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Touche pas à mon poste !

par Mohammed Beghdad

Depuis que je suis monté dans la capitale après avoir glané mes galons aux dernières élections, ma vie a complètement changé. Elle a pris une autre tournure sensationnelle. Mon astre n'a cessé de grimper telle une star dans un ciel étoilé.

Sans regarder derrière moi, mon destin est en ascension fulgurante comparable à une fusée en pleine extension.

ACTE I : L'ascension

Au départ de mes divagations illusoires, personne n'avait cru en mon présent succès. Ma famille en rigolait à pleines dents lorsque j'évoquais devant ses membres mes fortes sensations. Toi ! Qui as été un cancre à l'école, le dernier de la classe, désires-tu maintenant avoir l'appétence et le culot de guider les affaires des citoyens de la nation ? Me répondait-on douloureusement dans mon entourage. Allez ! Vas t'occuper de tes oignons et ne penses plus à tes salades et à tes égarements initiés au sein de ton ex-école buissonnière.

Je me taisais en silence mais j'ai juré en mon for intérieur de prendre ma revanche sur le sort dans lequel on veut me confiner. Résolu et déterminé, c'est un défi que je leur avais lancé. Je n'ai pas l'intention d'abdiquer à ces découragements. Je ne me résigne nullement devant le défaitisme de telles paroles à rebuter le plus décidé des téméraires. Je suis un opportuniste qui n'est pas né de la dernière pluie. Je leur prouverais mes capacités en jouant à fond mes chances, fussent-elles minimes. Je n'ai rien à perdre. J'ai tout à gagner de mon aventure invraisemblable et excitante à la fois.

Et puis, j'ai senti le flair de la bonne affaire juteuse qui m'attendrait au cas où mon stratagème réussirait. Je saurais trouver le chemin béni en se faufilant parmi les plus ambitieux. Je serais, un jour, quelqu'un de respectable dans le parti que je choisirais selon les circonstances du moment, de son importance sur la scène et en fonction de ses moyens à me faire propulser vers le sommet. Je choisirais celui qui me permettrait de casser toutes les barrières, pas celles du mérite ou celles qui me feraient subir un test probatoire et d'insupportables épreuves pour évaluer mon niveau à la fin de chaque classe. Je trouverais celui qui ne m'exigerait aucune notion sur la gestion, sur l'économie, sur le budget ou en général sur la gouvernance.

Il faut savoir attendre sagement son tour et avec assiduité que son heure arriverait par des occasions inopinées que vous ne trouverez jamais nulle part dans un état émancipé. C'est une histoire de chaîne et non d'aptitudes à faire valoir. Où l'ancienneté prime sur toutes autres considérations. Vu mon niveau de basses références, c'est la route bifurquée que je cherche en ce moment, non le long parcours d'un logique militant.

Ensuite, c'est au tour de la ville de me rendre hommage. La notabilité m'ouvrirait grandement toutes les entrées. Je serais reçu comme un représentant du peuple par toutes les autorités locales sans aucune fausse note. Quand j'y pense un instant que j'étais nul même en histoire-géo, j'en pouffe encore aujourd'hui de toutes mes entrailles. De plus, le fou rire me fait des siennes lorsque je me tiens, sans la moindre humilité, devant un miroir.

Quelle classe ! Je me vois déjà en costume 3 pièces de dernier modèle en plus de la grosse berline avec chauffeur qui m'attendrait et me ramènerait de la capitale au retour somptueux dans la cité. En plus de ma résidence avec jardins et des servantes disponibles pour madame. Il ne manquerait que les sirènes des motards à l'avant devant le cortège. Ne vous en faîtes pas si l'escalade se poursuivrait dans l'allégresse de la feuille de route que je me suis tracée.

J'exaucerais ce vœu cher à mes palpitations qui s'est enraciné dans mon inconscient par la force de l'obstination. J'y arriverais un jour et les envieux seraient encore très nombreux, plus que déboussolés. Ils viendraient se jeter à mes pieds et ensuite me solliciteraient pour des inimaginables services. Je disposerais moi-même de mes hommes comme tous mes chefs qui m'obéiraient au doigt et à l'œil. Je fabriquerais autant de militants que désirerait ma cellule locale pour asseoir la suprématie sur mes rivaux.

Je n'aurais peur que d'une chose. Ce sont les peaux de bananes qui risqueraient de me jouer de mauvais tours. Je saurais garder ma tactique en sachant surfer avec la technique de camouflage la plus sophistiquée.

