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Nos élections, leur bras d'honneur et le philosophe

par Abdelkader Leklek

Le vote serait à la démocratie ce que sont les ailes à l'oiseau, disait Hama el Fahem, quand il s'essayait à philosopher. Oui mais, a-t-il complètement raison ?

Tous ceux qui font de la politique se servent de la démocratie qu'ils conceptualisent selon leurs objectifs, et les finalités qu'ils donnent à la réalisation de leur idéologie.

Ceux qui se prévalent de la démocratie se recrutent sur tout l'éventail des théories politiques, de l'extrême gauche à l'extrême droite en passant par le centre. Bien sûr à gauche comme à droite, les variations, les innovations, les retournements, les remaniements, foisonnent. Les acclimations les adaptations, les accommodations et les arrangements, concernent aussi le centre, comme les deux autres orientations antagonistes. Et logiquement si l'on apprivoise l'oiseau démocratie, on naturalise, également ses ailes, le vote. Donc en ce jour du 29 novembre 2012, nous votons dans toute l'Algérie pour élire les édiles de nos villes, de nos villages, douars et autres bourgades. Ils seront présidents et membres, d'assemblées populaires communales, et pareillement présidents et membres d'assemblées populaires de wilaya. Mais mine de rien, ils vont être les éléments décisifs au centre de la convergence de toutes les sollicitations citoyennes et les centres d'intérêts les plus fréquentés par les populations. La commune et la wilaya, ces collectivités territoriales, représentent depuis l'indépendance le cadre institutionnel de réponse à tous les besoins quotidiens, infinis et évolutifs en matière de services, d'aides et d'autorité. Depuis 1967 pour les communes et 1969 pour les wilayas, les algériens choisissent leurs élus, chaque quinquennat. Comment cela se passait-il, alors ? Tout dépendait de l'idéologie dominante du moment.

Le parti unique avait décidé que ne seraient élus que ceux qui en sont adhérents. Oui mais comment choisir puisque tous les candidats sont, en principe, du même bord ? À parti unique pensée unique, non ? Qu'à cela ne tienne. Ils inventeront le scrutin de la double liste. En clair, il y aura pour un nombre de sièges à pourvoir déterminé, un nombre double de candidats, et le tour est joué. On est illusionné d'avoir choisi, car l'un ou bien l'autre appliqueront le programme du parti unique. Et cette sublimation durera jusqu'au 12 juin 1990. Ce seront les premières élections locales pluralistes, après l'avènement du multipartisme, suite à la révolte du 5 octobre 1988, et à la révision constitutionnelle de février 1989. Elles verront la victoire des élus islamistes du parti du FIS dissout dans quasiment toutes les communes d'Algérie, et presque à travers toutes les assemblées populaires de wilayas. Ce triomphe politique, s'il en est, fut favorisé par la conjoncture notamment économique que traversait le pays, notamment, la reculade puis l'extinction brutale des avantages sociaux, que procurait l'Etat providence, suite à la chute du prix du baril de pétrole. Par la fraude massive et manifeste imposée par les islamistes, par la violence, verbale et physique, aux électeurs, dans tous les bureaux de vote, pour leur soutirer leurs voix. Et enfin par le mode de scrutin choisi. A l'époque le législateur avait opté pour la représentation proportionnelle. Ce mode de scrutin, était sensé être plus équitable, puisqu'il attribuait à chaque liste le nombre de siège qui correspond à son réservoir électoral. C'est l'un de deux modes majeurs de scrutin, avec le scrutin majoritaire, qui lui, donne la victoire soit à la liste, soit au candidat qui aura obtenu le plus grand nombre de suffrages. Bien sûr qu'il y a aussi le système mixte, qui mélange les deux premiers. Ceci étant, et puisque aucun mode n'est neutre il existe plusieurs variantes, cependant, toujours en panachant, le majoritaire et la représentation proportionnelle. C'est une question de probabilités, et de paysages politiques attendus, sinon voulus. En Algérie pour les élections locales et les législatives, le mode est toujours le même. Et les listes qui n'auront pas remporté ce soir après le dépouillement de 19 heurs, les 7%, des suffrages exprimés seront éliminées de la course aux sièges. Loi organique n°12/01, relative au régime électoral, en son article 66 alinéa 2, dispose : '' les listes qui n'ont pas obtenu au moins sept pour cent, des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges''. Ceci est valable pour les APC et les APW. Pour lés élections à l'assemblée populaire nationale, le seuil éliminatoire est de 5% des suffrages exprimés pour prétendre à l'attribution des sièges. Dans l'absolu, les élections sont des mécanismes dont l'objectif est de permettre aux électeurs la désignation, par choix de celui sinon de ceux, auxquels ils donneront mandats pour les représenter. Selon d'autres points de vue, elles peuvent servir à dicter un mode de pensée, ou bien à imposer la loi du plus fort. Ainsi les électeurs dans un contrat conclu par le biais d'un vote, avec les élus, leur transfèrent la volonté du peuple, et la légitimité nécessaire pour exercer leurs pouvoirs politique, législatif, économique, même syndical et aussi associatif. C'est ce à quoi se sont essayés les apprentis sorciers de la droite française, pour désigner le chef de leur moribond parti, suite au départ de monsieur, après moi le déluge. Comme l'histoire se répète, notamment en France. Voulant en cela imiter ceux du parti socialiste, ceux de la droite, vont probablement se faire hara-kiri. C'est La Fontaine qui moralisait, dans sa fable, la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf, en disant en somme, que l'on veut toujours paraître plus important que l'on est véritablement. Le mot le plus approprié de la langue française qui irait, mais alors, comme un gan de Millau, la capitale française du cuir et de la ganterie, au bide qu'avait connu l'opération électorale organisée par l'Union pour un Mouvement Populaire, c'est : la Bérézina. Ce mot a pour synonymes, désastre, échec faillite, flop, revers et ratage. La bataille de la Bérézina eut lieu du 26 au 29 novembre 1812 près de la rivière Bérézina, entre l'armée française de Napoléon Ier et les armées russes. Elle se termina en déconfiture des armées françaises, que certains historiens veulent réhabiliter, en leur attribuant la victoire. Mais ceci est un autre débat. Nous assistons donc depuis le 18 novembre 2012 à une mascarade électorale, dans laquelle se sont empêtrés ceux n'arrivent pas à s'entendre entre eux. Mais qui prétendent gouverner un pays de 60 millions d'habitants, la cinquième économie mondiale, mais aussi une puissance nucléaire, qui avait fait de mes compatriotes, les algériens, des cobayes, ou des gerboises bleues, pour posséder dès février 1960, sa nucléaire bombinette. Le père de cette arme destructrice est l'un de leurs illustres aînés, le général De Gaule, dont ils se revendiquent, sinon s'entredéchirent, l'héritage moral.

