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L'Algérien d'en bas

par El Yazd Dib

L'Algérie d'en bas, n'est pas une opération de niveau ou d'étage, loin d'être encore un souci de situation géoéconomique. C'est ce bout de pays que l'on ne regarde pas souvent. Oublié dans une colline ou au flanc d'un mont, c'est le pays qui se meurt devant l'opulence de l'autre bout du pays. Les capitales. L'Algérie d'en bas ce n'est qu'un p'tit cri provenant des entrailles de la terre. Qui réclame du lait, sans sucre et fait la quête d'une liberté, comparable à celle d'un oisillon, pour survoler les horizons qui l'entourent. Il nous suffit en somme de bien dévisager l'état économique de nos élus, de visionner lentement le planning politique de nos dirigeants et d'écouter régulièrement les râlements de nos cadres ; pour que l'on puisse se dire en face et avec résolution des vérités pas bonnes d'être des vérités à dire. Les démissions se succèdent à la mise volontaire en retrait anticipé par ceux, rares qui continuent à croire en un probable espoir. L'algérien d'en bas, ce bout d'homme ne sent ni ressent plus ce plaisir de pouvoir prolonger sa servitude à L'Etat, ses entités, ses entreprises, ses universités, ses trottoirs, ses poubelles tant que ceux-ci se trouvent entre des doigts malhabiles et aux phalanges démolies.

On ne peut demeurer indifférent face au gâchis qui vous agresse à longueur de journée. Votre rôle de scrutateur national, voire de mémorialiste vous ébranle méchamment pour vous pousser tel un correspondant talentueux à dire, décrire, crier et décrier les affres d'une cité, d'une vie ou d'une chose. La ville continue malheureusement à mourir. Une APC élue à branle-bas, dans une agitation politicienne des plus inédites va renaitre aussi dans le nouveau modèle électif en cours d'approbation. Dans un temps le pousse-pousse au niveau des sièges offerts faisait le privilège du plus âgé. Ce ne sera pas, le plus âgé qui sera maire, mais le plus hardi. Depuis, toute une suite d'âgés et de moins âgés se succèdent aux commandes d'une structure populaire prise en otage par des codes pleins de verrous. Le maire véritable déversoir de colère encaisse sans pour autant qu'il arrive à susciter le soulèvement des cœurs meurtris. Il ne fait que dans le maintien ou la trajectoire parlementaire ou sénatoriale. Si du moins mérite, il y en a. La misère communale côtoie toutes les cités transformées en mouroir pour des jeunes chômeurs que ni le filet social, ni l'attraction de l'agence pour l'emploi juvénile n'arrivent à les faire arrimer à la bonne borne de la haute citoyenneté. Ils ne font que grossir les rangs des misérables. L'école leur étant un carcan obligatoire, car au bout du cursus, ils sont guettés et vite happés par l'oisiveté et la déperdition scolaire. Benbouzid doit partir. C'est une question vitale, une raison d'Etat. Il ne peut à peine de rendre fous, enseignants, élèves, parents d'enseignants et d'élèves, continuer à régenter à l'humeur l'école et l'avenir de descendances croisées.

L'algérien d'en-bas, ce minuscule citoyen des petites cités est aussi celui qui ne fait pas l'événement mais le consomme. Il est justement le propos de l'événement. C'est lui qui dit devant le zoom, l'éloge, le hamdoulilah et les mercis. Il est électeur et sujet d'une commune. L'une des plus grandes cités du pays, la ville et non le village mérite mieux qu'un esprit municipal versé dans le compagnonnage de maquignons, des infertiles et des convoiteurs tout azimut. Le maire qui devra dorénavant officier aux destinées de la cité, métropole culturelle et industrielle ; devait d'abord jouir d'une assise populaire due, non aux magouilles électorales d'une époque révolue, mais à la hauteur de vue, la sagacité et l'intelligence bienfaisante. Si la cité d'en bas se meurt, c'est que ses trottoirs jadis bornés d'une pierre taillée, le sont actuellement à coup de béton, de carrelages et de dalles de sol. L'effort peu louable ainsi consenti, ne se voyait qu'au niveau des alentours de la wilaya, dire qu'il n'existait qu'un seul et unique citadin le locataire de la wilaya. Car le bon sens de la notion de l'ordre public vise fondamentalement à créer une sensation de bonheur. Le développement social devient de la sorte tel un moyen et non un objectif en soi. Comme l'économique, il doit atteindre le plein emploi, la bonne croissance, juste pour mettre à la disposition de la masse le confort et le réconfort

