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LE FEELING D'UN PARTI EN ALPAGA

par El Yazid Dib

L'islamisme politique n'est pas uniquement le produit des régimes. Il est aussi le résultat de l'amorphie de tous les autres partis.

Avec la montée du courant islamique en milieu arabe, la politique s'annonce autrement. Ce sont les nouveaux partis qui pratiquement ont eu le vent en poupe. Ils se sont dressés, tous comme des bâtisseurs du nouveau monde politique. La démocratie est la solution. Un parti n'est grand que par, d'abord la grandeur de ses idées ensuite de ses hommes et enfin de sa dynamique à pouvoir changer et bouger les êtres et les choses. Sa présence structurelle semble donner entre deux échéances électorales l'impression d'une simple existence d'un néant soit l'illusion de la coquille vide.

Avec un personnel et un esprit des années du parti unique, l'ensemble des partis n'iront pas vers le fond philosophique de la démarche qu'ils semblent à priori préconiser. Ils demeureront otages des caciques et de groupes corporatistes forts jaloux envers toute « pénétration ». Faisant dans une nébuleuse volonté, leur propension de changement, ils n'arborent qu'une démocratie de bavardage dénuée de toute logique propre à un parti où le centralisme démocratique est une règle d'or. La défection collective de militants, les abdications successives de chefs des structures locales, désavoués par les commissions centrales dans l'établissement de listes n'ont cessé de mettre à jour le malaise que connaissent tous les partis. Le redressement est devenu un mode opératoire supplantant les congres et qui gangrène crescendo toutes les communautés. Les opportunistes, les attentistes et les profiteurs sans idéologie ni conscience continuent à se positionner dans un luxe matériel singulier. Il en est de même pour les ex-acteurs des scandales fonciers et financiers qui commencent à l'approche des élections parlementaires à faire déjà leur apparition. De ces spécimens inouïs, les partis en sont gravement servis.

En précampagne B. Soltani, apparaissait récemment sur l'un des écrans comme un nouveau messie néo-démocrate. Laissant le choix à son vis-à-vis de qualifier à son bon vouloir la nature espiègle du tremblement de terre qui a secoué la région arabe, en termes un peu opaques. Révolution ou changement ? L'invité, connu pourtant pour sa verve littéraire, n'a pu se découdre de ses plis fuyards et évasifs lorsqu'il s'essaya de disserter sur les probabilités d'une révolution similaire en terre nationale. La tergiversation n'était plus chez lui une hésitation, mais une approche de discours vidé de tout substrat qu'exigerait une clarté positionnelle politique. Il aurait le Monsieur, défendu le système mieux que l'aurait fait un ministre de l'intérieur. «Notre présence ou retrait de la coalition présidentielle ne changera rien» a-t-il assené tout en sachant que sa présence est une caution au régime et son retrait une rude rupture et une fissure dans la présumée entente nationale. Les circonstances ayant prévalu à son institution, devait-il dire ne sont plus à l'identique. Ses fondements basés notamment sur l'accord de la réconciliation nationale, l'arrêt de l'effusion de sang, la levée de l'état d'urgence ne sont plus d'actualité. Le monde a évolué. Au moment où il juge à sa décharge que la «stabilité» ne saurait faire perpétuer un régime, il s'omet de versifier qu'il fut l'un des maçon-artisans à sa consolidation. Il n'a pu admettre que ce sont ces «changements» régionaux, révolutionnaires par définition, qui ont fait leur impact sur son recul tactique et progressif. Le flair n'est pas une vertu sensorielle accordée uniquement au règne animal, c'est un éveil précoce en sciences politiques.

