Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Une coupe et des récupérateurs

par El Yazid Dib

Un seul héros ; l'Entente ! La coupe s'est abreuvée à Ain fouara en ce 3 novembre 2014. Elle est continentale, africaine. Presque une demi-coupe du monde. C'est un autre trophée dédié à l'anniversaire d'une révolution. Comme ces opportunistes de « Novembre » il y a aussi les récupérateurs?de coupes

Toute une amplitude interrogative est venue chez beaucoup de témoins sétifiens et d'observateurs attentifs pour s'interpeller : pourquoi la procession des vainqueurs brandissant la coupe s'est-elle décidée à avoir comme destination finale le siège de la wilaya ? Pourquoi n'a-t-elle pas eu comme meilleure adresse le stade Mohamed Guessab, berceau de son enfance et caveau de ses bons et mauvais scores ? C'est dans ce stade où rodent encore l'esprit de Layass? Aribi ; que la population est naturellement sensée les recevoir. Entre le salon de la wilaya et le tour du stade Guessab, il y a toute une symbolique. La remise de la coupe s'est ainsi ensachée dans réception hors du peuple.

Le mouvement de liesse était un exploit populaire. La marche ou le regroupement de citoyens n'avait besoin de nulle autorisation. Sétif, à l'instant s'est vêtu d'une dimension algérienne. Il était au cœur de l'actualité.

Il existe une grande différence dans la théorie générale du mouvement dans le sens où la mobilité peut prendre toute une multitude de dimensions. Le peuple n'a pas marché pour protester. Il ne s'est point enquis des procédures tant que la victoire chantée arrange bel et bien les affaires publiques de certains. Le jeune braille à tue-tête et s'en va. Sa misère reste sur l'asphalte comme un fanion fini et désabusé. De l'autre coté de la rue, dans un département, un cabinet des gens jubilent et osent s'approprier l'humeur du jour. Ils pensent avoir été, à partir d'un fauteuil soyeux les buteurs acclamés.

 Leur trophée à eux n'est remporté ni sur un terrain, ni par tirs aux buts. Ils sont le juge et l'arbitre, les joueurs et l'équipe, les supporters et les dirigeants. C'est à eux que reviennent légitimement, se disent-ils les engouements génésiaques du succès. La victoire va être un programme sectoriel défriché le long d'un budget sportif. Elle va être aussi un bilan dissimulant les aspérités qui foisonnent les autres bilans. La joie créée par la coupe chez le peuple n'est plus l'effet d'un résultat égalitaire. La qualification devait y être, estiment-ils car 2 trains et 200 bus auraient bénévolement avalé le temps de Sétif à Alger. La gratuité fournie ainsi exprimait la générosité du grand trésor public ou à défaut le troc d'un sponsor toujours à l'affut des belles opportunités nécessairement promises. L'essentiel d'un triomphe tend à se transcender vers de multiples sources. L'on chuchotera ou se laissera comprendre que, sans un tel et un tel rien n'aurait été possible.

L'Entente n'a pas gagné pour elle seule la coupe. Il y avait à Sétif au moment de l'incertitude des temps morts ; des banderoles titrées en noir et blanc qui juxtaposaient avec relief l'étendard national. Là, tout se confondait. L'entente était dans l'Algérie. Sétif dans le cœur de tout algérien. Chez les autres tapis dans les tribunes officielles, le CV s'apprêtait à s'enjoliver. Avoir « gagné » une coupe ça se compte dans les examens de situations promotionnelles. Dehors, dans le froid des gradins, dans les artères, en face d'écrans ; quelle prouesse, quelle sincérité ! Un formidable élan de sentiment collectif est vite dressé d'Est en Ouest, du Sud au Nord. Nos compatriotes installés outre mer, étaient également de la partie. La toile faisait un embouteillage aux réseaux sociaux. L'information devient un clic direct et à chaud. Les parties de foot comme les élections finalement font de temps en temps des

détours aux plus avertis des clubs ou des partis. La récupération commence donc à se faire au grand jour.

Chez nous la promotion sociale ou sportive n'est pas uniquement un effort intellectuel. Ni l'élévation dans les rangs de la classe politique, un box-office de lutte ou d'engagement. Tout, demeure lié à un phénomène dont l'unique explication est à rechercher dans les mystères du pouvoir. C'est justement par la grâce envoûtante de ses arcanes, que du rien l'on peut produire une chose. De qui d'un dirigeant, un superviseur, un parrain ou de l'Entente fait la gloire de l'autre ? Le mécanisme de production laisse souvent apparaître malgré un maquillage adéquat ; des scories visibles d'incompétence et de cajolerie. Du néant, du vide l'on a fait des personnages. Ministre, wali, sénateur, député ou maire, à des exceptions près, tous ont eu à connaître les enchantements rajeunissants des laboratoires où se procrée sans recette, le mythe des hommes new-look. Parfois ce sont les clubs qui hissent au podium un simple commis de l'Etat. L'Entente en a produit une quantité.

