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Les dits et les non-dits

par Abdelkrim Zerzouri

Dans l'objectif de limiter la propagation du covid-19 sur son sol, la France a retiré l'Algérie et le Maroc des pays sûrs. Ainsi, la France a introduit sur la liste «rouge» ces deux nouveaux pays, qui rejoignent la Tunisie, déjà sur cette liste depuis plus d'un mois.

Cette mesure, annoncée par le ministère français de la Santé et de la Solidarité, prendra effet dès samedi 21 août. Les voyageurs marocains et algériens devront justifier des raisons impérieuses afin d'espérer entrer sur le territoire français. Quant à la raison qui a motivé la rallonge de la liste rouge, comprenant désormais 22 pays, les autorités françaises invoquent la détérioration de la situation sanitaire dans ces pays. Mais à voir de plus près cette situation sanitaire au niveau des pays concernés, on se rend compte qu'elle n'est pas plus inquiétante que celle enregistrée par des pays classés, pourtant, sur la liste verte. A titre de comparaison, notons que l'Algérie (classée sur la liste rouge), a enregistré par rapport à d'autres pays sur la même liste, une moyenne de 719 cas positifs en 24h dans les derniers 7 jours, plus de 10 fois en moins que le Maroc, près de 20 fois moins que l'Afrique du Sud et 30 fois moins que la Russie. Alors qu'aux Etats-Unis, classés au « vert », la moyenne enregistrée durant les 7 derniers jours s'élève à 143.792 cas en 24h !? Et pour mieux tordre le cou à cette logique, notons que les Seychelles, qui n'ont enregistré rien que 71 cas positifs en moyenne durant les 7 derniers jours, figurent également dans cette liste «rouge». En matière de détérioration de la situation sanitaire, ce sont les pays classés sur la liste « verte » qui enregistrent les plus fort taux de contamination. Quel raisonnement cartésien accepterait cette classification, si on suppose au départ que c'est la détérioration de la situation sanitaire qui motive le classement des pays dans des listes verte, orange ou rouge, comme l'expliquent les autorités françaises ? Il s'agit d'une décision souveraine, que personne ne peut contester, bien évidemment, mais rien n'empêche de décrypter les dits et les non-dits de cette décision. Contre quel risque compte se prémunir la France, si on sait pertinemment que les déplacements entre les deux pays sont très limités, et qu'il n'y pas beaucoup d'Algériens qui se rendent en France depuis la déclaration de la pandémie ? Sauf que durant cette fin de mois d'août et jusqu'à la rentrée sociale, un grand nombre d'Algériens, des résidents en France et ailleurs, ou des binationaux, qui ont regagné le pays à la faveur de la réouverture des frontières algériennes, doivent rentrer en France ou transiter par ce pays pour retourner dans leurs lieux de résidence. Le classement de l'Algérie sur la liste implique que tous les voyageurs arrivant de ce pays, exceptés ceux qui peuvent justifier d'un parcours vaccinal complet avec un vaccin reconnu par l'Agence européenne du médicament, devront présenter à l'embarquement un test négatif de moins de 48 h avant le vol, subir un test antigénique à l'arrivée en France et s'isoler pendant 10 jours. Là, on comprendrait mieux la raison du classement de l'Algérie sur la liste rouge, pour mieux gérer l'important flux de voyageurs algériens qui effectueront leur retour en France après une virée au bled, et pouvant constituer une menace sur la santé dans un pays gagné par le doute à cause de la hausse des cas d'hospitalisation en soins intensifs pour cause de Covid-19, qui ont dépassé les 2.000 ces derniers jours. On peut comprendre dès lors les inquiétudes des autorités françaises.