Fais-moi plaisir ma chère ! Lances-moi de toutes tes forces les youyous que tu n'as jamais refoulés de ta vie. Que je n'ai, en aucune manière, entendus de ma misérable ancienne existence. Oh ! Ma chère seconde compagne, nous sommes sur un nuage. Que j'espère, je ne descendrais plus. Comme tant d'autres, le « koursi » m'a complètement étourdi, oh ! ma gracieuse bien aimée.

Si je perdrais mon siège, saches que toi aussi tu risquerais trop gros de ne pas te garder assez longtemps à mes côtés. Je ne pourrais plus satisfaire tes caprices, te dorloter par mes incessants cadeaux et de t'offrir de beaux voyages dans de jolis endroits touristiques, hébergés dans des palaces haut standing à 5 étoiles.

Si mon plan passerait à l'échec, je ne serais qu'un rien de rien. Les gens me regarderaient de travers, ils changeraient d'humeur à mon encontre et feraient illico presto demi-tour à ma simple apparition dans la cité. C'est la pire des choses qui puisse arriver à quelqu'un dont le centre gravité tendrait sans arrêt vers le bas. Le retour à la misère et au mépris de tous.

Je n'ai rien fait pour avoir une quelconque reconnaissance de leur part. Je les ai oubliés totalement, aussitôt arrivés sur les cimes. J'avais rejeté leurs lettres de doléances à la poubelle promptement qu'ils me les avaient confiées. Ils ont cru au père Noël mais je suis le plus ingrat des hommes. Je les ai fait déplacer le jour du vote, tous sans exceptions, obnubilés par mes promesses farfelues. Ils étaient des familles entières à se déranger aux urnes du scrutin en me léguant leur précieuse voix.

Si le malheur surgirait, je retournerais comme défait à ma première épouse et implorerais son pardon si elle oserait l'accepter. Je sais qu'elle ne m'accueillirait plus à bras ouverts comme par le passé. Alors, fais-en sorte que l'on soit toujours plus haut, toujours là-haut sans trébucher.

ACTE II : L'apogÉe

Tout le monde me regardait abasourdi par mes prouesses. Tous les yeux des jaloux étaient grands ouverts à ne pas croire à ma blague d'antan. J'ai fait un vœu et par la grâce de mes feintes, je l'ai hautement atteint. Peu importe les méthodes et les recettes, c'est l'effet qui compte. En tous les cas, elles sont loin d'être catholiques comme disent les chrétiens. J'avais choisi de grimper l'échelle à partir du bas. Du planton, je pourrais me retrouver au bout de mes rêves. C'est le chemin le plus contraignant pour parvenir à la bonne destination.

Après avoir harcelé, matins et soirs, le siège local du parti choisi pendant de longues durées. Et en constatant que je ne présente nullement un quelconque danger électoral dans un proche avenir, le chef me demandât un jour de ramener 2 photos et 180 DA de cotisations pour ma première année de militant si j'ose me qualifier ainsi.

J'ai juste signé un papier d'engagement sans l'avoir lu mais entièrement approuvé. D'ailleurs, je n'ai jamais consulté, ni le statut du parti, ni son règlement intérieur. Je ne sais pas du tout de quoi ça cause. On ne sort ces textes que le jour où l'on veut couper les têtes fortes qui émergeraient cycliquement ou ceux des cerveaux brillants qui pensent en savoir plus que le restant des adhérents.

Attention, Il faut que la mauvaise graine soit éradiquée à la source avant qu'elle ne grandisse en bas pour ne pas fantasmer en germant de mauvaises idées et qu'elle ne fasse couler la pyramide en la coupant de ses piliers. En bas, on veille au grain tel un bunker sauf une mésaventure inattendue.

Les réels partisans qui veulent apporter du sang neuf sont facilement repérables à leurs contemporaines idées et mis en quarantaine sur le champ. Les purges sont nécessaires pour maintenir le cap et le chao. Il faut assommer cette vermine avant qu'elle ne prendrait forme.

Il ne s'agit pas que de notre avenir mais également du vôtre. Nous n'avons pas œuvré durant toutes ces décennies et bâti un temple pour le laisser aux mains de ces nouveaux prétentieux. Il faut les chasser comme de futurs indus occupants avant que nous payions coûteusement l'indulgence de notre passivité.

Vraiment, ce n'est pas cher payé pour quelqu'un comme moi qui aie adhéré dans le parti. J'apporte le nombre, ni plus ni moins. Je sers à lever la main et à la baisser. Je ne suis assimilé qu'à un geste mécanique sans plus. Je m'exerce à cette posture depuis mes premiers jours. La seule chose qu'on vous demande c'est la discipline, l'opacité et sans omettre l'obéissance au chef du moment. Les paroles de ce dernier doivent être ingurgitées tel un antidote. Les figurines des trois singes de la sagesse sont appliquées à la lettre.

