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Abdelmadjid Chikhi: La France finira un jour par reconnaître ses crimes

par Abdelkrim Zerzouri

Les chiffres des horreurs commises, le 8 mai 1945, par l'armée coloniale française à Sétif, Guelma et Kherrata s'entrechoquent, allant de 1.165 victimes selon les autorités françaises de l'époque, à 45.000 victimes selon les autorités algériennes, pour arriver à 90.000 victimes selon une dernière estimation du conseiller à la présidence de la République chargé de la Mémoire et des Archives, Abdelmadjid Chikhi. Dans un entretien accordé à la radio régionale de Sétif, M. Chikhi a révélé que certaines sources américaines auraient parlé de 90.000 morts eu égard à l'atrocité des crimes commis par l'armée coloniale française.

Non sans préciser que «c'est une occasion douloureuse que nous célébrons pour nous souvenir des sacrifices des martyrs tombés en peu de temps que nous n'avons pu compter avec précision jusqu'à aujourd'hui». Deux questions doivent être rappelées, relève l'intervenant, la première est la promesse de Charles de Gaulle et des responsables français d'accorder l'indépendance à l'Algérie après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la seconde est que cela est complètement faux. Il est plus exact, ajoute-t-il dans ce sillage, de dire que les incidents étaient planifiés et que la traque des Algériens avait été préparée près d'un an avant le 8 mai 45, après la mobilisation des armées françaises en Tunisie et au Maroc et le relèvement du niveau de formation des soldats. «L'armée française, soutient-il, savait pertinemment que quelque chose allait se passer, c'est pourquoi elle a fait venir des soldats en dehors de l'Algérie. L'opération était bel et bien planifiée».

Rappelons que le Manifeste du peuple algérien de 1943 revendiquait explicitement l'indépendance, exigence fermement établie depuis le 5 juillet 1830. M. Chikhi en convient, ce qui s'est passé en 1945 est un véritable soulèvement dans l'histoire du pays, qui a donné une flamme à novembre 1954, qui a apporté la victoire et l'indépendance, mais il ne faut pas oublier que les premières étincelles se sont produites le 1er mai à Saïda et au niveau de la capitale, et le point culminant de ces manifestations à Sétif, Guelma et Kherrata. «Force est de constater que ce qui s'est passé en Algérie n'a pas été facile, et ce que les autres écrivent et ce qu'ils mettent dans leurs rapports nous importe peu. Nous n'attendons pas que les roses parsèment notre route», a-t-il encore laissé entendre.

Pour M. Chikhi, la France finira un jour, inévitablement, par reconnaître ses crimes, et l'histoire donnera à chacun son droit. Le président de la République a agi avec intelligence, sagesse et réalisme pour lier la douleur des massacres à la mémoire en institutionnalisant cette journée nationale, a relevé M. Chikhi. Sur un autre registre, il soulignera que «la célébration par l'Algérie du soixantième anniversaire de l'indépendance est considérée comme une halte sur le chemin de l'Algérie dans soixante ans, avec ses points positifs et ses erreurs aussi. Il ne faut pas oublier que la période coloniale a laissé de lourds résidus, notamment en matière de moyens et de capacités».

Les célébrations du soixantième anniversaire de l'Indépendance se poursuivront durant l'année, et «notre objectif est de transmettre cette évolution à nos enfants telle qu'elle s'est déroulée». «Nous devons tous bien ouvrir les yeux et regarder autour de nous afin de préserver tout ce que nous avons accompli et de valoriser les acquis réalisés». «On n'oublie pas que la France a tout pillé en 62 et ne nous a pas laissé un seul sou, malgré cela, l'Algérie a continué et s'est relevée. L'État travaille aujourd'hui à réduire les résidus économiques et sociaux du passé avec espoir, optimisme et labeur pour l'avenir», a conclu M. Chikhi.