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Si le modèle de
développement choisi par l'Algérie, en 1966, ne renferme nullement en soi les
ingrédients d'échec, pourquoi alors, la nouvelle équipe portée aux commandes de
l'Algérie à partir de 1979, a-t-elle opéré le changement de cap dès son investiture?
Aussi énigmatique que cela puisse paraître, le coup d'arrêt donné à la Planification, en 1978 (le plan précédent s'arrêtant en 1977) était, certainement dès lors, annonciateur d'une volonté préméditée de remise en cause de la ligne suivie jusque-là, dès la disparition «attendue» du Président Houari Boumediene. Drôle et inouïe la thèse avancée par les commanditaires de ces sourdines manœuvres qui parlaient de la nécessité d'une pause en vue d'une utile évaluation des résultats du modèle mis en œuvre depuis 1967. Les rumeurs sur les difficultés de santé du Président Houari Boumediene se répandirent, dans l'opinion publique, pendant l'été 1978, après sa visite en Syrie juste après l'inauguration de la Foire internationale d'Alger et sa visite, ensuite, en URSS de l'époque. Ces rumeurs étaient, déjà, selon des sources concordantes, une réalité dès 1977 dans les hautes sphères du pouvoir. Le coup d'arrêt donné à la Planification dès 1978, n'aurait été, de ce fait, qu'une conséquence à ces circonstances. Les opposants au modèle de développement de Boumediene et équipe, étaient nombreux, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'équipe. Au sein du Conseil de la Révolution où les dissensions se faisaient jour et au sein de son gouvernement où ces dissensions n'étaient un secret pour personne. La remise en cause de sa vision du développement était immédiate, dès sa mort, à la fin du mois de décembre 1978 ; même si on a continué à tenir un discours de continuité, tout en faisant le contraire sur le plan pratique. Le 4ème Congrès du FLN de janvier 1979 était, alors, le point de départ des grands paradoxes et de dérives suicidaires. Cette bivalence tactique est confirmée lors de ce congrès qui se contenta de transférer le pouvoir au nouveau président de la République Chadli Benjédid et de reconduire, étonnement, la Charte nationale de 1976 qui était, officiellement, encore en vigueur comme programme politique du Parti unique, le FLN ; certainement pour se donner le temps à l'effet de mieux préparer la réorientation, loin des tensions du moment. Même le Comité central du FLN, de décembre 1979 et son Congrès extraordinaire de juin 1980 ne répondirent pas à l'attente pour lever cette bivalence et trancher sur les choix de politique économique et industrielle, précisément. Le programme décennal (1980-1990) et le plan quinquennal (1980-1084) y furent, toutefois, adoptés. Ils virent le ministre de la Planification accéder au Comité central du FLN, le Parti unique : mesure préméditée de régularisation qui lui permettra en 1984, d'être nommé aux fonctions de Premier ministre. Il fut l'inspirateur et le responsable de la réorientation de l'Economie nationale, dès 1979 et jusqu'à son effondrement en 1986 et postérieurement. C'est-à-dire, responsable de la destruction de l'industrie bâtie et des dérives de l'Economie nationale dont nous traiterons ci-après. Dans cet ordre d'idées, si l'année 1978 fut, ainsi, l'année d'attente, l'année 1979 fut celle d'un nouvel ordre, propre à la nouvelle équipe portée au pouvoir et qui, comme nous le verrons, n'est pas un ordre de la continuité, en tous points de vue. Ce nouvel ordre a consisté, entre autres : 1 - à élire un nouveau président de la République. Moudjahed, militaire de carrière, chef de région militaire, absent politiquement, dans l'imaginaire du citoyen algérien. Réputé sage et rigoureux: 2 - à former, un nouveau gouvernement dont les ministres sont, également, sans présence sociale et d'où disparaissaient les figures de proue de l'équipe Houari Boumediene, à très peu de choses près, mais fortement diminuées en consistance de responsabilités; 3 - à persécuter, pour règlement de comptes ou par dessein d'éloignement des membres de cette équipe de toute ambition politique dans le futur : Qui, pour mauvaise gestion contestable; qui, pour indiscipline partisane imaginaire ou qui, encore, par revanche pour une prétendue obstination doctrinale en matière de développement, en les contraignant au silence ou à une