Nous disions en temps opportun que la commune ne devrait pas être une situation d'égout mais de niveau. Elle sera l'expression d'un savoir faire et une oreille attentive aux doléances mêmes intempestives de tous les électeurs. Elle ne peut dans ces cas se prévaloir d'être le cénacle de groupes ou d'un parti encore de familles. Au plan culturel, il y a tout ce qui peut vous donner l'envie ardente de changer de résidence. Au pire, se cantonner dans la parabole ou s'immobiliser dans la connexion satellisée à n'importe quel site, demeure une évasion des registres d'enregistrement des naissances.

L'idée liée au théâtre ou au cinéma, n'est qu'une bâtisse en éternel réaménagement. Fermée éternellement pour inscription, pour travaux, l'idée croule sous les décombres de l'insouciance culturelle du propriétaire communal, affairé à autre chose qu'au lyrique. Il n'y a que la tragédie et le drame financiers qui l'animent au lieu et place de la vie artistique, comédienne et scientifique.

Cet algérien à moitié citoyen, à moitié émeutier silencieux et pacifique comprend mal la tête qui pense à la place de sienne. Les maux de têtes injustement lui causent des nausées à chaque échéance dite importante. Lui aussi connait comment peut-on faire d'un jour morose une belle journée. D'une nuit de délires et mal étoilée, une longue nuit de noces. Le mi-citoyen d'en-bas sait aussi tisser les plis d'une loi d'innovation sur les reformes, en excellant dans la priorisation des mailles en cours. Paysan et nigaud, il ne fait pas devancer les bœufs par la charrue. Il sait guérir le mal viral d'une constitution avortée dès les premières semences fœtales. Son parti n'est pas celui qui émarge dans la période quinquennale électorale de qui il reçoit les dividendes pour une présence virtuelle ou se tenir dans un garde à vous suicidaire. Il a toute attitude à pouvoir crever, au moins par le bout acéré de sa plume ou le ton coupant de sa sonorité ; le destin qui guette la nation. Par contre il demeure ignare devant un maitre, et aphone devant le vacarme officiel. Il n'est pas un rejet fécal de l'histoire qui se fait, loin d'une chronologie, dans un laboratoire ou au sein d'une officine mal aérée. Il est là, pauvre et heureux dans un bout de son Algérie, heureux davantage à contempler ses déchirures et les blessures d'autrui. Il sert de marche à ceux qui sur un médicament anticancéreux gravissent le zénith ministériel.

Sur un autre registre, cet algérien est celui qui prend en sympathie Kadhafi et sa progéniture, sans pour autant épouser la thèse fugitive d'une diplomatie nationale rompue à la neutralité qui ne veut rien dire. Cette mécanique positionnelle affichée vers l'extérieur, qui doit comme un miroir renvoyer en copie la source ; lui est insignifiante et le laisse dans une intégrale indifférence. Tellement objet à la victimite de tant d'années de disette politique et de défaut de regard à son endroit, il prend en mansuétude les bourreaux qui ressemblent aux siens. Bachar et sa Syrie meurtrie sont aussi un ordre de jour verbal qu'entreprend machinalement cet algérien dans des espaces brumeux et ténébreux. Il ne digitalise pas un clavier, mais sait employer ses phalanges pour compter les quelques billets bancaires chiffonnés qu'un bureau de poste rural n'est plus capable de lui débiter en quantité voulue. Ceci lorsqu'il trouve un avoir à consulter et débiter, sinon sa poste, sa banque ou son trésor n'est installé que dans son système de débrouillardise journalière. Dans son habitat précaire, où le zinc lui sert de parois antisismiques, la tôle gondolée de faux plafond ; il ne peut s'associer à un réseau social type facebook, quant le réseau électrique ou d'adduction en eau potable le porte dans le carnet des abonnés interdits d'inscription.

