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Violences sexuelles à Ghaza: L'Algérie appelle à des enquêtes approfondies

par Mohamed Mehdi

Le bilan des carnages sionistes à Ghaza lors de la journée de lundi, 1er jour du Ramadan, s'est élevé à 72 martyrs et 129 blessés, a indiqué, hier, le ministère de la Santé. Les 8 massacres commis lundi font passer le nombre de victimes de l'agression israélienne contre la bande de Ghaza à 31.184 martyrs et 72.889 blessés depuis le 7 octobre 2023, a ajouté la même source.

De son côté, le bureau des médias du gouvernement à Ghaza a indiqué, mardi, que le nouveau massacre commis le jour même près du rond-point de Koweït a fait 9 martyrs dans des bombardements de l'occupation sur des Palestiniens qui attendaient des camions d'aide, porte à «plus de 400 personnes tuées par les tirs de l'occupation contre des personnes qui attendent les convois d'aide humanitaire».

Par ailleurs, depuis janvier, tenir des statistiques exhaustives du nombre de martyrs devient de plus en plus difficile pour les structures hospitalières à Ghaza compte tenu de plusieurs facteurs dont le plus important est l'état déplorable du système de santé soumis à des attaques incessantes. A cela, il faut ajouter les bombardements intenses et les attaques des snipers, ainsi que la situation catastrophiques des accès routiers, complètement défigurés par les engins de l'armée sioniste.

Pour toutes ces raisons, le ministère de la Santé à Ghaza a appelé, hier, les Palestiniens de l'enclave assiégée à «enregistrer leurs morts et disparus en ligne» afin de «mieux refléter le nombre réel de victimes de la guerre israélienne contre Ghaza».

Le ministère a déclaré que le système de santé à Ghaza étant en situation de «quasi-effondrement», il est «incapable de compiler un registre régulièrement mis à jour de toutes les victimes, martyrs et blessés, des attaques militaires israéliennes». Cet appel laisse clairement entendre que le nombre de victimes civiles du génocide en cours à Ghaza dépasse les chiffres annoncés quotidiennement.

Hier, l'aviation et l'artillerie sionistes ont bombardé plusieurs régions de Ghaza. La chaîne satellite Al-Aqsa a indiqué que l'artillerie de l'occupation israélienne a ciblé plusieurs zones des quartiers d'Al-Zaytoun et de Tal Al-Hawa, au sud-ouest de la ville de Ghaza.

Al Jazeera a rapporté, plus tôt dans la journée de mardi, qu'un bombardement contre une maison de la famille Al-Saqqa, dans le quartier d'Al-Zaytoun, a causé le martyr de 7 personnes, dont 5 enfants, et la blessure de 6 autres.

Un correspondant d'Al Jazeera a également rapporté que les corps de 11 martyrs ont été retrouvés mardi dans la ville d'Al-Qarara, au nord de Khan Younes. A Rafah, le journaliste a rapporté qu'il y avait eu plusieurs martyrs et des blessés, dont des enfants, dans le bombardement qui a visé, pendant la nuit de lundi à mardi, une maison du quartier saoudien. Selon lui, la ville de Hamad, au nord de Khan Younes, a fait l'objet de violents bombardements avant-hier soir.

A Deir Al-Balah, dans le centre de Ghaza, 8 personnes de la famille Abu Sinjar, sont tombées en martyrs et d'autres disparues sous les décombres à la suite du bombardement israélien de leur maison, affirme encore le correspondant d'Al Jazeera.

Position de principe de l'Algérie

Le représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations unies, l'ambassadeur Amar Bendjama, a demandé «des enquêtes approfondies» sur les violences sexuelles commises par les forces d'occupation dans les territoires palestiniens, appelant une nouvelle fois à l'imposition «urgente» d'un cessez-le-feu à Ghaza pour mettre un terme à ces atrocités.

A propos du rapport de la représentante spéciale du Secrétaire général de l'ONU sur la violence sexuelle dans les conflits, Pramila Patten, sur les accusations de viols qu'auraient commis les combattants du Hamas lors de l'attaque du 7 octobre, M. Bendjama a rappelé une «position de principe» de l'Algérie à ce sujet.

«Je tiens à souligner la position de principe de l'Algérie, selon laquelle personne, homme ou femme, quelle que soit sa religion ou son origine, ne devrait endurer les horreurs des violences sexuelles», a déclaré M. Bendjama, qui a indiqué avoir pris note du briefing lundi de Mme Pramila Patten.

«De tels actes sont clairement condamnés par notre religion et les responsables doivent faire face à de graves conséquences dans les limites de la loi», a-t-il poursuivi, estimant toutefois «impératif que des enquêtes approfondies (...) soient menées avec le plus grand sérieux et la plus grande diligence».