longue traversée du désert, des dizaines d'années durant. Le soubassement commun aux alibis accusateurs, est l'envergure de l'homme à neutraliser qui se cristallise, tantôt autour de son orientation socio-économique par conviction, tantôt autour de son acharnement en faveur de l'industrialisation du pays, tantôt, enfin, autour de son aversion socio-économico-culturelle (ou idéologique) ostentatoirement affichée. Vient s'y ajouter, leur différentiel charismatique respectif : la force de caractère et celle de la personnalité ainsi que la conviction doctrinale (pas nécessairement concordantes mais plutôt, pour certains cas, diamétralement divergentes). Nous en rappelons ici trois des personnalités les plus persécutées politiquement, à différents degrés et de différentes manières. Les sévices étaient modulés à l'aura des personnalités, à leur ascendant politique respectif, à leur poids emblématique et au danger que représentait chaque personnalité, dans la compétition à la magistrature suprême, dans l'immédiat ou plus tard. Abdelaziz Bouteflika, président actuel de la République algérienne et ministre des Affaires étrangères de l'époque, Mohamed Salah Yahiaoui et Belaid Abdessalem, respectivement. Responsable de l'Appareil du Parti unique de la même époque (Le FLN) et ministre de l'Industrie et de l'Energie, en constituent, à bien des égards, la manifestation la plus illustrative de ces persécutions : - Mohamed Salah Yahiaoui s'effaça rapidement de la scène politique après, néanmoins, quelques essais critiques à travers la presse du Parti et, plus tard, dans la presse privée. Il était présenté, pour des raisons diverses, comme le challenger de Abdelaziz Bouteflika. Il est plutôt un idéaliste irréaliste, entier et peu enclin à la conciliation; - Belaid Abdessalem bénéficia d'un « rééchelonnement » en deux temps. Il fut reconduit, mais diminué, dans les fonctions de ministre en charge des Industries légères, ministère issu d'une recomposition du gouvernement qui vit le grand ministère de l'Industrie et de l'Energie dont il avait la charge sous H. Boumediene, fractionné en plusieurs ministères, pour disparaître aussitôt. Il sera rappelé aux fonctions de chef de gouvernement, une douzaine d'années plus tard. l'Algérie, est alors embourbée jusqu'au cou dans sa crise multidimensionnelle et bien engagée dans une voie, diamétralement opposée aux convictions doctrinales de Belaid Abdessalem en matière économique, comme son opposition farouche au rééchelonnement de la dette extérieure du pays avec tout son lot de misères. C'est l'alibi qu'il aurait offert pour qu'on scelle, définitivement, sa mise à l'écart. Ce qui fut, d'ailleurs, le cas. C'est, aussi, probablement, le fait d'une improvisation dans la gestion de la crise que vivait l'Algérie dans tous les domaines, sécuritaire et économique tout particulièrement ; - Abdelaziz Bouteflika constitua le cas le plus édifiant de la persécution dont il a été victime. C'est très connu pour être encore repris ici. Mais que peine perdue ! L'histoire postérieure tournera à son avantage. Il incarnait, au lendemain du décès de H. Boumediene, le candidat auquel le «plébiscite» public accordait ses faveurs pour accéder à la magistrature suprême du pays. Sa longue et clairvoyante carrière diplomatique et son éloquence saisissante en parfait bilingue (arabe et français), le distinguaient, en débats avec les étudiants et à la sortie d'audiences accordées par les Présidents français à l'Elysée, notamment. Ce qui lui valut les plus lourdes et pires charges de la part des nouveaux arrivants au pouvoir, en Algérie, après la mort de Boumediene. Sa sortie du Comité central du FLN, masquait, certainement, une volonté pour lui barrer la voie du retour, à l'avenir, aux affaires politiques conduisant, inéluctablement, à la magistrature suprême du pays. Pragmatique et réaliste, sacrifiant, pour sa vision lointaine, les tactiques à la stratégie. Fin négociateur des échéances, il déjouera manœuvres et stratagèmes. L'histoire désavouera, superbement les mauvaises volontés et lui donnera raison à compter de 1999. Il continuera, en mieux, l'œuvre avortée de H. Boumediene, avec plus de réalisme qu'exigent les dimensions atteintes par l'Algérie, les nouvelles contraintes du pays et les aspirations de son peuple ainsi que le réalisme qu'imposent la géopolitique et la géostratégie en rapide mutation et requérant une immédiate adaptation. Il y est aidé par le sens imprévisible dans le traitement des micros et macros conflits en relations internationales. 