Ces messieurs dames là, avec leurs ministres,leurs députés, leurs sénateurs,tous leurs élus locaux,et tous leurs énarques,et ceux de normale sup', n'ont pas été capables d'organiser correctement, un scrutin, de 300 000 inscrits, adhérents de leur parti. Il s'agissait de départager, démocratiquement, en principe, qui de l'ancien premier ministre de Sarkozy, durant 5 ans, François Fillon, ou bien le maire de Maux, et ancien secrétaire général de son parti, Jean François Copé, prendrait les rênes de l'organisation politique de droite. A l'arrivée il y, eut insuffisance du nombre des bureaux de vote par rapport aux inscrits. Anarchie dans leur fonctionnement, des heures interminables d'attente pour pouvoir voter. Il parait que Fillon lui même avait du attendre plus d'une heure, à faire la queue pour se donner sa voix. Prolongation intempestive d'ouverture des bureaux de vote, ce qui laisse la voie libre à tous les doutes sur la sincérité des résultats. Et d'ailleurs beaucoup de cas de tricherie et de fraude ont été relevés, notamment dans la fédération UMP des Alpes Maritimes, troisième gisement électoral, en matière d'adhérents, mais aussi dans celle des Bouches du Rhône, et celle du Gard où il avait fallu dépêcher des huissiers de justice, afin de vérifier le déroulement et les résultats. Le président de la commission d'organisation et de contrôle des opérations électorales (Cocoe) Patrice Gélard, s'est quant à lui déclaré incapable de dire si les résultats seront donnés dans la journée. Au final, ce fut inélégant, grotesque et pitoyable. Car dès le départ le réel enjeu était minable, c'était une question d'ego surdimensionnés, qui avaient à la première épreuve politique éclaté au grand jour, comme de vulgaires ballons de baudruche. Ce n'était ni une affaire de programme politique pour remettre sur pieds un parti en vadrouille depuis la défaite de Nicolas Sarkozy à la dernière présidentielle de mai 2012. Ni une quelconque stratégie pour reconquérir le pouvoir. La place était à prendre et la mise était tentante, puisqu'il fallait pour les deux candidats, uniquement, de faire valoir leur personnalité.