Un feeling instinctif managérial. Se ravisant, il tenta de faire disculper sa personne par le chouracratie de la corporation qu'il dirige, seule instance dit-il capable de dessiner la décision à prendre en ce sens. Quitter à temps le navire qui semble couler en traversée houleuse ou attendre l'approche du rivage pour le faire, tel semble être le dilemme complexe dans lequel nage le trublion néo-modéré. Quand on est à un tel niveau de l'exercice de l'acte politique l'on n'a pas à justifier une posture par un « avis personnel » cet avis justement ne doit être que l'aboutissement substantiel d'un avis collégial partisan. Car les soubresauts qui agitent le parti du mouvement de la paix, au sens de son chef ne peuvent être que de l'information que parcoure, par lecture médiatique seulement une élite dans les rues de la capitale « le peuple ne connait rien de ses dissensions, il est occupé à autres choses ». A quoi ? A chercher un bidon d'huile ou dénicher quelques morceaux de sucres ? Voilà, aurions-nous compris à quoi rime l'existence d'un peuple. Le peuple est ainsi un nombre, une multitude, un conglomérat qui n'a pas à s'immiscer dans les affaires intérieures d'un parti. Les querelles de leadership ne l'intéressent pas. Mais encensé, flagorné d'une échéance à l'autre ; il doit quand bien même aller en foultitude aux urnes, déposer son papier et attendre, ne s'était-il empêché de susurrer. Le Monsieur à quelques questionnements de concitoyens pourtant affables et inaccoutumés dans ce genre de direct, avait pris la robe magistrale d'un excellent défenseur des charmes de la démocratie. Il dédouanait en fait toute immixtion extra-civile dans le giron de la pratique politique. La banque Baraka est devenue une simple affaire de justice classée, sans plus. Les souvenir, comme l'histoire sont parfois de vrais rattrapeurs. Nonobstant ceci et cela, de beaux jours sont en perspective dans le ciel du Hamas, tel que prédit par une météo propice à l'hiver vert qui couvre déjà le Maghreb.

C'est ainsi que l'on s'aperçoit au fur et à mesure de l'effilement de toutes les élections que les batailles dans ces partis n'ont jamais pris l'allure de courants idéologiques contradictoires. Les conflits opposaient les personnes, les clans et les familles et non les idées ou la nature de projets sociaux. Il reste édifiant encore de pouvoir constater avec lassitude que même avec la survenance, d'ailleurs salutaire d'autres associations politiques, certains partis privilégiés tiennent à contrario du discours à imposer une caste au nom d'une légitimité, non plus historique mais militantiste. L'opportunisme est confectionné grâce à l'octroi d'une carte ou le renouvellement d'une autre. La lutte n'apparaît qu'autour de l'échéance de vote qui fera, croit-on toujours savoir, des hommes publics pour ceux qui ne sont que de quelconques noms usuels.

Dans ce conglomérat partisan subsistent encore des os préhistoriques. Ils pensent s'éterniser à jamais dans le confort des mandats électoraux nationaux. De ministre à députés, ils s'investissent dans le mouvement associatif et font de la surenchère sur la tête des orphelins, des myopathes ou des cancéreux. La bienfaisance, l'achoura et le ramadhan sont une aubaine politique idéale pour affuter leurs appétits insatiables en termes de remplissage des fauteuils de privilèges. Un des leurs qui fait son histoire en silence mais gravit les échelons petit à petit, crèche sans rougir dans les hauteurs sud de Sétif. Le doctor sait faire la politique du manger et des zerdas. Son panel n'est maintenant constitué que de grosses fortunes, de l'immobilier et du promoteur. Adieu les étudiants, Adieu les pauvres gens. Les Hamasistes sont goinfres et non plus lotis que les autres partisans. Comme des arrivistes de Saint Antonio, ils viennent et ne repartent jamais. Les autres également. Le paradoxe des sociétés arabes révolutionnées, c'est cette hérésie qui déchire l'élite dite avant-gardiste. L'observateur sait que les courants islamistes étaient en couvaison dans leurs cellules dormantes. Ils se positionnaient dans un immobilisme averti, car plus exposés à la surveillance politique des régimes en place que les autres corporations.

Laissant de ce fait la prise d'initiative de renversement aux moins fichés. Les jeunes, l'élite. N'ayant pu faire de la révolution un trophée personnel cette élite partisane ou silencieuse a favorisé amplement la mise en vie dynamique de la mouvance islamique. Le terrain étant vide et inoccupé, voilà que messieurs les demi-barbus, à défaut des barbes longues et touffues prennent sans crier gare les dessus des destinées populaires. Mais en finalité le monde n'aura pas peur. Ils se sont fait une cure de jouvence. Que les démocrates ou se disant tels, acceptent bien la voix des urnes et continuent à exercer le droit à la différence. Fini, espérance de mise ; le temps des incertitudes et de la trouille de vous voir blâmer à cause d'un mégot tenu en vos doigts ou en votre look de cheveux gelés. L'espoir reste suspendu à l'action future. L'on verra la tolérance ou l'approfondissement des interdits et des tabous. Seule la pratique de l'acte politique déterminera les intentions des uns et des autres. Que le Hamas Soltanien ne soit pas le Fis Belhadjien. Que l'alternative au pouvoir soit une vraie conviction chez les maitres du moment ou du proche moment.