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La meilleure des réformes ne vaut que par sa portée

par Farouk Zahi

A supposer que l'arsenal juridique mis actuellement en débat puisse voir le jour, quels en seraient les dividendes escomptés par le commun des citoyens ? Se sentira-t-il interpellé pour apporter sa pierre à l'édifice commun à construire ou continuera-t-il à tirer au flanc comme à l'accoutumée ? Dessaisi de sa responsabilité communautaire et historique, ce quidam ne croit plus en rien, même à son propre labeur qu'il considère contraignant et inutile.

La plus grande des thérapies que l'on puisse appliquer à la machine administrative oppressive, serait la méthode médiévale qui consistait à cautériser les parties malades. On la subissait avec des contorsions douloureuses, mais on en guérissait.

A l'instar de la cheminée, l'institution ne peut être ramonée que de l'intérieur. L'école, ce panthéon du savoir a été transformé au fil des générations en mouroir de l'esprit. De ce proviseur de lycée qui reçoit une injonction de sa tutelle locale pour transgresser les règles pédagogiques établies, à cette professeure de collège qui brise la main d'une de ses élèves, à cet économe pédophile à qui on confie le sort d'enfants assistés ou encore à ce collégien qui séquestre son enseignante, l'on est en droit de se demander si cette même école n'est pas entrain de se dévoyer en foire d'empoigne.

Ce bon vieux directeur que l'inconscient infantile a classé parmi les justes, n'est que l'ombre de lui-même. Lui qu'on ne voyait, fréquemment, arpenter la cour pour se rendre dans les classes, n'est plus visible. Il croule présentement, sous le poids d'un capharnaüm paperassier. Il passe le plus clair de son temps à rendre compte et à quémander de menus besoins à un maire aussi insaisissable qu'un spectre sidéral.

Ce maire que le sort a placé à la tête d'une collectivité qu'il considérait, avant son élection, comme l'éden où il fait bon vivre, va vite déchanter sous l'emprise tutélaire. Il se rendra compte et vite que ses rêves d'antan ne sont en fait qu'une chimère. Il fera fréquemment antichambre, pour accéder à des agents administratifs subalternes espérant ainsi régler, quelques problèmes de son électorat. Sa dignité, mise à mal, peut être sacrifiée pour la bonne cause. Il sera souvent indigné par le peu de cas que fera sa tutelle, de choses qu'il aura jugées vitales. Ruminant ses dépits un à un, il se surprendra à jouer le même jeu dont il a été l'objet : louvoiements et exercice éhonté de la force d'inertie.

Sa tutelle locale, n'est pas mieux lotie. Elle subit, elle aussi, des pressions verticales qu'aucune logique ne peut transcender. Elle peut, sous le feu de la précipitation, recevoir une injonction et son contraire. Les relations tendent de plus en plus à l'oralité, les traces matérielles d'une instruction sont souvent absentes ; elles se fondent dans des orientations générales édictées lors de réunions formelles sans écrits. Il faudra encore demander des avis ici et là, sans garantie de conformité avec la réelle pensée du décideur. Les textes réglementaires régissant la chose publique ne sont instrumentalisés que pour sévir, presque jamais pour protéger l'agent public. Il est fort à parier que le bras de fer qui a, récemment, opposé deux entités régaliennes et révélé par la presse à la wilaya de Naama, connaîtra l'épilogue que les us administratifs ont, de tout temps, consacré. Le déchu s'entendra dire : « Oui ! Vous avez raison, mais on ne peut créer de précédent? il y va de la crédibilité de l'Institution. » Quant à l'instance immédiatement supérieure, dont certains en ont fait une principauté, elle demeure, cependant, fragilisée par son environnement psychologique.

Elle n'arrive toujours pas à se départir du rôle qui lui colle à la peau de gardien du temple légué par la défunte, mais néanmoins, vivace pensée unique Elle sécurise, emploie, éduque, soigne, loge et offre des intermèdes festifs. Telles sont ses obligations institutionnelles ; faut-il encore qu'elle ait les moyens de les assumer toutes. On évoque pour ce faire, les énormes moyens financiers mis à disposition ; est- ce encore suffisant pour faire changer les mentalités de comportement ? Le cas de la polémique partie de Djelfa, est révélateur de la fragilisation de la mission publique.

Il est certain que si des gardes fous avaient préalablement, jalonnés ces sentiers étincelants, on ne laverait pas, aujourd'hui, à l'air libre. Qui a déclenché le jet de ce pavé dans la mare ? L'opacité est, assurément, là à chaque fois que l'urgence est décrétée. Il est devenu, fréquemment, admis que les visites de travail et d'inspection annoncées à l'échelon suprême de l'Etat, génèrent par ricochet des dépenses imprévues et difficilement évaluables. Sous la contrainte de l'événement, l'ordonnateur de la dépense publique, peut allégrement fouler les règles d'orthodoxie budgétaire à la satisfaction générale, mais il en subira, seul, les désagréments dès que les clameurs se soient tues. Une multitude d'opérateurs publics réclamera à cor et à cri les créances détenues sur les collectivités territoriales au crédit desquelles, elle a résolument cru. Certains services centraux qui ont, quant à eux, opté pour la politique de la canonnière pour dissimuler leurs tares et manquements vis-à-vis de leurs prolongements territoriaux, scrutent d'autres horizons. Ils font de la coopération internationale un gisement inépuisable, pour que les mêmes, comme toujours, aillent s'aérer sous d'autres cieux. Ceux ci, ne se feront presque jamais violence pour se faire l'obligation, de rendre compte de ses virées grassement rémunérées. En ce qui concerne la Mission officielle encadrant le «hadj» aux Lieux saints de l'Islam, il y bien longtemps que le ver a investi le fruit. Allah yaqbal In Chaa!

Toute institution est réputée être une personnalité morale ; à ce titre, elle doit faire de l'honneur et de la parole donnée, un sacerdoce qu'aucune contingence ne doit profaner ou parjurer. Ce n'est qu'à ce prix et à ce seul prix que les esprits chauffés à blanc par les dénis, les passes droits et l'incurie pourront être interpellés quand il s'agira de mobilisation citoyenne et d'édification communautaire nationale. Songe-t-on, quelque part, à l'après pétrole ou bien continuera-t-on à importer, niaisement, notre petit déjeuner fait de café, de lait, de sucre et de pain de farine ? Cette équation, tellement simple, résume toute la problématique d'un développement socioéconomique pertinent qu'aucune agitation, ni déclaration d'intention ne peuvent résoudre à moyen terme. S'il y a refondation, c'est celle de l'esprit qu'il faut vite entamer.