On ne se fatigue pas dans le parti, on ne s'ennuie pas non plus. On réfléchit à notre place. On est bien, qu'est ce qu'on veut demander de plus ?

Des personnes se sont autoproclamées nos chefs depuis belle lurette pour faire tout à notre insu. Ils sont mêmes proches des prérogatives de monarques sans couronnes. On les appelle aussi les rois de la coulisse. C'est un mot nouveau pour moi dont j'ai appris le véritable sens après quelques années dans les arcanes. Ils sont présents partout. Sans ce mot, rien ne passe. On me donne juste des ordres pour qui plébisciter. Ce n'est que plus tard que j'ai compris que je pourrais bouleverser toutes les données des architectes de l'ombre si par fatalité, je me trompe de nom du candidat désigné.

Aussi, je me demandais comment on pourrait régler les différentes charges, subvenir aux besoins nécessaires du fonctionnement, etc.J'ai conclu par la suite que ce sont les mamelles de la République qui bouchent tous les trous laissés béants et non comme je le croyais les cotisations des fidèles. Au contraire, beaucoup ne sont là que pour en sucer quelque chose davantage. On arrive pauvre et on repart souvent riche selon le poste convoité ou celui où on serait parachuté. J'ai longtemps servi de planches aux chefs de l'époque mais moi avec mon quotient intellectuel qui ne dépasse guère celui du cours préparatoire, je ne voyais pas d'un mauvais œil ce rôle élastique.

Le temps défile durant plusieurs années et brusquement mon jour de gloire est arrivé après celui des vaches maigres et de cruelles luttes intestinales. C'était une question de vie ou de mort ! Pour un coup de poker, c'en était vraiment un !

Ce fût une journée sans pareille où les youyous de chez moi fusaient de toutes les gorges des femmes de ma famille et les coups de baroud crachaient des carabines de mes amis. C'était mon réel jour d'affranchissement. Un jour que je bénis et qui me sert désormais de référence, comme le plus beau de ma vie. Quel chemin embûché, j'ai emprunté pour arriver à ce bonheur indescriptible. Le plus grand ingénieux averti ne saurait trouver la route tortueuse pour décrocher la cible visée.

Mes amis d'enfance et les compagnons de mon ancien entourage ne sont plus maintenant mes amis. Mes électeurs ne sont plus les miens. Leur manège s'est immobilisé à l'instant où les résultats ont été annoncés. Leurs voix ne m'ont servi qu'à grimper à là où je baigne dans la pleine euphorie. Ils n'ont été qu'une rampe de mon lancement sans retour. Je ne réponds plus à leurs incessants appels. Ils attendent vainement le retour de l'ascenseur. Je les ai complètement éliminés de mon inconscient une fois arrivé au zénith. J'ai même congédié ceux qui m'ont aidés dans la permanence de l'ex-candidat. Je ne pourrais quand même pas œuvrer pour eux. Une fois arrivé à mon destin rêvé, j'ai formaté mon cerveau identiquement à un disque dur sans fichiers. Tous mes souvenirs ont été volontairement écrasés.

Le fait d'avoir côtoyé un futur élu devrait largement suffire à leur bonheur. Qu'est ce qu'ils veulent de plus ? Quand j'y pense aux mensonges et aux promesses que j'ai auparavant répandus dans mon environnement, la nausée sur moi-même me poursuit inlassablement. Et ils ont cru les pauvres à mes supputations.

C'était mon avidité de vainqueur qui me faisait arracher de mon gosier tous ces mots mielleux. J'étais à une marche du podium et tous les leurres étaient permis. Je n'allais quand même pas rater la dernière marche à cause d'une plaisanterie de moins ! Ils ont la mémoire courte. Ils vont vite oublier en pansant comme ils le peuvent, leurs blessures. Ils vont se ressaisir, je ne serais ni le premier, ni le dernier à utiliser de telles farces qui avaient démontré leurs preuves.

Au fait, je viens de changer le numéro de mon mobile, il commence dorénavant par le 061. Il ne me sert qu'à solliciter ceux qui se trouvent sur les étages qui me surplombent. Je ne le communique plus à ceux d'en bas. Je voudrais complètement couper tous les fils me liant à leur nombril. Je ne regarde plus derrière moi, c'est devant moi que les chemins s'éclaircissent avec mes yeux complètement éblouis et écarquillés.