L'Entente, voire l'Algérie enfante des pourtours dans tous les sens de ceux qui nous commandent, nous gèrent ou nous représentent. Qui vous dit que tel ministre ou président de club est inamovible ? Que tel gouvernement ou bureau fédéral est éternel ? Que tel wali ou joueur est indispensable ? Par ce succès incontestable qui n'était à son début qu'un rêve, la jeune équipe sans trop d'expérience, s'est adossée sur l'histoire du sigle et de sa légende pour conquérir loyalement le défi et battre le scepticisme. La FAF ne lui aurait-elle pas signifié un non recevoir d'une probable assistance au commencement des joutes éliminatoires ? La fougue et l'acharnement, les succès successifs, les lueurs annonciatrices ont vite fait de dissiper les incantations douteuses qu'espérait l'autorité fédérale. La préférence et les vœux, hélas n'ont pas droit de terrain sur un terrain. Les privilèges et les logos des hydrocarbures n'ont rien apporté par les torses qui les arborent. Juste avant le match, l'entente en a eu les bribes de coulisses et les arrhes prédites.

L'histoire de l'Entente précède largement l'équipe actuelle. Ainsi l'Entente de Sétif vit de son aura historique et mythique tout en fournissant l'effort de l'éterniser. Des hommes et des hommes en sont derrière. Des jeunes et des jeunes la font toujours. Elle se doit de garder donc le rang appréciable qui est le sien. Équipe de coupe, de deuxième souffle et de finaliste. Elle a brillé de mille torches fumigènes au fil du temps et des stades. L'Entente comme le FLN doit être un patrimoine collectif, un amour anonyme.

Une équipe est environ comme un système. Il hisse les uns et peut faire dégringoler les autres. Que de noms usuels n'étaient-ils pas propulsés juste sous les couleurs du club ? C'est presque aussi comme en politique. Que dire alors d'un ministre ou d'un Wali, sans tangente linéaire, sans talent sauf une carrière qui seulement avec son ego et sa meute croit ainsi avoir effectué et réussi les rites de l'ascension ? Un sponsor qui se croit puissant octroie à une équipe et pas à une autre de même division un appui inconditionnel sans avoir à porter toutefois un regard strident sur les entrailles de la caisse du club, ne peut penser un instant que le succès d'une fonction est au bout de la maîtrise des coûts d'incidents, du management des risques et de la neutralité dans l'application de la performance. Sonatrach, n'est pas la propriété d'un onze algérois. Sans le dire, elle est nationale tant qu'elle régule

à elle seule toute la finance publique. On la verra bien dans le rôle d'un sponsor de la totalité du sport algérien toute discipline confondue. Sinon, c'est à l'équipe de Hassi Messaoud qu'échoira la priorité de la manne budgétaire dispensée sans compter par cette entreprise.

Entre l'ESS et le wali, il y avait presque une histoire d'amour. Celle-ci s'effiloche par la valse de ceux-ci. Il était à toutes les occasions le treizième joueur. Il est au bureau.

La culture d'un président de club est comme celle d'un homme d'Etat. Elle n'est pas celle enfouie entre un bureau et quelques mauvais faiseurs et faussaires d'opinions. Elle ne peut par conséquent être une imposition de soi mais une servitude et une négation du « moi ». Celui qui brandit ses pectoraux par devant le zoom de l'ENTV, lors des matches, des visites officielles ou des assemblées et qui apprend à peine à nouer convenablement ses cravates, continuera nécessairement à ignorer son initiale insignification, n'ayant qu'un poste qui lui traverse la tête. L'accession personnelle. Mais quand on provient d'un rien, ce sont les affres douloureuses du rien qui en fin de chemin vous guettent et vous attendent.

Là, s'évertue encore la philosophie tendant à dire que la victoire a beaucoup de pères et la défaite est orpheline. Que d'échecs se sont collés parfois injustement à des entraîneurs qui le plus souvent officiaient sous l'injonction non dite mais réelle ou supposée l'être d'un climat fan-club hostile aux mauvais scores et intransigeant à la perte. La sagesse comme la sérénité s'envolent déjà aux pelouses dés la fin d'une débâcle. La cause en la personne d'une personne est vite repérée. La responsabilité authentique sera cependant dans l'ailleurs, dans le nulle part. Enfin toujours loin des dirigeants.