4 - à préparer, en application des résolutions du Comité central du FLN, de décembre 1979 et celles de son Congrès extraordinaire de juin 1980, sur la base d'une esquisse zéro, un plan dit « quinquennal de transition » pour la période 1980-1984 destiné, dans le discours officiel, à rattraper les restes à réaliser (devenus depuis programme en cours ou PEC par abréviation) sur les plans des années 1967 à 1977. Ce plan ne s'inscrit pas, faut-il utilement le préciser, dans la lignée de la projection planificatrice mise en œuvre à compter de 1967. Ses objectifs de développement inscrits dans cette projection devaient être tous réalisés à l'horizon 1980. Mais ce plan marque un tournant qui renferme les ingrédients du désastre que connaîtra le processus de développement économique de l'Algérie, de 1980 à 1998, et dont les pouvoirs publics, portés aux commandes de l'Algérie, à compter de 1999, ont engagé le redressement. D'aucuns y voyaient une pause rendue impérative pour effectuer la première évaluation critique officielle des résultats de la Planification. Cependant, le décès subit, en décembre 1978, à l'âge de 46 ans, du président de la République algérienne Houari Boumediene, architecte de cette vision de développement, allait fondamentalement, tout remettre en cause; même si, sur le plan sémantique, ce plan énonce les mêmes objectifs que ceux que la Planification avait fixés, à l'origine en 1966. Le plan pouvait, par conséquent, se comprendre comme destiné à rattraper les ratés et les restes à réaliser sur les plans précédents et qui n'ont pu être réalisés durant les années 1978 et 1979 et même durant l'année 1980 qui fait partie de l'horizon de planification projeté à partir de 1967. De ce fait, les objectifs ratés à fin 1977 et non rattrapés pendant les années 1978 et 1979, ont été, au-delà de la sémantique, tout simplement et dans les faits, carrément abandonnés ou tout au plus, profondément amoindris. De raisonnable, le mobile de l'évaluation officielle dite critique, des résultats du modèle algérien de développement dit «déséquilibré» pour la période (1967-1977), prêterait, plutôt, à équivoque. Même escamoté et compris comme nous l'avons fait remarquer, en tant que rattrapage des objectifs ratés sur les plans antérieurs, ce plan n'était, en réalité, que leurre, destiné à couvrir une réorientation à 180° de la vision de développement définie en 1966. En mal de popularité et par effacement dans l'imaginaire des Algériens, les tenants du pouvoir, après la mort de H. Boumediene, paraissaient manquer de courage politique pour l'annoncer à l'opinion publique. Ainsi, l'Algérie aborda, pour longtemps, à partir de 1980, son tournant le plus désastreux en matière de politique de développement économique et industriel. Le désastre durera jusqu'à 1998, mais ses ondes continuent, encore à ce jour, à produire des effets contre- productifs, dans les articulations de l'Economie nationale. La Planification réhabilitée, à compter de 1999, impérative au début et de plus en plus indicative par la suite, est voulue comme cadre rigoureux de redressement général et de propulsion de l'Economie. En re «consacrant» le principe de l'économie de marché et en re«sacralisant » le principe de « l'Etat social » profondément érodé par les injonctions des Institutions Financières Internationales comme monnaie d'échange du rééchelonnement de la dette extérieure de l'Algérie durant les années 1990, cette planification met, opiniâtrement, le cap sur l'horizon 2024, dans la cadre des perspectives 2035. A ce jour, le bilan des grandes réalisations : en toutes infrastructures (barrages, dessalement d'eau de mer, routes, autoroutes, chemin de fer, métro, tramway, ports, aéroports, fibre optique, etc.?), dans l'Education, dans l'Enseignement supérieur, dans la Formation professionnelle, dans la Santé, dans le Sport et dans la Culture, dans l'Agriculture, dans l'Industrie, dans l'Hôtellerie, autorise bien d'être plus ambitieux et plus exigeant, dans la continuité pour la maximisation des synergies. *Economiste, ancien ministre. |
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