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Les entreprises
publiques peinent pour recruter. Comme les équipes de football, qui ne peuvent
s'aligner pour embaucher les grands joueurs.
Personne ne prendrait au sérieux M. Mohamed Raouraoua s'il fixait à l'entraineur de l'équipe nationale comme principal objectif de remporter la coupe du monde de football, ou d'arriver en finale. Si l'entraineur de l'équipe nationale déclarait à son tour qu'il a pour ambition de se qualifier aux demi-finales de la coupe du monde et de remporter la coupe d'Afrique des Nations, il serait, à son tour, considéré comme un farfelu et perdrait toute crédibilité. Par contre, si les deux hommes traçaient ensemble un programme rationnel, et affirmaient qu'ils viseraient une qualification aux demi-finales de la coupe d'Afrique des nations et une qualification au second tour de la coupe du monde, leurs propos deviendraient crédibles et ils seraient prix au sérieux. Ils apparaitraient alors comme des hommes mesurés mais ambitieux, maitrisant leur sujet, capables de mettre en place un dispositif et un plan de travail susceptibles de leur permettre d'atteindre leurs objectifs. Le football algérien semble toutefois s'être éloigné de ces deux voies. A force de bricoler et de fermer les yeux sur l'évidence, il a glissé progressivement vers une autre destinée, donnant raison à Rabah Saadane lorsqu'il affirmait que la qualification en coupe du monde relevait du miracle. «C'était une escroquerie», déclarait même un dirigeant du football algérien, lorsqu'il a été invité à commenter le décalage entre l'équipe nationale et le championnat national. Ce qui est valable dans le football est tout aussi valable dans le monde de l'entreprise, particulièrement quand il s'agit d'entreprises publiques. Le décalage entre les entreprises algériennes et celles du reste du monde est si important, et il tend tellement à s'élargir, qu'il devient utopique de parler de compétition. Les déclarations pompeuses sur les nouvelles stratégies, et l'assainissement saisonnier de ces entreprises ne peuvent même plus faire illusion. La plupart des entreprises algériennes sont désormais hors course. Leur configuration les disqualifie totalement. Le patron d'une grande entreprise, nommé récemment à ce poste, s'est montré atterré en prenant ses fonctions. «Rien ne nous permet d'entrer dans la compétition», disait-il. «Nous avons un niveau de salaire si bas, un niveau de performance si faible, et une maitrise technique si rudimentaire, qu'il nous est impossible d'exister sans une remise en cause totale du mode de gestion», dit-il. En fait, résume-t-il, nous sommes dans une «situation absurde» : pour produire, il nous faut «recruter et nous financer, mais nous ne pouvons même plus nous aligner sur le marché du travail», dit-il. Il note ainsi que les entreprises publiques proposent à des ingénieurs informaticiens un salaire autour de vingt mille dinars. Certaines se croient même obligés de ne recruter que dans le cadre du contrat pré-emploi, avec des salaires de huit à douze mille dinars. Dans n'importe quelle banque ou entreprise étrangère, l'ingénieur informaticien gagne deux à quatre fois plus. Les entreprises algériennes se trouvent ainsi déclassifiées. Leur grille de salaire, leur système de décision interne, l'obligation qui leur faite de passer par certaines procédures les empêche de sortir du carcan dans lequel elles vivotent. «C'est comme si on demandait à spécialiste du saut en hauteur de ne pas prendre d'élan pendant les Jeux Olympoques», dit un chef d'entreprise. Un informaticien raconte son aventure personnelle. Ayant déposé son CV auprès de plusieurs entreprises, il a obtenu un poste de travail et une responsabilité très rapidement, ce qui lui a permis de parvenir à un salaire de quarante mille dinars net au bout d'une année. A ce moment là, il a reçu une convocation d'une entreprise publique pour un entretien. Il a joué le jeu et s'est vu proposé 17.000 dinars par mois? Un consultant en ressources humaines souligne ainsi que certaines entreprises se trouvent «interdites de recrutement» lorsqu'il s'agit de certaines spécialités. Au bout d'un certain temps, dit-il, «elles ne peuvent plus rattraper leur retard», ajoute-t-il, citant toujours l'exemple des informaticiens. «Au bout d'un certain moment, une entreprise dépourvue d'informaticiens finit par perdre toute culture informatique. Elle devient alors hostile à toute introduction de l'outil informatique». Pour l'heure, les entreprises algériennes restent protégées par l'échec de l'investissement étranger en Algérie, qui leur permet de trouver encore certains profils sur le marché du travail. Mais la situation commence à se compliquer. De plus en plus de jeunes diplômés ayant reçu des formations pointues sont désormais recrutés pour partir à l'étranger. En cas de rush des entreprises étrangères, aucune entreprise algérienne ne pourra trouver un polytechnicien. L'économie subira alors le sort du football : aucun footballeur d'envergure ne joue dans le championnat d'Algérie. On trouvera beaucoup de diplômés en droit de l'université d'Oum El-Bouaghi, de comptables sortis de Khemis-Miliana, comme on trouvera des demis défensifs de moyenne qualité, mais aucun Djaboun, encore moins de Belloumi ou Madjer. |
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