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CHICAGO - Avec le
retour des États-Unis dans l'accord de Paris sur le climat décidé par
l'administration du président Joe Biden, et alors
qu'une grande conférence des Nations Unies sur les changements climatiques
(COP26) se tiendra plus tard cette année, il y a un nouvel
espoir de voir arriver des politiques mondiales significatives pour relever le
défi climatique. Néanmoins, même si de plus en plus de preuves d'une volatilité
climatique croissante - incendies de forêt sans précédent en Australie,
sécheresses en Californie et en Afrique subsaharienne, intensification des
saisons d'ouragans et de cyclones - indiquent qu'il est urgent que nous
agissions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) qui
réchauffent la planète, il existe encore de sérieux obstacles à la conclusion
de tout nouvel accord mondial.
Les économistes conviennent généralement que le moyen de réduire les émissions de GES est de les taxer. Or, de telles taxes entraîneront presque certainement des changements économiques perturbateurs à court terme, raison pour laquelle les discussions pour les imposer ont tendance à se heurter rapidement à des problèmes de passager clandestin (free-riding) ou d'équité. Par exemple, les pays industrialisés comme les États-Unis craignent que, pendant qu'ils travaillent dur pour réduire leurs émissions, les pays en développement continueront d'en produire avec insouciance. Mais, dans le même temps, des pays en développement comme l'Ouganda soulignent qu'il est profondément inéquitable de demander à un pays qui n'a émis que 0,13 tonne de dioxyde de carbone par habitant en 2017 de supporter le même fardeau que les États-Unis ou l'Arabie saoudite, avec leurs émissions par habitant de 16 et 17,5 tonnes, respectivement. Le moyen le moins coûteux de réduire les émissions mondiales serait de donner à chaque pays des incitations similaires. Alors que l'Inde ne devrait pas continuer à construire de nouvelles centrales au charbon polluantes au fur et à mesure de sa croissance, l'Europe devrait fermer les usines qu'elle possède déjà. Mais chaque pays voudra réduire ses émissions à sa manière - certains par la fiscalité, d'autres par la réglementation. La question est donc de savoir comment concilier les priorités nationales et les besoins mondiaux afin que nous puissions sauver le monde unique que nous avons. La solution économique est simple : une incitation carbone mondiale (global carbon incentive, ou GCI). Chaque pays qui émet davantage que la moyenne mondiale, environ cinq tonnes par habitant, paierait annuellement un impôt à un fonds d'incitation mondial, dont le montant serait calculé en multipliant l'excédent d'émissions par habitant par la population et le GCI. Si le GCI commençait à 10 dollars la tonne, les États-Unis paieraient environ 36 milliards de dollars et l'Arabie saoudite, 4,6 milliards de dollars. Pendant ce temps, les pays en dessous de la moyenne par habitant mondiale recevraient un paiement proportionnel (l'Ouganda, par exemple, recevrait environ 2,1 milliards de dollars). De cette façon, chaque pays ferait face à une perte effective de 10 dollars par habitant pour chaque tonne supplémentaire qu'il émet par habitant, qu'il ait commencé à un niveau élevé, bas ou moyen. Il n'y aurait plus de problème de passager clandestin, car l'Ouganda aurait les mêmes incitations à économiser sur les émissions que les États-Unis. Le GCI résoudrait également le problème de l'équité. Les faibles émetteurs, qui sont souvent les pays les plus pauvres et les plus vulnérables aux changements climatiques qu'ils n'ont pas provoqués, recevraient un paiement grâce auquel ils pourraient aider leur population à s'adapter. Si le GCI est augmenté au fil du temps, les sommes collectives versées approcheraient les 100 milliards de dollars par an que les pays riches ont promis aux pays pauvres à la COP15 en 2009. Cela dépasserait de loin les maigres sommes mises à disposition jusqu'à présent. Mieux encore, le GCI attribuerait la responsabilité des paiements de manière réalisable, car les grands émetteurs sont généralement les mieux placés pour payer. De plus, le GCI n'empêcherait pas l'expérimentation nationale. Le système reconnaît que ce qu'un pays fait au niveau national est sa propre affaire. Au lieu de prélever une taxe sur le carbone politiquement impopulaire, un pays pourrait imposer des réglementations prohibitives sur le charbon, un autre pourrait taxer les intrants énergétiques et un troisième pourrait encourager les énergies renouvelables. Chacun trace sa propre voie, tandis que le GCI complète les incitations morales qui stimulent déjà l'action au niveau national. La beauté du GCI réside dans sa simplicité et sa structure autofinancée. Mais cela exigerait un ajustement de la façon dont les émissions par habitant sont calculées. Ce qui est consommé est aussi important que la façon dont il est produit, il faudra donc tenir compte de la part des émissions incorporées dans les marchandises importées ; ces dernières devront être ajoutées au décompte des émissions de l'importateur et soustraites de celui de l'exportateur. En outre, la plupart des experts considéreraient qu'un GCI de 10 $ est trop bas. Mais le but est de commencer petit afin de mettre en route le système et de régler les problèmes. Après cela, le GCI peut facilement être relevé d'un commun accord (ou réduit, s'il y avait une percée miraculeuse dans la technologie de réduction des émissions). Néanmoins, pour éviter de créer une incertitude après une période initiale de rodage, des changements pourraient être envisagés seulement tous les cinq ans environ. Qu'en est-il des propositions alternatives avec des effets mondiaux ? Certains pays industrialisés prévoient d'imposer une taxe nationale sur le carbone parallèlement à une taxe d'ajustement aux frontières, appliquant effectivement le même taux de taxe aux marchandises en provenance de pays qui n'ont pas de taxe sur le carbone. Les taxes à la frontière pourraient pousser d'autres pays à imposer leurs propres taxes sur le carbone, mais cela n'améliorerait certainement pas l'équité. Au contraire, elles laisseraient les grands pays importateurs imposer leurs préférences fiscales aux pays exportateurs pauvres et pourraient servir de cheval de Troie au protectionnisme. Certes, les bureaucrates qui dominent les réunions internationales voudront rejeter cette proposition comme « intéressante mais simpliste » (en utilisant peut-être d'autres mots). Les pays les plus puissants sont également les plus gros émetteurs, et rares sont ceux qui veulent contribuer à un fonds mondial, surtout en ces temps de dépassements budgétaires massifs. Pourtant, un GCI est de loin la meilleure option disponible. Alors que les pays riches cherchent des remèdes aux inégalités nationales, ils devraient réfléchir aux inégalités entre les pays, que la pandémie et le déploiement inégal des vaccins ne feront qu'aggraver. Les pays en développement se sentent aujourd'hui abandonnés. Une proposition équitable de réduction des émissions contribuerait dans une certaine mesure à les rassurer qu'ils ne vivent pas sur une autre planète. Et cela donnerait à chacun une plus grande motivation pour sauver celle-ci. Traduit de l'anglais par Timothée Demont *Ancien gouverneur de la Reserve Bank of India - Professeur de finance à la Booth School of Business de l'Université de Chicago et l'auteur de The Third Pillar: How Markets and the State Leave the Community Behind, son dernier livre. |
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