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Brexit: «Où va l'Europe ?»

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

  Pas de consentement mutuel dans le divorce UE-Grande-Bretagne. Le spectre d'un «no deal» semble inévitable. Certains experts proposent de prolonger le délai du «Brexit» de deux années sans conviction.

Il faut éviter d'importer au sein de l'UE les problèmes et la crise politique qui se vit en Grande- Bretagne», a résumé en substance Guy Verhofstadt (belge), député au Parlement européen et chef du groupe parlementaire de l'Alliance des libéraux et démocrates (ALDE) au sujet du débat sur le Brexit qui menace la stabilité de l'UE.

L'issue d'un «no deal» dans le divorce entre la Grande-Bretagne et l'UE se rapproche de plus en plus de la date fatidique du 29 mars prochain qui actera définitivement le divorce entre les deux parties. Dans ce cas, les gouvernants redoutent de graves conséquences économiques, politiques et sociales tant en Angleterre qu'en Europe.

Dès l'annonce, mardi dernier, du rejet par le Parlement britannique du texte de l'accord négocié par la Première ministre Theresa May, plusieurs gouvernement européens tels la Belgique, la France, l'Allemagne et les pays scandinaves membres de l'UE se sont réunis en urgence pour dégager des enveloppes financières importantes et remettre en place leurs structures de contrôles aux frontières (douanes et polices des frontières). Réactions qui illustrent l'état d'inquiétudes qui règne au sein de l'UE à la veille de ce divorce voulu par le peuple britannique vivant aujourd'hui une véritable fracture sociale et politique. Du coup, l'éventualité d'un nouveau référendum sur le Brexit n'est pas pour apaiser la crise qui secoue le pays. Sans être sûr de l'issue du vote pour un retour au sein de la famille européenne, un nouveau référendum accentuera la fracture et la division des anglais. C'est pourquoi Mme Theresa May a écarté une telle éventualité qui, a-t-elle rappelé, «trahirait la volonté du peuple qui a déjà voté pour le Brexit».

Reste alors deux autres possibilités: l'assouplissement de l'UE de quelques conditions à la marge de l'accord ou le no deal. Dans le premier cas, la Commission européenne a fait déjà savoir qu'elle ne retouchera pas le moindre détail de l'accord négocié durant plus de 18 mois. D'ailleurs même si elle assouplirait son attitude, il faudrait que la Première ministre britannique puisse trouver un accord chez elle avec l'opposition travailliste.

Chose pas du tout acquise tant Geremy Corbyne, le leader des travaillistes, fait montre d'une opposition sans concession à Mme May qu'il souhaite dégager de son poste de Première ministre et pressé de provoquer des élections législatives anticipées. C'est donc à juste titre que les Européens ne veulent pas «importer» l'impasse politique britannique chez eux de crainte de subir le même sort de la scène politique britannique. Face à aux conséquences catastrophiques en cas de no deal, la possibilité d'un report à 2020 du Brexit est envisagée par les négociateurs des deux parties. Mais là encore d'autres obstacles non moins complexes et compliqués apparaissent: en cas de report du Brexit de 2 ans, que faire des Anglais lors des élections pour le Parlement européen du 26 mai prochain? Auront-ils le droit d'y participer ? Rappelons que la Grande-Bretagne ne siège plus dans les institutions européennes et les sièges de ses députés ont été attribués à d'autres pays en fonction du nombre de leurs populations. Finalement quelles que seront les conditions du divorce, les deux parties s'attendent à des conséquences économiques incertaines. Comment l'UE en est arrivée à un tel blocage politique qui hypothèque son avenir ?

Curieusement jusqu'en 2008, année d'adoption du traité européen (constitution), la législation fixait les conditions d'entrée dans l'UE mais pas celles de la sortie d'un de ses membres. Par ailleurs, l'article 50 du traité de 2008 stipule qu'il faut le vote des autres membres (Parlement et Conseil) à l'unanimité sur les conditions de sortie de l'UE.

Dans l'état actuel du climat politique qui règne au sein de l'UE, marqué par de profondes divisions notamment entre les pays d'Europe centrale et ceux de l'Ouest, il semble peu probable qu'un consensus ait lieu à brève échéance sur un accord renégocié ou amendé entre Londres et Bruxelles. Mme May s'est engagée à présenter à Bruxelles quelques amendements à l'accord de divorce sans grande conviction tant l'opposition chez elle s'entête à rejeter automatiquement tout ce qu'elle propose. A deux mois de la date butoir du Brexit, le doute, l'incertitude et les menaces sur les équilibres politiques pèsent au sein de l'UE comme en Grande-Bretagne. Un climat qui favorise la montée du populisme et de l'extrême droite à la veille des élections du 26 mai prochain.