Je suis gâté. Je suis payé mais je ne fournis aucun effort. C'est une sinécure dont on ne veut pas la dénoncer. Je suis en vacances tout au long de l'année, 24 heures sur 24 sans que quelqu'un ose me réclamer des comptes de mes carences répétées. Ma soif n'est pas encore pleinement étanchée. C'est une nouvelle étape de ma vie que je dois négocier avec discrétion. Plus on monte et plus les pièges sont légions. Il faut aller doucement mais sûrement. Attention aux coups de force. Ils peuvent se cacher à chaque pas de porte.

Mon désir ne cesse de me dévorer les méninges. Je rêve jour et nuit d'un autre poste à la mesure de mon nouveau statut et de mon récent carnet d'adresses. L'habit doit faire le moine. L'adage sera récusé par mes nouveaux besoins. Mon appétit grandit de jour en jour depuis que je suis arrivé à ma délicieuse destinée. Je suis prêt de l'extase. Tout ce que je découvre me fascine. Je ne veux plus retourner chez soi. Vais-je faire marche arrière ? Je suis dans une position propice où je ne devrais rien lâcher.

ACTE III : LE DÉCLIN

En cette période post-électorale, les relations invisibles dans les tranchées font rage et j'ai la crainte de choisir le mauvais camp au moment opportun. Et là ! La chute sera payée cash, elle sera vertigineuse, plus vite que celle de la montée. Les profondeurs seront assurées et le linceul préparé. Je suis monté dans le bon wagon mais plus maintenant. Je suis noirci d'antécédents qui me seraient fatals au moment du choix de la liste des prochains prétendants.

Si par malheur, je serais parmi les vaincus, je sais à quoi m'attendre. Les coups vont pleuvoir jusqu'à m'abattre définitivement. Je serais éradiqué de la liste et banni à jamais de l'ordre d'un simple adhérent. En attendant qu'atterrisse un autre messie pour nous délivrer. Peut-être que j'aurais de la chance si le vent tournerait en ma faveur dans le bon sens en nous soufflant le bon chemin recommandé. C'est aussi une grande loterie. Si les gars se déchirent c'est qu'ils ignorent le véritable vainqueur qui va être proclamé. S'ils le devinaient, ils auraient dû tous se ranger du côté du futur vainqueur. C'est un véritable échiquier. Tantôt, on est mat, tantôt on est échec et mat. Tantôt, je suis avec la ligne légaliste, tantôt je me range parmi les opposants. Chaque pion est avancé avec prudence. A la fin de la partie, ça pourrait très vite se dégénérer et s'éclater comme un véritable explosif à retardement collatéral sur tout le pays.

Quelle horreur ! Cette guerre souterraine qui pourrait finir par emporter même ceux qui ne sont pas concernés. Je ne sais plus où se situer. L'important est de sauver ma tête et ensuite ma place. Tout le reste m'importe peu. Je ne me bats ni pour un programme national, ni pour un enjeu économique d'envergure pour le pays, ni pour une école performante. Si cette dernière était restée compétitive, je ne serais certainement pas là où je suis actuellement penché.

Mais subitement, ce qui devait arriver arriva. Le calme serait prémonitoire de l'orage qui s'annoncerait. Un jour, ça ne ronronnait pas bien au dessus et tout d'un coup, un coup est parti de nulle part. Une véritable crue s'enclencha comparable à celle des dominos placés juxtaposés. C'est une onde de choc dont on n'est pas prêt d'oublier.

On a cru au départ que c'était une petite secousse qui ne causerait pas plus de dégâts qu'un pétard mouillé. Mais cette fois-ci, il semblerait que c'est du sérieux. Plus là haut sur les cimes ça n'allait pas trop bien et plus ça enflait sur les têtes de dessous. En principe, si les choses allaient mieux, c'est plutôt le contraire auquel on serait attendu.

Quelqu'un a mis le doigt là où il ne fallait pas le mettre. Bing ! Bang ! Click ! Clac ! Boum !! Aïe ! Ouille ! Ça pétait et ça partait de tous les côtés et dans toutes les directions. Peu importe l'arme utilisée ! L'important est l'atteinte de l'objectif souhaité.

Soudain, deux groupes antagonistes se formaient pour livrer la bataille. La grande majorité n'agissait que sur ordre. Ils ignorent pour quelles raisons. Est-ce que le parti a changé de programme économique ? Non ! Est-ce un revirement politique ? Non ! S'agit-il d'un bouleversement de la politique sociale ? Non ! De modifications d'options après la tenue d'un congrès ? Évidemment, non plus !

