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7ème Sommet GECF : une rencontre qui prolonge le débat de la COP28

par Reghis Rabah*

Ce jeudi 29 février 2024, pour un premier jour de préparation, les organisateurs du 7e Sommet du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF), affichent leur ferme intention d'évacuer toute velléité lucrative.

En effet, il est peu probable que la question d'un «prix juste» soit abordée lors de ce sommet parce qu'elle divise alors que cette organisation doit impérativement face aux incertitudes du marché gazier partir en rang serré. Un prix juste a été déjà discuté au sein du GECF durant une rencontre d'un niveau ministériel en 2004, en Egypte, ensuite quatre ans après à Moscou en plus élargie aux objectifs mais tout porte à croire que dans les conditions et les circonstances du moment, la majorité des membres préfèrent un contrat long terme pour sécuriser le placement de leur gaz qui leur sert au développement économique de leurs pays respectifs. Il est logique qu'une fois le gaz s'impose comme accompagnateur inévitable de la transition énergétique, le prix « juste » viendra de lui-même. Pour le moment, ils tentent de parer au plus urgent. Ils s'attèlent plutôt de préparer les jalons d'une « plateforme » pour les hautes autorités des pays membres pour d'abord une discussion « constructive » avec une overview sur l'ensemble de la situation en cours et perspective relative « à l'énergie en général » et certainement le gaz naturel en particulier. L'inauguration dès le premier jour de l'Institut de recherche sur le gaz (GRI) dont le rôle est la prise en charge des projets de recherche technologique pour faire du gaz naturel une énergie propre est la preuve de la vision scientifique dont jouit cette organisation. Il demeure bien entendu que ces dirigeants loin de toute polémique se donnent le temps « d'approfondir » les développements géopolitiques, économiques et pourquoi pas politiques dont le seul but d'explorer l'avenir du secteur du gaz naturel et d'en faire un accompagnateur du développement durable des nations unies avec toutes les garanties de la stabilité du marché, tout en assurant « la sécurité, l'abordabilité et la durabilité énergétique ». Ceci induit un élargissement d'un dialogue franc et constructif avec ses partenaires et clients pour ne pas tomber dans le piège des lobbyistes qui utilisent le retard des engagements pris lors des COP26 et 27 pour avancer dans les énergies renouvelables en réorientant les investissements au détriment de l'énergie fossile, en général, et le gaz, en particulier. Le gaz naturel, qui était considéré d'une manière consensuelle comme énergie propre du 21e siècle, est remis au débat sur ses impacts environnementaux et peut être considéré comme une énergie propre ou un dangereux contributeur au réchauffement climatique en fonction du lobby représenté. La vérité est que le gaz naturel constitue un moindre mal en comparaison des autres hydrocarbures, mais que son impact écologique n'en demeure pas moins significatif. Bien au contraire, « le gaz naturel contribue à faire sortir les populations de la pauvreté, créer des emplois, d'éliminer la faim, d'accroître la prospérité, réduire la pollution de l'air domestique et d'améliorer celui des villes». Il pourrait être même ce que nous montrerons plus loin un sauveur de l'humanité. Contrairement à ce qui est dit ici et là, le gaz naturel n'est pas incompatible avec la démarche vers les renouvelables (EnR). Il leur est un allié indispensable.

1- Qui pollue l'atmosphère en CO2 ?