Aucun plan d'action, aucun calendrier, aucune déclaration d'intention, n'étaient exigés. Le challenge était réduit à choisir entre, Copé, le représentant la droite sans complexe, c'est-à-dire, populiste et xénophobe, sans limites, qui flirte avec l'extrême droite, et la droite dite traditionnelle chrétienne, représentée par Fillon. Et cerise sur le gâteau cette commission de contrôle des élections, que l'on certifie depuis partiale, parce que, soutenant l'élection de Copé, avait tout simplement omis de comptabiliser les voix des français d'Outre Mer, ceux de la Nouvelle Calédonie, ceux de Mayotte, et ceux de Wallis et Futuna. Au total 1304 militants de droite, qui n'habitent pas en métropole avaient été privés de leurs choix. S'agirait-il, en l'occurrence, pour cette droite d'une résurgence atavique, des électeurs du deuxième collège ? Enfonçant le clou ou s'enfonçant d'avantage, Fillon avait dit : ''qu'un parti n'est pas une mafia''. Ce qui a été interprété, et à juste titre d'ailleurs, dans son sens contraire par toute la presse. Car en affirmant ceci, l'ex-premier ministre, connaissait celui, qu'il visait et l'affaire dont il était question. Ainsi, et pour apaiser les tentions entre les deux hommes et leurs deux clans, on fit appel a Alain Juppé, le sage qui saura contenir la crise. Mais de tous les avis, la cassure est déjà consommée et le sabordage imminent. Encore que monsieur Juppé avait été lui même en 2004 condamné à l'inéligibilité, dans l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris, et qu'il dut s'exiler un temps au Québec pour se faire oublier. Juppé partira forcé, sans avoir apporté le moindre début de solution. On rameuta et par ci, et par là, des pompiers, des casques bleus, pour modérer les ardeurs des uns et des autres. Et parmi ceux la, figurait, l'ancien président de la république Nicolas Sarkozy, qui dit-on proposera, au cours d'un déjeuner avec Fillon, le 26 novembre 2012, de refaire cette élection. Mais les choses sont demeurées en l'état. Le lendemain, monsieur Fillon déclarait à partir du musée social, qu'il créait avec d'autres députés, un groupe parlementaire, baptisé, Rassemblement- UMP, façon je t'aime, moi non plus, à la Gainsbourg. Il y eut également, parmi les conciliateurs, le sénateur UMP, monsieur Gérard Longuet, l'éternel extrémiste xénophobe de droite, qui avait été plusieurs fois condamné, pour ses faits de haine et de racisme. Et pour ne citer qu'un seul de ses exploits de ségrégation discriminatoire, c'était son opposition catégorique et quasiment dogmatique, à la nomination de Malik Boutih, un arabe né à Neuilly-sur-Seine, ancien président de SOS Racisme, Secrétaire national du parti socialiste et actuellement député, pour présider la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et l'Égalité.

À cette occasion, il avait déclaré :'' qu'il vaut mieux que ce soit le corps français traditionnel qui se sente responsable de l'accueil de tous nos compatriotes''. Plus gaulois, davantage franchouillard et cocorico que cela, tu meurs. C'est ce monsieur là, qui propose à son parti une solution qui n'en est pas vraiment une, puisqu'il suggère de couper la poire en deux, 50/50, qui avait fait, en cachette croyait-il, le 30 octobre 2012, un bras d'honneur aux algériens. Pour commenter la déconfiture de sa famille politique, il dit ceci : "Pour la première fois, l'UMP découvre grandeur nature la démocratie''. Oh ! Gérard, tu es en retard de quelques siècles.

