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Algérie-Iran: Téhéran appelle à «développer les voies du dialogue»

par Ghania Oukazi

Téhéran appelle Alger «à développer ensemble les voies du dialogue et de la concertation politique» et attend en parallèle que sa demande de l'ouverture d'une ligne aérienne entre les deux capitales aboutisse rapidement pour booster le volume de leurs échanges commerciaux qui n'est que de 22 millions de dollars.

«On considère que les positions algériennes sont souveraines et non dictées par qui que se soit, c'est pour cela qu'on a toujours œuvré pour entretenir entre nous le dialogue politique et la concertation», a déclaré l'ambassadeur de la République islamique d'Iran à Alger mercredi dernier lors d'une rencontre «amicale» avec des journalistes. En poste depuis août 2019 en remplacement de Reza Ameri, Hossein Mashalchi Zadeh s'est prêté pour la première fois au jeu des questions-réponses avec la presse algérienne. L'occasion, la célébration du 42ème anniversaire de la victoire de la révolution islamique menée par l'Imam Ayatollah Ruhollah Moussavi Khomeiny y compris à parti de son exil forcé à Neauphle-le-Château en France pendant une quinzaine d'années. Après la chute du shah Reza Pahlavi, l'Imam Khomeiny rentre au pays un certain 11 février 1979. «C'est la victoire de la révolution islamique, une révolution, dit l'ambassadeur, qui a chassé le régime Pahlavi qui était inféodé à l'Occident surtout aux Etats-Unis et a permis aux Iraniens d'arracher leur indépendance, leur liberté et d'instaurer la République islamique(...) ».

Interrogé sur les échanges diplomatiques, géopolitiques et autres économiques et commerciaux entre l'Algérie et l'Iran, l'ambassadeur a avoué que «je ne peux pas dire que nos positions sont concordantes, certes certaines sont très rapprochées mais d'autres éloignées».

Au titre de la concordance entre les deux positions, il cite la crise au Yémen au sujet de «laquelle l'Algérie a fait savoir son rejet de l'alliance militaire du Golfe». La crise syrienne rapproche aussi les deux pays parce que, dit l'ambassadeur, «la position algérienne a été très claire contrairement à celle des autres pays arabes, l'Algérie soutient le régime syrien en place, preuve en est l'ambassadeur algérien est toujours en poste». Mais, nuance-t-il, « il y a certaines différences entre nous par rapport à la Syrie comme sur d'autres questions ». Il n'en dit pas plus à ce sujet, réserve diplomatique d'usage oblige.

Les attentes de l'Iran

L'ambassadeur aborde toutefois longuement le dossier du nucléaire iranien. «L'Algérie a, rappelle-t-il, fait savoir au monde son soutien à l'Iran et son droit de bénéficier de l'utilisation de l'uranium à des fins pacifiques, le président algérien d'alors a envoyé en 2015 un message de félicitations à son homologue iranien à l'occasion de la signature de l'accord sur le nucléaire avec les pays occidentaux».

Mashalchi Zadeh convoque l'histoire pour souligner qu'«on reconnaît à l'Algérie son rôle crucial dans le règlement de dossiers régionaux et internationaux», évoque «la médiation du ministre algérien des Affaires étrangères, Mohamed Seddik Benyahia, pour le règlement du conflit Iran-Irak» et lâche «le monde sait comment son avion a été abattu au milieu des missiles de Saddam». L'ambassadeur rebondit et affirme que « l'Iran considère l'Algérie comme un pays très important dont le rôle dans les dossiers régionaux est sérieux, effectif et efficace, quand on doit les aborder, on se fait l'obligation d'en discuter avec elle ». C'est là, dit-il, « un des principes de la politique extérieure de la République islamique iranienne, on s'appuie sur les autorités algériennes, elles sont pour nous une voie de concertation et de dialogue ». Néanmoins, il ne s'en cache pas pour avouer qu'«on attend de nos amis algériens qu'ils développent et renforcent cette voie, on remarque ces dernières années que sur certaines questions, ce dialogue et cette concertation ont diminué».

En référence à la coopération économique et commerciale entre les deux pays, l'ambassadeur iranien fait savoir que «selon les douanes, le volume de leurs échanges commerciaux a été en 2019 de l'ordre de 22 millions de dollars». Il explique qu' « en raison des sanctions internationales imposées à l'Iran sur décision instruction des Etats-Unis, on ne peut faire du commerce avec aucun pays, mais malgré cela, plusieurs sociétés iraniennes ont réussi à exporter des marchandises vers l'Algérie à travers la Turquie et Dubaï, les Emirats Arabes Unis ». Le diplomate iranien indique que «nous avons discuté avec des chefs d'entreprises algériennes pour renforcer la coopération économique et commerciale mais ils nous ont fait savoir qu'ils étaient obligés de respecter cet embargo». Par contre, «le secteur privé nous a fait part de sa disponibilité à coopérer avec l'Iran et cherche les voies et les moyens pour le faire».

Une liaison aérienne Téhéran-Caracas-Alger ?

Le diplomate iranien apprend aux journalistes que le groupe Khoudrou de construction automobile a signé avec des entreprises algériennes deux accords pour une unité de montage et de production de véhicules en Algérie. Il pense que «les deux pays peuvent très bien coopérer dans la fabrication de pièces détachées parce que l'Iran en est compté parmi les grands fabricants». L'ambassadeur dit « attendre des réponses concrètes des responsables du secteur de l'industrie au sujet de toutes les négociations menées entre les deux pays autour du secteur de l'automobile ». Reste que le dossier le plus important qu'il dit avoir ramené dans ses valises concerne l'ouverture d'une ligne aérienne entre les deux capitales. «Récemment la compagnie iranienne Mahan a proposé à Air Algérie d'assurer une liaison aérienne Téhéran-Caracas-Alger à raison de deux vols par semaine, on est encore en négociation, on espère arriver à un résultat dans de brefs délais ». L'on rappelle que la demande iranienne d'ouverture d'une ligne aérienne directe entre Téhéran et Alger a été formulée en 2018 au temps du président Mahmoud Ahmadinejad. A l'époque, Alger avait précisé que les vols entre les deux capitales devraient faire escale à Moscou en raison de la lourdeur des frais qu'une ligne sans escale pourrait engendrer. La proposition n'a pas été acceptée par les Iraniens.

Hossein Mashalchi Zadeh conclut sa conférence de presse par une note d'optimisme. «L'Iran a fait part de toute sa disponibilité pour coopérer avec l'Algérie dans tous les domaines (y compris le tourisme médical ou la chirurgie esthétique) et à tous les niveaux », dit-il. Il assure que «l'ambassade offre toutes les facilités pour l'octroi du visa». Il affirme alors que «nous avons déclaré nos 50% de disponibilité, reste à l'Algérie de faire part de ses 50% qui nous manquent, on attend».