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«Il en est de
certains artistes comme du duc de Guise : ils paraissent plus grands couchés
que debout». J. Clarétie
Il suffit d'y faire un tour et d'écouter ce que disent et écrivent, dans un désert infini, des experts en urbanisme, des architectes éclairés et surtout non encartés parmi tous ceux dont les yeux ne sont programmés pour ne voir que du beau, du bon, des «réalisations grandioses», des «jaloux de nous», des mains et des complots ourdis, étrangers à «nos mœurs et traditions», etc. Depuis des décennies, les offices et les agences se suivent, se ressemblent et finissent par disparaître avec leur organigramme, leur budget consommé jusqu'à l'os. Depuis des lustres, les déclarations d'amour et d'attachement indéfectibles se suivent, se différencient selon le ministre du jour, ses diplômes, son douar d'origine et enfin s'en vont en fumée comme les envolées lyriques tellement caractéristiques de la gouvernance arabe, de celle de l'Algérie. Evidemment qu'il est trop tard pour sauver la Casbah, classée ici et ailleurs au patrimoine mondial. La belle affaire ! Ce patrimoine n'intéresse que peu de personnes. Des associations, quelques journalistes d'un âge certain, des nostalgiques du passage du colonialiste soft ottoman : cela fait peu de monde, devant le délabrement, la saleté repoussante, l'encerclement opéré par des blanchisseurs dans l'informel derrière lesquels, loin derrière, des supérieurs de nomenklatura et du salafisme engrangent des conteneurs de devises et de faux dinars. Malgré les envolées, malgré tout l'argent actuel et les plans de restauration qu'on ne compte plus, la Casbah, au maximum dans deux décennies, sera un passé, un champ de bataille entre les géants cultes et occultes de l'immobilier et l'alibi pour quelques larmes, quelques articles-oraisons, et l'Algérie passera à autre chose dans la foulée du béton qui a déjà gangrené le pays et fait exploser la facture alimentaire. Il n'y a pas que l'Irak de Saddam pour pratiquer «le pétrole contre la nourriture et les médicaments». La Casbah sera néanmoins la preuve de l'esprit velléitaire d'une époque et de dirigeants qui peuvent engloutir des fortunes dans de la pierre et n'avoir aucune imagination et encore moins de cohérence dès qu'il s'agit de culture, de patrimoine, de libertés de création et d'expression. Il y avait des églises, des salles de cinéma, des places, témoins du colonialisme et d'une architecture. Tout a été rasé, sinon défiguré avec gourmandise et fierté, au nom d'une religion, d'une idéologie, souvent manipulées par des maquisards de la 28e heure. Les résultats sont désolants, y compris pour tous les cimetières musulmans du pays qui ressemblent à un champ de bataille, à une décharge publique, à un terrain affaissé, délaissé par les pouvoirs publics et la société qui a perdu depuis des lustres le respect et l'amour pour la vie. Quant aux morts !... Les droits de l'homme reviennent chaque semaine, que ce soit autour de problématiques nationales ou étrangères. Actuellement, c'est grâce à la juste lutte du Polisario que certaines ONG occidentales ont les faveurs de l'opinion en Algérie. Le Sahara Occidental, du moins pour des Algériens d'un certain âge (autrement dit en dehors de la majorité jeune), représente une cause qui vaut d'être soutenue et qui mérite qu'on fasse cause commune et bloc derrière la thèse officielle du pouvoir. Il s'agit effectivement d'une décolonisation inachevée parce que le France soutient le Maroc et que l'ONU a des difficultés à faire aboutir ses résolutions devant des formes de veto, surtout celui de la France, pour arriver à l'autodétermination des Sahraouis. Mais ces mêmes associations et ONG étrangères, qui font plus pour le Sahara que l'ensemble des partis algériens, seront demain incendiés. Pourquoi la jeunesse ignore l'histoire et la lutte sahraouies ? La question mérite d'être posée aux formations politiques du pays pour savoir que l'information, l'éducation et la