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Ce que vous devriez faire, sinon partez monsieur le Ministre !

par Cherif Ali

Les jours précédant le réveillon 2019, les postes frontaliers à l'Est du pays, pour aller en Tunisie, ont été pris d'assaut par les Algériens désirant fêter l'événement dans ce pays voisin.

Selon des chiffres établis sur la base des statistiques des agences touristiques, ils étaient des milliers à passer le réveillon en Tunisie sans compter ceux qui ont profité d'y passer la première semaine des vacances scolaires avec leurs enfants.

Les formalités, qui duraient en temps normal pas plus d'une trentaine de minutes, ont pris pour de nombreux ressortissants algériens quatre heures de temps y compris pour ceux qui étaient dans le sens du retour, tellement le flux était important.

Un calvaire, du jamais vu en pareille période de l'année pour de nombreuses personnes habituées des lieux et rencontrées au poste frontalier d'Oum Teboul!

Les raisons incitant les Algériens à se rendre, de nouveau, en Tunisie sont liées essentiellement aux promotions proposées par les agences touristiques dont parfois le prix est le triple d'un séjour dans le Sud de l'Algérie. Des nuitées ne dépassant pas les 22000 dinars leurs sont ainsi proposées.

Pourtant, ils étaient aussi des milliers à jurer de ne plus remettre les pieds dans ce pays, pour plusieurs raisons dont notamment cette augmentation de 30% des tarifs des prestations hôtelières tunisiennes, mais aussi l'insécurité, la cherté de la vie, la dépréciation du dinar tunisien, etc.

Ces Algériens qui s'étaient rendus par le passé en Tunisie, ont eu cette impression que « L'Algérien est devenu persona non grata chez notre voisin surtout dans le haut de gamme à cause du retour des Tours Operators (TO) européens (anglais, français, allemands, etc) mais aussi de deux marchés émergents à savoir la Chine et la Russie, qui ont fait remonter les prix.

L'attitude «hostile» des hôteliers tunisiens envers les familles algériennes est-elle avérée ?

C'est la loi de l'offre et de la demande soutient un expert du domaine ! Les hôteliers tunisiens sont libres dans leur gestion. On est dans un monde de la concurrence. Ils préfèrent travailler avec la clientèle européenne sur 05 à 06 mois avec tarifs pas très chers. Avec nous, ils ne travailleront que 21 jours, a t-il dit.

Des familles qui ont séjourné en Tunisie l'été dernier racontent pourtant que le climat n'est plus le même depuis quelque temps. Des cas d'agressions ont été signalés, tandis que le retour des touristes européens qui avaient boycotté le pays en raison de l'insécurité qui y régnait a révélé la préférence des Tunisiens pour cette catégorie de touristes.

Il faut admettre, enfin, qu'un grand nombre d'Algériens, qui ont découvert le tourisme balnéaire hors des frontières sur le tard, ont terni l'image du pays par leur comportement incivique dans un pays réputé pour sa grande ouverture d'esprit et son savoir-vivre. Ce qui a provoqué une sorte de rejet des Tunisiens qui préfèrent les estivants occidentaux aux Algériens et aux Libyens.

Que faut-il faire alors pour non seulement préserver la dignité du touriste algérien se rendant à l'étranger ou pour le moins lui offrir une prestation en rapport, chez lui en Algérie ?

Les réponses doivent être apportées par le responsable du secteur.

Et, ce que vous devriez faire monsieur le ministre du Tourisme et de l'Artisanat, tient en ces quelques lignes :

- Avoir déjà de la hauteur de vue pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, car vous ne pourrez pas vous occuper de tout,

- avoir toujours le souci de la proximité non seulement avec vos collaborateurs mais aussi avec tous les investisseurs qui ont à cœur de promouvoir le tourisme algérien, de lui faire rattraper son retard sur la Tunisie et le Maroc notamment,

- vous devriez reconnaitre que votre ministère - c'est là son principal défaut- a toujours voulu évoluer en solitaire, dans une insularité criarde, sans aucune complémentarité. Il lui manque, à ses côtés, et cruellement, un ministère de la Culture fort de ses compétences et de son budget, un ministère de la Communication percutant et un ministère des Collectivités locales géré par des experts ; il lui faut aussi, en appoint, un secteur bancaire réformé, affranchi de ses carcans et des partenaires privés mus par l'esprit gagnant-gagnant !