C'est le semblant de débats perpétuels auxquels on est gratifié de temps à autres dans nos partis, syndicats et associations. Au lieu d'une confrontation d'idées et la proposition de solutions à faire avancer le pays, ça ressemble plutôt à des guerres claniques ou tribales qui minent ce pauvre pays auquel nos libérateurs, s'ils seraient revenus de l'au-delà, ne regretteraient pas de s'être partis pour de vrai.

On tourne en rond lorsque les consciences sont en voies de garage. Personne ne sait qui a débuté les hostilités. C'est un inconnu dont personne n'a identifié. Ce n'était donc qu'un calme précaire qui régnait. Et moi qui croyais que je serais tranquille sur les hauteurs durant tout le temps. C'est un séisme qui risquerait de tout ravager. On peut le comparer déjà à un tsunami.

Les militants sont déroutés. Ils ne savent plus où s'orienter. Détenus dans un labyrinthe sans sortie ! Encore que la brise ne souffle plus pour indiquer l'allée éclairée. Gare à celui qui se trompe de sens de la circulation. On marche à l'aveuglette. Le faible qui s'égare serait immédiatement sacrifié.

Depuis, je ne ferme plus l'oeil, je ne fais que somnoler. Mes jours semblent comptés et mon sort jeté au dévolu. Devrais-je attendre la dernière minute pour me décider ? Vraiment ! Les conseillers les plus chevronnés ou les analystes les plus expérimentés ne sauraient vous prédire l'heureuse issue. Je ne sais plus comment réagir. Je suis pétrifié. J'ai l'impression d'être dans une bouteille renversée. Le retournement de veste de l'ultime seconde ne saurait me sauver.

Je songe à changer non pas de camp mais carrément de parti pour espérer échapper à la solution finale. Si je le ferais, on m'accueillirait à bras ouverts dans l'autre bord qui n'espérait par tant gonfler ses effectifs. Mais pour combien de temps la paix ? C'est le même clonage partout ailleurs tant que la modernité n'aurait pas élu domicile dans notre demeure.

Je m'en foutrais ce qu'on irait se dire sur mon compte. L'éthique et la déontologie ne sont que des trucs qui n'intéressent que quelques uns qui vivent virtuellement à travers la parabole pointée vers Hotbird ou Astra. Chez nous, il est considéré comme un acte avéré, un signe d'équilibre ou d'annihilateur des forces.

Mon ancien parti comptait pourtant beaucoup sur moi. Il est entrain de se désagréger. En passant de l'autre côté, il s'agirait de sauver ma tête et rester le plus longtemps possible au poste afin de préserver mes fabuleuses indemnités. Je ne suis qu'une « hchicha talba m'iichaa » voulant profiter du hasard qui m'a expédié par miracle vers les cieux. Je souhaiterais n'être qu'une élémentaire herbe cherchant à jouir de cette fortuite situation qu'on ne peut refuser par défaut de l'homme qu'il faut à la place qu'il faut. Peut-être que j'aurais plus de chances avec ma future nouvelle formation. Mes combines sont un cocktail de risques et de coups de chance. Peut-être qu'elles me souriraient à nouveau pour longtemps et pourquoi pas durant le restant de ma vie.

Acte IV et FIN : LE DÉNOUEMENT?

Dans mon antécédent bord, on continue à régler les comptes à coups de manches et de balais. Par ricochet, le pays et son image en prendraient de sales répercussions. Un malheureux cul-de-sac dans lequel nous nous sommes enfermé. Nous avons laminé notre jeunesse qui ne pense qu'à s'évader et ne s'intéresser guère au devenir du pays.

Quelle Algérie allons-nous la laisser et dans quel état d'esprit ? Je vais bientôt partir en retraite dorée mais certainement pas en toute quiétude. J'ai peur que l'on viendrait à ma tombe et l'on me délogerait pour m'enterrer ailleurs, loin des yeux parmi les recalés. Voilà ce qui pourrait nous arriver et au pays en premier lieu par nos erreurs presque volontaires et par notre entêtement permanent à vouloir tout posséder sans partager, avoir toujours raison sans débattre ensemble toutes les questions engageant l'avenir du pays, associant toutes les forces vives émergeantes dans le pays.

Pris par de profonds remords, j'ai compris finalement une chose. Des personnes de ma trempe qui rouillent d'opportunisme n'auraient pas dus se présenter aux postes qui ne pouvaient pas leur revenir si des règles adéquates étaient appliquées. Et en laissant passer le flambeau paisiblement à d'autres plus aguerris, plus qualifiés pour assurer les affaires du pays. J'aurais pu ainsi épargner à mon pays beaucoup de dommages et de retards pris dans son évolution.