Pour lui un gouvernement ou «houkouma» se limite dans la personne du maire du coin de son taudis. A la limite quand il coupe la route ou s'injecte dans l'émeute, il sait qu'un wali existe et ose même demander sa présence. Mais il ne sait pas que sa «houkouma» ne saurait être forte, sans matraques, que si elle dissipe le dénuement populaire dans lequel il se noie à longueur de temps. Elle ne saurait se crédibiliser à ses yeux non-voyants qu'aux termes où elle aurait en face une opposition aussi forte. «L'alternative au pouvoir» est un slogan bien emboîté par tous les leaders politiques notamment par ceux qui se rangent docilement dans l'opposition classique et façadière. Quoi de plus étonnant de voir se réaliser ce mot d'ordre au sein de leurs institutions ? Depuis quand Said Sadi, Ait Ahmed, Soltani, Louisa Hanoune, et les autres dirigent-ils sans partage leurs partis respectifs ? Qu'ils s'investissent davantage se dit-il dans ce qu'ils prônent comme leitmotiv à la succession et au renouvellement des instances ! La démocratie commence à sa porte pour s'étendre aux autres. Le reste du monde algérien, de surcroit celui d'en-bas finit bien par se lasser de ce personnel arrivé aux frontières de la stérilité. Alors que faudrait-il attendre de ce monsieur, algérien d'en-bas ? Qu'il aille voter ? Qu'il se recrute sur une liste de militants ou qu'il convienne de déposer sa candidature aux prochaines élections ? Pourquoi pas député ? Allez vers cette chambre c'est devenir l'expression de ses électeurs dans un monde égalitaire. Cette assemblée est certes la chambre la plus indiquée pour l'expression la plus plausible en matière de construction démocratique. Elle est de ce fait le maître d'œuvre, des œuvres législatives. Un pilier colossal soutenant les bouts angulaires de l'édifice étatique. Un député est en principe le représentant du peuple, de tout le peuple y compris celui d'en-bas. Il est le résultat donc d'une addition de voix lors d'une opération de calcul électoral. Mais en réalité ce n'est qu'une facture salée qui coûte cher au trésor public. Hélas une dépense obligatoire, néanmoins pas trop inutile du fait de l'utilité parlementaire dans un régime se vouant pleinement aux caprices de dame démocratie. Mais qu'en gagne notre pauvre algérien d'en-bas ? Le député de sa région le boude, le répugne l'ignore, lui le modique citoyen, le porteur de gros soucis, le quémandeur eternel, le mendiant de services. Ce représentant fonctionnarisé, omettant en début de mandat sa ruralité se complait maintenant dans les costumes galvanisés en affichant leur label de production ; laissé par idiotie en bout de manche. Ainsi si la fonction n'arrive pas à raser l'origine, le savoir-être n'est pas aussi tenu par un mandat ou un prétendu poste supérieur. Question de culture, mon vieux !

Les assises nationales consacrées à la société et ses émois qu'entreprend Monsieur Babès dans son périple de sillonner le territoire ; ne peuvent à elles seules inscrire le présent de cet algérien dans une approche d'avenir. Sauf s'il prend (babès) en ligne de compte sa non-participation et sa fausse représentativité comme preuve tangible de sa révocation sociétale. Devenant uniquement une unité de compte ou une mesure statistique, rien de plus. Le seul fait que cet algérien, dit-on, qui ne comprend rien, inculte, tari mais loin d'une inintelligence ne soit pas toujours une personne assistée et nécessitant à jamais la présence d'un mandant.