Tout en affirmant espérer que Mme Patten obtiendrait l'autorisation de «visiter de nombreux centres de détention où les droits humains des Palestiniens sont violés, avec plus de 3.484 détenus administratifs emprisonnés sans procès», M. Bendjama estime que la «présence dans la bande de Ghaza» aurait permis à la représentante spéciale du Secrétaire général de l'ONU de «constater par elle-même l'ampleur des abus sexuels infligés aux Palestiniens par les forces d'occupation et de les transmettre à la communauté internationale».

«La violence contre les Palestiniens (...) n'est pas simplement un acte sporadique. C'est une politique délibérée perpétuée et même approuvée par les autorités d'occupation» dont les responsables «restent souvent protégés par l'impunité», affirme le représentant de l'Algérie qui rappelle que «depuis 2001, malgré le dépôt de 1.400 plaintes par des Palestiniens pour actes de torture, seules trois enquêtes pénales ont été ouvertes» et qu'aucune «n'a abouti à une quelconque inculpation».

Il a rappelé, par ailleurs, qu'»en 2022, lors d'un incident terrifiant, les autorités israéliennes ont qualifié l'ONG +Défense internationale des enfants – Palestine+ d'entité terroriste après avoir dénoncé le viol d'une enfant palestinienne de 15 ans par les forces israéliennes».

En outre, a-t-il poursuivi, les experts de l'ONU ont également exprimé leur «profonde détresse» face aux rapports détaillant les abus physiques et psychologiques contre les femmes et les filles palestiniennes en détention, indiquant qu'elles ont subi de nombreuses formes d'agressions sexuelles.

«Il est impératif de mettre un terme à ces atrocités immédiatement, aujourd'hui, avant demain. Cela nécessite l'imposition urgente d'un cessez-le-feu. Il n'y a pas d'alternative», a conclu M. Bendjama.

«Qualité limitée et/ou médiocre des preuves médico-légales»

De son côté, Riyad Mansour, l'envoyé palestinien a dénoncé la politique de deux poids deux mesures du Conseil de sécurité de l'ONU en matière de violences sexuelles, rappelant que «pas une seule réunion n'a été organisée sur les preuves trouvées depuis de nombreuses années par les Nations unies sur les violences sexuelles commises par les Israéliens à l'encontre des Palestiniens».

Mansour a reproché à Mme Patten de ne pas être entré «dans les détails des preuves existantes des Nations unies (qui) indiquent que des violences sexuelles sont commises à l'encontre de Palestiniens en Cisjordanie occupée» et «n'a invité aucune de ces entités à présenter des preuves lundi à New York», a-t-il ajouté.

Pour rappel, dans son rapport présenté le 4 mars 2024, la commission de Mme Pramila Patten affirme que «sur la base des informations recueillies auprès de sources multiples et indépendantes, il existe des motifs raisonnables de croire que des violences sexuelles liées au conflit ont eu lieu lors des attentats du 7 octobre». Cependant le rapport note également que la mission «a été confrontée à plusieurs défis et limites supplémentaires dans ses efforts pour recueillir des informations sur les incidents de violence sexuelle».

Parmi ces «limites», le rapport cite (page 13) : le «manque d'accès à des informations de première main témoignages de survivants/victimes de violences sexuelles», précisant que malgré l'insistance des enquêteurs de l'ONU, la mission n'a pu rencontrer «aucun» parmi les «survivants/victimes de violences sexuelles».

En page 14, le document évoque clairement la «qualité limitée et/ou médiocre des preuves médico-légales sur les cas de VSLC (violences sexuelles liées aux conflits)».

«L'analyse des preuves médico-légales a été entravée par la disponibilité limitée de matériel médico-légal rassemblé par des professionnels, dispersion du matériel et partage insuffisant entre les différentes agences étatiques, une organisation limitée des photos et vidéos ainsi que de leur classement inadéquat. De plus, le processus de classification du matériel, y compris la liaison des personnes avec des photos et des vidéos spécifiques est toujours un exercice en cours par les autorités compétentes».

Et d'ajouter encore que «certaines descriptions ou allégations de mutilation génitale n'ont pas pu être évaluées de manière adéquate en raison de la disponibilité, organisation et/ou qualité limitée des photos et vidéos». En page 15, le rapport précise que «l'information rassemblée» provient «en grande partie d'institutions nationales israéliennes», et ce «en raison de l'absence d'entités des Nations Unies opérant en Israël, ainsi que du manque de coopération de l'État d'Israël avec les organismes compétents des Nations Unies dans le cadre d'un mandat d'enquête».