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Pouvoir et manifestations: Le poids des réseaux sociaux

par Yazid Alilat

L'ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, a déclaré hier dimanche que les réseaux sociaux sont «une réalité mondiale. On le découvre chez nous aux dépens des médias privés et surtout publics». Il a souligné à la radio nationale que les médias publics «n'ont pas pris conscience que les réseaux sociaux sont une réalité, qui se substituent à un niveau plus important chez nous aux médias, car il y a un problème de crédibilité des médias publics et privés dans la gestion des crises». Selon M. Rahabi, les réseaux sociaux prennent «de plus en plus de place dans les médias traditionnels, cela est une question de rapidité, de commodité et surtout le sentiment d'être acteur». «Les réseaux sociaux se développent beaucoup dans les pays où les médias n'ont pas une forte prise et impact sur l'opinion publique», estime-t-il, relevant que «les réseaux sociaux complètent l'information», et «il ne faut pas craindre» et «avoir peur des réseaux sociaux». En fait, il estime, sur la popularité des réseaux sociaux, que «les gens s'approprient la vie politique, car ils se sont rendus compte que les médias publics et privés ne reflètent pas la réalité des manifestations.

Leur réalité tout court», et donc «ils s'approprient les réseaux sociaux pour pouvoir transmettre la réalité de la manifestation, du terrain». «Là, il est dans le réel, ce sont les médias publics et privés qui sont dans le virtuel, et cela crée des décalages», explique encore M. Rahabi. Sur les appels à des manifestations pacifiques contre le 5e mandat, il a souligné qu»'aujourd'hui, il y a des manifestations populaires et pacifiques.

Le peuple algérien n'est pas violent, on nous a collés cette étiquette de peuple violent». «C'est tout à fait faux, c'est un peuple qui a été violenté pendant toute son histoire, mais n'a pas progressé par une évolution intelligente, paisible, consensuelle», ajoute-t-il, car «il a progressé par une rupture violente, il y a eu la guerre d'Algérie très violente, un coup d'Etat en 1965, un président qui a été tué, ce sont des ruptures violentes, il faut qu'on arrête ce cycle, c'est ce qui donne le sentiment aux étrangers que nous sommes une population violente».

Maintenant, «il y a bien sûr un sentiment d'exaspération que les messages ne sont pas écoutés», ajoute-t-il. «Nous sommes un pays très archaïque, nous sommes en retard dans nombre de domaines, nous vivons dans une sorte de bureaucratie très lourde et de résistance aux changements», a-t-il dit, ajoutant qu'il y a «un sérieux problème de changement». Pour cet ex-diplomate, «on communique mal, car il faut une volonté politique sérieuse pour dépasser cette crainte de la liberté, nous devons admettre qu'une communication institutionnelle crédible doit passer par refléter la position du gouvernement, de l'opposition, de l'expert, du citoyen. Ça, c'est une information équilibrée». Il explique qu'«aujourd'hui, on a l'impression en Algérie que c'est une addition de destins personnels, que chacun travaille pour soi, c'est ce qui est inquiétant car on a cultivé une culture de l'individualisme, alors que dans les années 1990, il y avait un fort consensus national». Pour M. Rahabi, «il y a une fracture entre ceux qui ont les moyens et ceux qui n'en ont pas. Quand le gouvernement limite l'activité politique, citoyenne, ferme les espaces, du coup, il se retrouve directement devant le peuple car il a cassé la médiation sociale. C'est un problème particulier». «Ce sont les contre-pouvoirs qui font la force du pouvoir», a-t-il encore relevé, précisant que «plus vous fermez, plus les Algériens cherchent les informations ailleurs, et là, il y a un très fort risque que les Algériens développent ce que ne cherche pas le gouvernement». Et donc, «la mission de service public est là, et quand les médias ne reflètent pas la réalité, ils iront la chercher ailleurs». «Il est du devoir de l'Etat d'avoir un service public performant, qui doit être la locomotive de la communication en Algérie, ce n'est pas l'inverse», souligne-t-il, avant d'affirmer que «tout le monde a une part de responsabilité dans une crise, le gouvernement a une responsabilité particulière. Les pouvoirs publics ont tué toute forme d'intermédiation entre le gouvernement et la société».