Faut-il préciser d'emblée que le vocable «sauver la terre» est fallacieux car la terre n'a pas besoin d'être sauvée par l'Homme parce qu'elle a résisté à tous les dysfonctionnements de la nature et elle s'y adapte. Bien au contraire, il existe une étude toute récente qui date d'une décennie qui révèle que l'augmentation du dioxyde de carbone (CO2) rend la terre plus verte parce que le CO2 agit comme fertilisant qui fait que la moitié des terres végétalistes reste de plus en plus verte aujourd'hui. S'il y a quelqu'un à sauver c'est bien l'Homme lui-même qui est émetteur de gaz à effet de serre (GES). En effet, à des concentrations élevées, le dioxyde de carbone peut déplacer l'oxygène de l'air, privant ainsi le corps d'oxygène, ce qui peut causer une perte de conscience. Il faut préciser au départ que les sources d'émission de dioxyde de carbone sont à la fois humaines mais aussi naturelles. Les sources naturelles incluent la décomposition, le rejet océanique et la respiration. Les sources humaines proviennent d'activités telles que la production de ciment, la déforestation et l'utilisation de combustibles fossiles, comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel. Ce dernier reste le moins émetteur. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte que le changement climatique est responsable d'au moins 150.000 décès par an, ce chiffre devrait doubler d'ici à 2030. Parmi les conséquences graves dues au réchauffement climatique, on peut citer les maladies infectieuses. D'autres organisations sont allées plus loin, le réchauffement climatique aura des répercussions sur la santé des populations vivant dans les régions tropicales. En Afrique par exemple, la hausse des températures favorise la prolifération de moustiques et les populations seront davantage exposées à des maladies comme le paludisme, la dengue et d'autres infections transmises par les insectes. Ces effets sont également perçus dans d'autres pays dits superindustriels comme le Royaume-Uni et les Etats-Unis d'Amérique. Partant, la problématique se construit de cette sorte : les mouvements des Verts font pression sur les Etats pour réduire les émissions du gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique. Il se trouve que les Etats sont impuissants de forcer les industriels à respecter leurs engagements dans les différentes conférences des parties (COP), alors ces Etats cherchent un bouc émissaire à chaque fois qu'on constate dans les COP'S ce manque d'engagement. On a commencé par le charbon, ensuite le pétrole et dans la dernière COP à Doha le gaz aussi. C'est de la poudre aux yeux car aucune source d'énergie n'est capable de se substituer totalement à une autre. Aujourd'hui, les 3 énergies fossiles restent utilisées dans le monde. Les secteurs les plus polluants par ordre décroissant sont comme suit : les déchets (3,2%), l'industrie (5,2%), l'agriculture et l'exploitation des sols et des forêts (18,4%) et enfin l'énergie (73,2%). Il se trouve que c'est l'énergie qui engendre la croissance d'où le dilemme. Les plus gros pollueurs de la planète en 2023, selon Statista, serait la Chine à hauteur de 33% des émissions de CO2 en grande partie dues à l'exploitation de biens de consommation et surtout à sa grande dépendance du charbon, vient après les Etats-Unis avec 12,6%. La troisième serait l'Inde avec 7%. Ces 3 pays assistent aux différentes COP'S, appuient tout ce qui est arrêté mais ne font que peu ou rien de qui pourrait solutionner ce problème. Tous les pays producteurs de gaz à l'exception de la Russie (1,5%) et l'Iran (1,4%) sont situés dans la tranche de moins de 1%. Nombreux parmi eux unissent les recettes de vente du gaz pour le financement de leurs circuits économique et social. En général, selon le même site, la planète aurait reçu en 2023 près de 50 milliards de tonne de CO2. Donc, au lieu d'attaquer l'énergie fossile, il faut faire un effort de soulager la planète car l'éradiquer serait impossible d'ici l'échéance arrêtée. Juste pour rappel et à titre d'illustration, depuis le fameux Protocole de Kyoto signé par 37 pays y compris ces gros pollueurs qui se sont engagés sur des «objectifs contraignants» de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Le but était alors d'atteindre une réduction globale des émissions de 5,2% entre 2008 et 2012 (par rapport à 1990). Depuis, 193 pays ont ratifié ce protocole, entré en vigueur en 2005. Pourtant, selon les statistiques de l'Agence l'internationale de l'énergie (AIE), la demande mondiale de pétrole a doublé entre 1971 et 2019, passant de 2,3 à 4,6 millions de tonnes. En matière de consommation mondiale de pétrole, les États-Unis, l'Inde et la Chine arrivent en tête. En 2021, les États-Unis ont consommé à eux seuls 21% du total mondial (19,8 mbj). Cependant, l'Inde et la Chine ont, ensemble, consommé presque autant que les Américains (19,55 mbj). 13 conférences des parties se sont déroulées depuis dont la dernière à Doha COP28, dont l'objectif était d'évaluer l'accord de Paris, ils se sont focalisés sur la fin de l'énergie fossile, pour détourner les vraies questions des engagements des pays.

