La
crise financière et de gouvernance économique interpelle le gouvernement pour
la mise en place en urgence de réformes économiques globales.
D'abord
pour éviter l'«iceberg» pour que l'économie nationale n'aille pas droit au mur
avec des fondamentaux actuels au rouge, ensuite pour préserver la souveraineté
nationale sur les décisions à prendre pour entamer dans un climat social et
politique confortable ces réformes économiques. C'est ce qu'a préconisé hier
dimanche dans une intervention à la radio nationale M.Youcef
Abdallah, expert et professeur en économie. Pour lui, et par rapport aux
inquiétudes des uns et des autres sur la baisse des réserves de change,
consécutivement à la chute des recettes pétrolières et la hausse en valeur des
importations, le «problème n?est pas dans la gestion des ressources
financières, dont les devises, mais dans une économie déficiente». «Dès 1962,
on a fait le mauvais choix économique. La problématique des réserves de change
est une question qui a été entretenue par le discours officiel et relayée par
la presse et un certain nombre d'économiste : c?est un faux débat, dans le long
terme, dans la structure de l'économie», a-t-il
relevé. En fait, il estime que les réserves de change actuelles sont
rassurantes, car «nous sommes à 17-18 mois d'importation, et il suffit de
regarder les statistiques mondiales : il y a peu de pays qui disposent de ce
confort, le Maroc et la Tunisie sont à six, sept mois, et pourtant ils
n'affichent aucune inquiétude.» Selon cet expert, ces deux pays sont «moins
inquiets que nous. Chez nous, on a peur des déficiences structurelles de
l'économie elle-même.» Mais, il fait remarquer que les économies de Tunisie et
du Maroc «sont des dynamiques de flux, car elles sont sûres que demain elles
pourront payer leurs importations par leurs exportations, alors que nous sommes
accrochés à un indice du pétrole, et nous respirons avec cet indice», explique
M. Youcef Abdallah selon lequel «nous sommes accrochés à ce sac, c'est très
moyenâgeux.» «La richesse, c'est la dynamique par la capacité de produire et de
diversifier les exportations et de sortir de la dynamique des réserves de
change.» La hausse vertigineuse des importations a tétanisé l'économie
algérienne, selon cet expert pour qui «la courbe des exportations est plate et
a commencé à baisser depuis 6 ou 7 ans, dans le même temps celle des
importations ressemble à une montagne. Il y a des importations qui croissent à
une vitesse importante, et il fallait surveiller les dépenses et les réserves
de change et se dire qu'à un moment on aura des problèmes.» «Et nous sommes
dans ces problèmes», a-t-il fait remarquer, avant de
souligner que «toutes les études placent l'Algérie comme le pays le plus
dépendant sur le plan alimentaire en Afrique.» Relevant que le financement non
conventionnel a été interrompu, M. Youcef Abdallah, qui s'est interrogé
pourquoi tous les documents et les résolutions élaborés par des commissions
d'experts pour redresser l'économie nationale n'ont pas été appliqués, a
annoncé que «le trésor ne va plus s'alimenter en billets de banque auprès de la
Banque d'Algérie.» «C'est une bonne résolution, mais cela n'a pas été annoncé.
On a arrêté le financement non conventionnel, et donc on a arrêté la croissance
économique avec des coupes sur le budget d'équipement, et nous sommes déjà
entrés en dépression, et là il faut s'attendre à une croissance plus faible.»
En outre, ajoute-t-il, «il y a l'arrêt des importations de certains produits,
et donc la contrainte va de plus en plus nous étouffer car on n'a pas trouvé
les moyens adéquats pour stopper et freiner les importations.» La question pour
cet expert est de savoir dès lors «comment réduire (les importations) sans
toucher la croissance économique». Battant en brèche certaines théories, il
estime que «l'Algérie est un pays à potentialités mal exploitées, mais ce n'est
pas un pays riche. Le mode de gouvernance a cultivé tous les paradoxes et a
joué la politique de la rente pétrolière. Aujourd'hui, nous sommes devant un
Etat clientéliste qui privilégie l'accès à l'argent à sa clientèle, alors que
dans les années 1970, il y avait un Etat qui transformait la rente pétrolière
au profit du développement, et aujourd'hui, il la distribue à sa propre
clientèle, qui est visible socialement et politiquement.» Par ailleurs, il a
relevé que l'Algérie est «en phase de pré-ajustement structurel. Il suffit de
prendre les comptes de la Nation et de faire la part des choses avec et sans
pétrole : sans le pétrole, on se rend compte qu'au meilleur moment de
l'embellie financière (un pétrole à plus de 120 dollars), tous les indices
étaient au rouge, et cela depuis les années 1970. Dés
qu'on passe aux comptes de la Nation avec le pétrole, tout devient vert. Les
réformes à venir, soit on les fait nous-mêmes avec un maximum de souveraineté,
soit attendre que les créanciers potentiels nous imposent les réformes.»
Cependant, M. Youcef Abdallah explique que «nous ne sommes pas dans le même
scénario des années 1990 : d'abord le pays n'est pas endetté à l'extérieur, la
dette interne, bien qu'elle ait augmentée avec le financement non
conventionnel, est de 40% et faible par rapport aux critères de l'endettement
soutenable retenu à l'international». «Mais, l'Etat n'a pas les capacités de se
désendetter, c'est grave et la dette peut augmenter, et rapidement». Et donc il
préconise que «nous allons vers des choix, et que le gouvernement communique et
dise quels sont les secteurs qu'il va protéger des effets négatifs des
réformes, et ceux qu'il va exposer aux effets négatifs de ces réformes. Mais,
jusque-là, il n'y a absolument rien, il n'y a aucune information», explique cet
expert qui a rappelé que dans les années 1990, c'est l'industrie qui avait le
plus souffert, car «on a coupé les importations, et en priorité les biens
capitaux, comme les machines, l'outillage, ...». Et, là-dessus, il déplore
qu'il n'y ait «aucune communication du gouvernement. «Aujourd'hui, cela va-t-il
se passer de la même manière que dans les années 1990 ? En fait, estime t-il, nous souffrons du syndrome de l'endettement extérieur»,
mais «il faut repartir à l'endettement extérieur au lieu de sacrifier son
industrie et se dire que faire de cette industrie.» Pour ce professeur
d'Economie, «tout reste à faire, et il y a une stratégie de développement à
mettre sur pieds».