formation politiques des jeunes ne figurent pas dans leur programme, par ailleurs introuvable dans leurs permanences, dans les librairies ou les boîtes destinées au courrier. Et encore moins sur Internet. Rien ne va plus pour les femmes ! Des rencontres autour des violences qui leur sont faites sont interdites par des fonctionnaires désignés, non par le suffrage populaire, mais par ceux à qui ils feront allégeance avec une obéissance aveugle et servile. Comme la stupidité et la lâcheté n'ont pas de limites et encore moins de vaccin à ce jour, on interdit, la trouille au ventre et le mépris en bandoulière. Un colloque sur les violences à l'égard des femmes a été interdit. Il n'y a rien que du banal habituel au pays des «hommes» et de femmes qui ont regardé ailleurs. L'administration non élue fait dans le facile coutumier. Des femmes subissent des violences! Et alors, c'est le quotidien des femmes arabes, avant qu'elles ne deviennent très vieilles, depuis des siècles. Il ne manquerait plus qu'elles se réunissent, sous l'état d'urgence, pour dénoncer et donner l'exemple ! Lorsqu'un wali et sa hiérarchie verticale interdisent, c'est gravé dans le marbre. Le message a été bien reçu par des fonctionnaires du sexe féminin qui sont parlementaires, «élues» à la mairie, ministres, diplomates, cadres supérieurs, médecins et avocates? Elles ne peuvent être solidaires d'une manière ou d'autres, chacune pour des raisons propres. Le poste, la fatigue, la normalisation-formatage d'une population dressée pour l'émeute ou le silence, le wahhabisme financé par La Mecque, et surtout la volonté farouche d'amputer le pays de l'esprit d'organisation, de résistance, du refus de l'injustice pour en faire une population fragile, désunie, peureuse, qui sera paniquée, divisée et désarmée en cas de malheur. Des femmes qui se réunissent ! Elles se croient où ces bonnes femmes ? Eduqués à observer le silence lorsqu'il s'agit de politique étrangère, de libertés pourtant inscrites dans la loi suprême, celle qui rend anticonstitutionnelles et caduques celles qui la contredisent ou la détournent, les partis et les élites respectent la règle. Le silence est de mise partout et toujours jusqu'au signal contraire. Le verbe est libre pour «soutenir», déformer le réel ou mentir. C'est ce qui est arrivé à un fonctionnaire à propos de la loi sur le cinéma. Revisitant l'histoire, il a cru bon, pour justifier la censure ici, d'affirmer que le film «La bataille d'Alger» a été censuré en France. Ce qui est faux. Et si c'était la vérité, faut-il suivre les censeurs de France ? Bien sûr que non ! Il est vrai qu'en Algérie, les 2.000 salles, les soixante longs-métrages annuels, le dynamisme et l'inventivité du CNCA, les accords signés avec des PME/PMI du film lors de la visite de M. Raffarin, les studios en voie de finalisation sur les hauts plateaux après des accords signés par des privés italiens, espagnols et algériens, les programmations soutenues en films des 22 chaînes de TV (privées/publiques), les activités des 17 distributeurs agréés par le CNCA et 200 exploitants propriétaires des salles peuvent fatiguer le plus véloce des fonctionnaires, fût-il courtisan et toujours sur liste d'attente. Il se trouve que les députés, les fonctionnaires et les professionnels, coincés comme l'âne de Buridan entre le vrai et la subvention publique, ont oublié de mettre à la question l'article 5 de la loi sur le cinéma, face à la Constitution. Celle-ci stipule dans son article 38 que «la liberté de création intellectuelle, artistique et scientifique est garantie au citoyen. Dans l'article 41 de la loi suprême, que «les libertés d'expression, d'association et de réunion sont garanties au citoyen». Sans artiste ni intellectuel dans l'administration du cinéma, qui va dénoncer le caractère anticonstitutionnel d'un texte qui livre le film de fiction sur la révolution à un clergé ou à une administration dépourvue d'intellectuels et d'artistes ? |
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