impardonnable.

La gravité du débat exige que nous sachions ce que nos dirigeants tricotent dans d'obscurs arrangements, qu'ils cessent d'être dupes des mots, les leurs et ceux des autres.

 Nous voulons encore espérer une politique clairvoyante, plus digne de l'Algérie.



*Docteur ès sciences aéronautiques