2- Quelques mots sur les engagements dans les dernières COP'S.

Pourtant, malgré tous ces cris dramatiques des uns et des autres pour ralentir les investissements dans les énergies fossiles, l'année 2022 après le soulagement du Covid-19 a vu une intensification remarquable de la transition énergétique, en partie due à la crise énergétique, « avec des records d'installations de capacité d'énergies renouvelables et de ventes de véhicules électriques (VE) dans le monde ». Un Policy Brief 2023 a exploré cinq tendances du marché énergétique en perspective :

1- La consommation d'énergie pourrait connaître sa deuxième année de croissance inexpressive dans un contexte de marchés énergétiques plus ou moins tendus. La consommation totale d'énergie devrait croître de 1,3% en 2023, contre 2,2% en 2022, marquant ainsi un ralentissement pour la deuxième année consécutive après la reprise de 2021 qui a suivi le déclenchement de la crise sanitaire.

2-Les systèmes énergétiques sont mis sous pression à cause des phénomènes météorologiques extrêmes. La fréquence croissante des phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les sécheresses, les vagues de chaleur et les ouragans, aura un impact négatif sur les systèmes énergétiques des pays. Déjà en 2022, le temps sec qui a sévi dans la majeure partie de l'hémisphère nord a entraîné des situations de sécheresse dans les principaux systèmes fluviaux.

3-Une tendance claire au constat des efforts réalisés montre que les économies de l'avenir seraient décarbonées avec des combustibles fossiles «représentent encore la majeure partie de l'énergie que nous utilisons». L'AIE prévoit que la croissance totale de la capacité mondiale d'énergie renouvelable devrait presque doubler au cours des cinq prochaines années, dépassant le charbon, devenant ainsi la principale source de production d'électricité au début de 2025.

4-Un retour en force de l'énergie nucléaire est envisagé à partir de 2023. La crise énergétique a incité certains gouvernements à revoir leurs plans d'élimination progressive de l'énergie nucléaire, le sentiment évoluant en faveur d'un approvisionnement énergétique fiable. Retarder la fermeture des sites nucléaires en Allemagne est édifiant.

5. Les pays en développement ont eu beaucoup d'entraves liées au financement du climat. Pourtant, durant de l'année 2022, on n'a pas arrêté d'appeler à la nécessité d'une «transition juste» vers une économie à faible émission de carbone. Dans ce cadre justement, plusieurs annonces ont été faites dans ce sens lors de la COP27. «L'Afrique du Sud a signé des accords de prêt d'une valeur de 600 millions d'euros avec la France et l'Allemagne dans le cadre de ses efforts continus pour mettre en œuvre le partenariat pour une transition énergétique juste annoncé lors de la COP26». Un partenariat similaire pour une transition énergétique juste en Indonésie a été lancé lors du sommet du G20, parallèlement à la COP27, et mobilisera 20 milliards de dollars US au cours des trois à cinq prochaines années pour accélérer «cette transition juste». Le Viêt Nam, l'Inde et le Sénégal ont également manifesté leur intérêt pour l'établissement de partenariats pour une transition énergétique équitable. Au-delà des annonces faites durant 2022, il est plus que nécessaire de passer à l'action en 2023. Il se trouve que les résultats de la COP27 montrent que plus, voire beaucoup plus, reste à faire pour amener les gouvernements à prendre des mesures décisives pour réduire les émissions à l'échelle et au rythme nécessaires pour éviter une rupture climatique. Si cette analyse qui se base sur les chiffres de l'AIE et la Banque mondiale est validée, alors on pourrait se demander pourquoi cette offensive prématurément négative envers l'énergie fossile dont le gaz. Est-ce un tremplin pour couvrir l'implication des gros pollueurs du climat qui continuent de se soustraire de leurs engagements ?

*Economiste pétrolier