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Mémoire indissociable

par Abdelkrim Zerzouri

A quelques jours de la commémo ration de la «Journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives », instituée en 2001 par Jacques Chirac, et qui coïncide avec le 25 septembre de chaque année, la politique mémorielle du président français devrait franchir un nouveau cap dans un climat de précampagne électorale pour les présidentielles françaises de 2022. La France officielle, qui reste prudente quand il s'agit de « reconnaissance » de ses fautes et ses crimes durant la période coloniale, serait sur le point de mettre de côté ses hésitations et aller droit au but pour tenter de « réparer », moralement et financièrement surtout, les harkis et leurs ayant droits. Toute la presse de l'Hexagone en parle, le président français ne manquerait pas de clôturer en cette occasion le dossier des réparations.

Ouvert en 2018, quand il a débloqué 40 millions d'euros pour revaloriser les pensions des anciens combattants, ce dossier tiendrait une bonne place parmi les gestes forts attendus envers cette catégorie de la population, qui ne s'est jamais vraiment relevée de ce sentiment d'abandon, de trahison et d'amertume.

Des fonds plus importants seront, ainsi, accordés aux harkis et à leurs descendants. Le président français pourrait-il aller plus loin que ses prédécesseurs, jusqu'à satisfaire une revendication des associations des harkis et leurs ayants droit, à savoir la promulgation d'une loi de reconnaissance de l'abandon des harkis et de réparation financière ? Et pourrait-on s'attendre dans ce cadre de la politique mémorielle à d'autres gestes de la part de l'Algérie en direction des harkis, qui souhaitent avoir la possibilité de retourner au pays ?

Avec des liens enchevêtrés, le dossier mémoriel ne peut avancer sans étaler au grand jour tous les tabous. On se rappelle qu'à la veille de la précédente présidentielle, en 2017, Macron avait déclenché une forte polémique en qualifiant, à partir d'Alger, la colonisation française de crime contre l'humanité, une « vraie barbarie » qui « fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l'égard de ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes », devait-il convenir. Que dira à ce sujet le président français à la veille de la fin de son quinquennat ?

Certainement qu'il serait plus réservé, mais la reconnaissance, d'un côté, et le déni, de l'autre côté, ne peuvent faire le bien de la politique mémorielle. Peut-être que le temps de la parole est dépassé et qu'il faut lui joindre le geste concret.

Curieusement, depuis la fin de la mission sur « la mémoire de la colonisation », confiée de part et d'autre aux soins de l'historien Benjamin Stora et du docteur Abdelmadjid Chikhi, directeur des archives nationales, le dossier mémoriel fait presque du surplace. Faut-il s'attendre à un geste fort pour le booster à la veille de la célébration du déclenchement de la guerre de libération nationale ?