La démocratie est pratiquée depuis le VI èm siècle avant JC, en Grèce antique, dans la cité d'Athènes. C'est vrai qu'en France, elle est plus jeune, car pratiquée au moins depuis 1789. Mais de là à te montrer piètrement anachronique, me donne alors l'aubaine de te dire, que le bras d'honneur clandestin, d'un amnésique volontaire, en plus de l'ignorance, c'est vraiment court sur pattes et ça n'a pas fière allure, monsieur l'ex-ministre de la défense. Quant à nous, nous voulons que nos futurs élus, les maires, les P/APW et tous les conseillers, les hommes et les femmes, aient déjà compris, qu'ils ont choisi un métier pour être au service des autres, de leurs concitoyens, ceux qui les ont élus et ceux qui ont voté pour leurs concurrents. Ils devront s'attacher à répondre aux besoins et aux demandes des citoyens de leur circonscription, dans le cadre des prérogatives et des attributions que leur confèrent les lois et les règlements de la république. En devenant hommes et femmes publics, ils ne s'appartiennent plus. Et si la bâtisse dans laquelle se trouvera leur bureau s'appelle la commune, il faudrait, que les futurs élus s'en empreignent dès à présent, pour qu'elle le soit effectivement. C'est-à-dire, la maison commune à tous. Le lieu de socialisation de tous les liens. Il s'agira pour eux, tous les jours de l'année, durant la mandature de cinq ans, d'être là, pour satisfaire la demande locale en matière sociale, économique, culturelle, de santé publique, d'alimentation en eau potable, de transport, de logement, d'emploi, d'équipements publics et de développement et d'aménagement durables des espaces de vie et de leur préservation. A ce sujet et à titre d'amical conseil, Hama el Fahem, voudrait restituer son expérience d'ancien premier magistrat de son village, peut-être servira-t-elle ? Le jour où il fut élu en 1967, lors des premières élections municipales de l'Algérie libre souveraine et indépendante, maire de son village Zaaroura, près de Souk-Ahras. Un coin de paradis dans l'Algérie profonde, où la vie ne court pas, elle s'écoulait à son allure, c'est-à-dire à vitesse humainement quiète et sereine. Lui qui croyait se reposer après sa guerre de libération, alla quand même travailler. Le siège de la commune c'était la plus importante bâtisse du village, et pour lui faire honneur, il remit son costume de mariage. Sa femme l'accompagna du regard, jusqu'à ce qu'il disparaisse de sa vue. Elle s'était revue, un furtif instant en images évanescentes, en jeune mariée. A la mairie Hama el Fahem, fut littéralement englouti, par les membres du conseil municipal, qu'il fallait gérer, selon la psychologie de chacun. Il fallait délibérer, mais aussi envoyer ces actes au siège de la Daïra pour que les décisions du conseil, soient exécutoires, l'approbation était le précieux sésame, pour que Hama ait le moindre sou, pour soulager les contrariétés des ses administrés. Et encore il fallait que le receveur communal valide les factures, qui doivent lui être transmises avant la clôture mensuelle des comptes, avant le 20 de chaque moi. La vieille Renault 4L, le seul véhicule de la commune, n'arrivait plus à soutenir le rythme. Les incessants allers et retours, entre le siège de la Daïra, le bureau du receveur communal, la brigade de gendarmerie, et toutes les réunions, à la Daïra, à la wilaya. Elle s'essoufflait, les pièces manquaient au magasin et le mécanicien du village refusait de réparer, tant qu'il n'avait pas encaissé les factures des années passées. Les citoyens se plaignaient. Le ramassage des ordures se faisait un jour sur trois, il y avait un seul tracteur, pour ce faire et quelques brouettes déglinguées. Le mazout manquait pour chauffer les 12 classes, de la commune et la cantine servait des repas froid. Et puis, il lui fallait s'apprêter pour son voyage à Alger pour assister à la réunion annuelle des P/APC d'Algérie, que le président Boumediene allait honorer de sa présence. Il lui avait été demandé par le wali de préparer un rapport pour la circonstance.

Le secrétaire général, qui savait le faire habitait en ville et qu'il fallait ménager, durant toute la rédaction. La seule sténodactylo, devait rentrer chez à 17 heures sonnante. Les jeunes de l'équipe de football, qui demandaient une tenue pour engager la saison, et des travaux, à réaliser au stade pour qu'il soit homologué par la ligue de wilaya. Les demandes d'audience qu'il fallait respecter, et, et. Ça n'arrête pas. Le soir venu, il rentra desséché et épuisé à la maison. Les dernières femmes du village, venues complimenter et congratuler sa femme pour l'élection de son mari, le rencontrèrent sur le pas de la porte. Il les salua avec considération, comme il savait le faire. Vidé et allongé sur son lit pour dormir, sa femme, sur le ton de la confidence lui dit :'' maintenant il va falloir que tu nous construises, une petite murette devant la maison, comme ça, quand je sortirais pour étaler le linge à sécher, cela me protégera des regards des autres''. Hama lui répondit calmement, avec ce qui lui restait d'énergie :'' si tu parles des gens de zaaroura, ils te connaissent tous, et depuis toujours. Tu n'as rien à craindre''. Et il s'endormit pour repartir travailler à la mairie le lendemain. Toujours philosophe, sacré Hama el Fahem.