Que de gloires sont collées aux détenteurs du pouvoir actuels. Il ne sera pas dit, que c'était grâce aux voix stridentes, à l'amour du club, à la légende entretenue, aux chauffeurs de bus, aux aubergistes, aux soigneurs, à wantoutri, aux youyous ?que la victoire ait été accomplie. Mais, il est déjà dit que celle-ci est la résultante d'une faveur, d'une médiation, d'un effort, d'un parrainage et de la clairvoyance d'un Chef-administrateur et d'un élu et de leur donation salariale. Il n'y a pas pire veulerie que de s'offrir des lauriers sans avoir tenu un seul combat. En forcer le partage est une offense au mérite des vainqueurs.

Nonobstant cela, le mérite incontestable demeure, dans son entière plénitude ; exclusif à l'équipe et ses fans. Le fait de rendre hommage à cette équipe historique est une obligation « blamziya » publique. C'est au nom du peuple que l'accueil ait été organisé. Rien ne se justifie par autre chose que la reconnaissance populaire. L'Entente a créé le bonheur national le peuple le lui rend. En devenant une fierté nationale elle a construit le plaisir et le désir d'être encore algérien en ces moments où la gaieté s'est enfuie des rues d'Alger et des autres villes, si ce n'était le 1 novembre. Ah ! ce 1 novembre?les affiches « 60 » sont chiches en ces boulevards rassasiés de fanions kahla ou beida.

L'Entente n'aurait pas reçu autant de consécrations sans l'apport inestimable voire inégalable de ses supporters. Hooligans parfois, pantois une autre, mais éternellement au chevet du club. Les ententistes nostalgiques même s'ils boudent, l'équipe parfois n'ont jamais cessé de porter le sigle dans le cœur. Certains observent en dégustant silencieux, les victoires et avalent tout aussi en silence l'échec. Comme dans la révolution, un seul héros ; l'entente !

Il n'y a par ailleurs que ceux qui prétendent que la vie n'est qu'un élan vers le firmament de la victoire quelque soit le tremplin ou la rampe de lancement qui puissent bien vous y déposer. C'est le cas d'éventuels bailleurs ou de chefs sans horizons. Le rôle ainsi dévolu reste partagé entre la passion que l'on nourrit envers son club préféré et ce désir ardent et vorace de vouloir crever l'écran de la notoriété. L'on naît notable. L'on ne se l'imagine pas. Les pourvoyeurs de caisse ne manquent pas à Sétif. Tout le monde industriel et friqué aurait mis la main dans la poche. Ceci ressemblerait à un trésor destiné au financement d'une guerre. Le hic, résiderait, selon certains bailleurs, dans cette amnésie observée à leur encontre. Une invitation protocolaire et honorifique au lieu d'aller à un ex-donneur, fâché ou outré, n'avait pas à partir dans les méandres d'une administration dépassionnée, austère et non concernée.

Parmi les objectifs que se devait de s'assigner les dirigeants, il existe celui de provoquer et maintenir une adhésion totale autour du club. Professionnaliser les relations et s'investir dans le supporter et non dans le chef local du moment. Raffermir les rangs, attirer les ex-faiseurs de l'entente, fédérer enfin toutes les énergies possibles. Et de ne pas se positionner dans une posture de chasse à l'autre, de tenir un langage belliqueux ou de ramener à sa propre personne tous les exploits. L'attraction terrestre et sa nature ne seront comprises qu'une fois la dérision tourne en vertiges et provoque la nausée.

 En extra du professionnalisme, il restera évident de bien vouloir fonder l'esprit d'école et piocher la graine dans le terroir pour en faire le grand joueur de demain. Sétif devrait être un terrain exportateur de talents. C'est la partie la plus difficile. La ville a certainement des sources non apparentes d'où ; grâce à un travail de ciblage et d'enquête, le fœtus de futurs joueurs du gabarit de Salhi, Koussim, Mattem, Gharzouli, Fellahi, Abbes, Guedjali et consorts s'écorera.

L'entente jeune club par rapport chronologique à ses ainés, l'USMS et le SAS gagnerait en management si elle transvasait juste sur la place locale un peu de valeur talentueuse envers ces phares éteints par le délire des hommes et l'ineptie des autorités. Voici là, une coupe qui vient encore garnir le palmarès d'un club, en voici aussi des récupérateurs?de métaux non ferreux.