- vous devriez engager une réflexion à tous les niveaux, avec tous les opérateurs concernés, pour dégager, enfin, une véritable politique touristique bien pensée, bien structurée et bien projetée qui reposerait surtout sur une implication fiable, convaincue et convaincante.

- Vous devriez donner la priorité au tourisme interne en faveur des nationaux ; en commençant déjà par réhabiliter les 220 plages interdites à la baignade pour cause de pollution pour qu'elles soient traitées selon les normes requises et mises à la disposition des vacanciers la saison estivale de cette année 2019 !

-Pour cela vous devriez, avec votre collègue du ministère de l'Intérieur, livrer bataille aux gardiens de parkings qui font la loi ainsi que les «gros bras» qui sont les maîtres des plages où la baignade est autorisée et dont l'accès, selon les pouvoirs publics, était censé gratuit !

-Vous ne devriez plus vous poser la question de savoir s'il faut commencer par réanimer le tourisme domestique et donc commencer par satisfaire une demande intérieure, pesante et urgente ou alors tout miser sur une demande extérieure, hypothétique et virtuelle, soumise de plus en plus à une impitoyable concurrence ?

-Vous devriez examiner toutes les propositions, d'où qu'elles viennent, à même d'augmenter les capacités d'accueil des infrastructures hôtelières dès lors que le pays reste le même, dans ses constantes : plus de 1200 kilomètres de bord de mer, des montagnes boisées surplombant plusieurs vallées et même des cours d'eau ; des sources minérales à ciel ouvert ; dans le Sud et l'immensité saharienne, on trouve les ergs, les oasis, et les parcs du Tassili du Hoggar ; en amont, des installations touristiques louables mais franchement insuffisantes ; en aval, une demande interne de plus en plus croissante de vacanciers, effectifs ou potentiels, aspirant à la détente !

-Vous devriez, avec votre collègue le ministre des transports, militer pour la réduction des tarifs des billets d'avion du réseau intérieur, même si la compagnie nationale Air-Algérie a réduit de moitié ses tarifs à destination du sud du pays. Là aussi, il y a à dire sur cette compagnie qui fait parler d'elle avec ces retards, reports et annulations de vols et de mauvaise prise en charge des passagers.

- Vous devriez vous rapprocher également du ministre des affaires étrangères pour l'allégement de l'octroi des visas aux étrangers désirant visiter notre pays !

-Vous devriez aussi avoir à cœur de relancer le tourisme saharien de l'extrême Sud en organisant des circuits d'expédition en véhicules tout-terrain, et le tourisme itinérant en autobus, à travers la boucle des Oasis et celle de la Saoura ; ensuite le tourisme culturel avec notamment des promenades et des séjours dans les sites de Tipaza, Djamila, Timgad, Hippone, Madaure, Taghaste entre autres.

-Vous devriez également encourager les investissements touristiques dans les Hauts-Plateaux et le Sahara qui seront exonérés d'impôts pendant 5 ans ! Tous les investisseurs devront bénéficier ainsi de réductions de 50 à 80% sur le coût de la concession des terrains et aussi des coûts bancaires qui seront bonifiés.

-Vous devriez plaider lors de l'établissement de la prochaine loi de finances pour un faible taux de douane, jusqu'en 2030, en faveur des investisseurs qui importeront des équipements et des ameublements hôtelier non produits localement. Il vous faudrait aussi soutenir la réduction de la TVA sur les prestations liées aux activités touristiques, hôtelière, thermales, de restauration, de voyages et de location de véhicules de transport touristique, car cette mesure permettra aux hôteliers et aux restaurateurs de réduire les prix de leurs prestations et d'attirer le maximum des clients nationaux, y compris ceux qui ont fait de la Tunisie leur destination annuelle !

-Vous devriez être convaincu bien sûr que la beauté de l'Algérie ne suffit pas pour le retour du tourisme qui reste tributaire de notre capacité à transformer ce potentiel en produits touristiques de qualité en lui conférant une dimension à la hauteur de ses atouts. Pour cela, il vous faudrait rechercher des hommes, non pas pour porter le tourisme national sur des fonts baptismaux, pas encore, mais pour, au moins, «secouer le cocotier», maintenant !

-Vous devriez agir auprès de toutes les institutions, politiques et privées, jusqu'au moins planifiable possible, l'Algérien et sa mentalité pour réanimer le secteur touristique et mettre de l'ordre dans les hôtels et les complexes ; c'est déjà une priorité. Intervenir sur les mentalités des opérateurs touristiques, c'est aussi une urgence à prendre en considération!

- Vous n'êtes pas sans savoir que les Algériens ne sont pas difficiles. Pour eux, il suffit de créer ceci et cela pour que les choses aillent mieux et que tout le monde puisse profiter de ses vacances ! En cette période, ce sont au moins 2 millions de vacanciers qui vont se ruer sur les sites et structures du pays et les responsables de la promotion touristique, publics ou privés, doivent profiter de cette demande et proposer des prestations en rapport.

- Vous devriez faire en sorte que la formation de la ressource humaine soit une de vos priorités premières. Pour ce faire, il vous faudrait encourager l'ouverture des instituts de formation dans le domaine, notamment par le privé ; vous engager à sauver l'artisanat, protéger le patrimoine archéologique, rendre nos villes plus attrayantes, conserver une politique de loisirs, améliorer nos transports, renforcer la sécurité partout, promouvoir la gastronomie et l'habit traditionnel algérien, sortir le tapis de Ghardaïa du néant dans lequel il se trouve, rendre nos banques agréables, mettre le wifi partout. Un programme plus qu'alléchant pour sortir le tourisme national de sa régression !

- Vous devriez, coûte que coûte, livrer une lutte sans merci à la bureaucratie, celle-là même qui empêche l'exploitation des zones d'exploitation touristiques (Z.E.T.), dont seulement 22 sur les 205 auraient été approuvées par le gouvernement. Avec Ahmed Ouyahia, le Premier ministre, il vous faudrait mettre un point final au «gel du foncier» qui n'en finit pas et qui impacte négativement sur la libération de quelque 50.000 hectares de terrain, destinés aux projets touristiques !

- Vous devriez débarrasser le secteur de tous ceux qui font fuir les investisseurs, lassés d'être rackettés par des responsables beaucoup plus soucieux de leur avenir que de celui du tourisme national !

- Vous devriez engager des réformes notamment concernant l'Office national de tourisme (ONT) qui semble à court d'idées, après s'être dépensé inutilement dans les salons internationaux de second plan, voire insignifiants, et dont la cible de clientèle en termes de marketing ne correspond pas aux deux produits algériens phares «saharien et balnéaire» ; il s'agit des salons de Moscou, Budapest (Hongrie), Varsovie (Pologne), Tunis, Casablanca et Le Caire. En conséquence, un changement de braquet dans la politique touristique est plus que nécessaire. Les pays qui doivent être ciblés à l'avenir sont l'Allemagne, à travers le salon de Berlin et la France via les salons de Deauville et de Cannes où réside une forte communauté de pieds-noirs, avides de visiter l'Algérie qui n'a jamais dépassé le seuil d'un million de visiteurs étrangers, depuis 1963 ; ce chiffre inquiète, bien sûr, mais en même temps rassure, car il peut être un atout dans le sens où des destinations voisines (Maroc et Tunisie) peuvent connaître la saturation contrairement à la Turquie et la Croatie, ces nouvelles destinations en vogue qui en profitent ; pourquoi notre pays n'en profiterait-il pas ?

-vous devriez parler aux Algériens qui veulent passer leurs vacances dans leur pays! Les considérer ! leur donner des gages à l'orée de cette nouvelle année, en invitant, par exemple, les gestionnaires des infrastructures hôtelières publiques ou privées :

1. à mettre en place des équipes personnalisées et des espaces d'orientation pour accueillir les vacanciers d'ici et d'ailleurs, et réviser à la baisse leurs prestations hôtelières avec un très bon rapport qualité-prix,

2. à veiller à la gratuité des plages et des piscines

3. à élargir leur éventail des loisirs.

Monsieur le ministre du tourisme et de l'artisanat, vous n'êtes pas sans savoir que la crise que vit l'Algérie en matière de tourisme n'est pas le résultat d'une fatalité, mais la conséquence directe des errements de tous vous prédécesseurs qui, pour le moins, n'avaient pas les compétences requises pour gérer un tel secteur.

Vous savez ce que vous devriez faire pour ne pas contribuer, vous aussi, au grand gâchis touristique qui est à inscrire en caractère gras sur le registre des faillites de l'Algérie indépendante.

Sinon, partez !