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Baisse des réserves de change, déficits, planche à billets: Le ministère des Finances se veut rassurant

par Yazid Alilat

Avec le niveau actuel des réserves de change, évaluées à 82 milliards de dollars à fin 2018, l'Algérie a encore «de la marge de manoeuvre d'ici à 2023». C'est ce qu'a affirmé hier lundi à la radio nationale M. Sidi Mohamed Ferhane, directeur général de la prévision au ministère des Finances. «On est à 82 milliards de dinars, on sera à 75 milliards de dinars en juin: nous avons toujours de la marge de manoeuvre, et en 2023 nous avons la possibilité de remonter la pente», a-t-il indiqué. «Nous sommes en train de dégager de l'espace budgétaire, il y a des réformes qui ont été lancées, mais des réformes structurelles profondes ne donnent pas de résultats rapidement», a-t-il fait remarquer, avant de souligner qu'«il y a aussi des réformes du budget, du commerce extérieur, qui peuvent donner des résultats rapidement.» Selon M. Ferhane, il y a pour les dépenses publiques plus de 80% qui vont à deux rubriques, les salaires des fonctionnaires et les transferts sociaux, soit 3.500 milliards de DA.

Il y a, a-t-il précisé, d'un autre côté et en matière de balance de paiement, «les tensions sur nos équilibres extérieurs avec les importations de marchandises, et les importations de services, qu'on oublie, qui sont entre 10 et 12 milliards de dollars par an.» Le transport maritime revient à lui seul à 3 milliards de dollars par an, et près de 3,5 milliards de dollars en 2017 pour le BTP. «Ce sont des niveaux énormes, c'est un déficit structurel auquel il faudrait donner de l'importance, alors que pour le maritime on est en train de renouveler la flotte», ajoute-t-il.

Quant aux réformes pour les transferts sociaux, le directeur général de la prévision au ministère des Finances relève que «cela prendra le temps qu'il faut. On avance doucement mais sûrement. C'est un dossier très sensible.» La réforme des subventions se base, a-t-il expliqué, «sur une étude de l'ONS en 2012, qui dit qu'on doit commencer par les produits énergétiques.»      

M. Ferhane a avancé le chiffre de 1.700 mds de DA pour la subvention publique des produits énergétiques (gaz, électricité, carburants). «A partir de 2015, on a commencé à relever les prix à travers la taxe», rappelle-t-il, avant de souligner que ce sont les entreprises Sonatrach, Sonelgaz et Naftal qui «en paient le prix.» Sonatrach vend le baril à l'interne à 13 dollars, alors que la Sonelgaz «cède le gaz à des prix très bas». En fait, explique t-il, «les 1.700 mds de dinars de subventions des produits énergétiques ne transitent pas par le budget de l'Etat, mais c'est l'Etat, qui dans deux ou trois ans, revient pour payer le découvert de certaines entreprises, alors que Sonatrach et Sonelgaz ne vont demander que le paiement du différentiel.» Par ailleurs, «il y a aussi les transferts sociaux explicites directs qui passent par le budget de l'Etat, et qui sont globalement de 1.700 mds de dinars également», souligne M. Ferhane selon lequel «c'est un point de tension très important sur le budget de l'Etat», et donc que «la réforme des subventions va libérer l'énergie des entreprises Sonatrach et Sonelgaz pour investir et élargir leur potentiel productif.» Sans donner plus de détails sur les réformes envisagées sur le plan des subventions, il a expliqué qu'«il y a une politique sociale, et il ne faut pas déroger à cette politique sociale.

Mais, les catégories sociales vulnérables ne seront pas touchées par ces réformes ou les hausse de prix des produits énergétiques par exemple».

La libéralisation des prix subventionnés attendra

Pour les subventions de produits alimentaires, il a estimé que «si c'est plus facile pour le carburant, les riches consommant six fois plus de carburants que les pauvres, c'est plus difficile pour les produits alimentaires. Et là, il faudrait que cela se passe graduellement et progressivement dans le temps.» «La libéralisation des prix peut prendre cinq ans, dix ans, ce sont les pouvoirs publics qui doivent en décider.»     

D'autre part, il a évoqué que les subventions ne concernent pas uniquement les produits alimentaires, les carburants ou le logement, qui coûtent annuellement 800 mds de dinars à l'Etat, il y a également «les intérêts pris en charge par les banques. On va y aller graduellement, l'essentiel est de mettre en place un mécanisme rodé pris en charge par les Algériens eux-mêmes», a-t-il dit en référence à une intervention d'institutions internationales.

En fait, «il y a des réformes qui doivent être lancées rapidement en matière fiscale, budgétaire, financière, et à partir de 2023 on passera à des budgets-programmes avec la performance, et la mise à niveau doit se faire d'ici à 2022.» Il a, par ailleurs, souligné dans l'actuelle phase économique et financière difficile que la «répartition budgétaire se fait selon les priorités.» «Il y a, a-t-il dit, une tension sur les équilibres budgétaires depuis 2014, et on a travaillé depuis 2017 sur trois années», avant d'expliquer qu'en 2017, «nous avons plafonné les dépenses pour éviter la tension sur nos équilibres internes, et dégager des espaces budgétaires pour éviter les déficits».

M. Ferhane a affirmé que «c'est pour cela qu'il y a eu un budget de trois années», avant de préciser que «nous sommes tombés dans une situation très difficile avec la baisse de la fiscalité pétrolière.» En plus de la baisse des recettes pétrolières, il a pointé du doigt certains ordonnateurs de ne pas avoir pris en compte la situation financière difficile du pays en dépensant sans compter. «En plus du prix et le déficit de la balance des paiements compte tenu des exportations d'hydrocarbures, il y avait aussi certains ordonnateurs qui ont accéléré leurs dépenses», a-t-il indiqué, précisant qu'«en 2017, il y avait une forte tension sur les dépenses, et chaque semaine il y avait un comité qui suivait les dépenses et les recettes, c'était très difficile, et la faute incombe aux ordonnateurs, qui ont mis l'économie publique devant le fait accompli, avec des projets qui pouvaient être gelés.» Selon lui, il y a beaucoup de «secteurs d'activité, qui ont profité de la manne (pétrolière) et chacun a essayé de préserver ses projets.

La plupart des secteurs d'activité étaient concernés dans les premiers mois de 2017, mais par la suite, il y a eu des instructions du Premier ministre et du ministère des Finances où on a régulé ces dépenses, qui ont porté un préjudice aux dépenses publiques et laissé filer le déficit en 2017 et 2018». Il y a aussi, a relevé également M. Ferhane, le poids des déficits induits par des projets publics mal étudiés, dont le coût global est de 500 milliards de DA, et une surévaluation des projets estimée à 1.200 mds de dinars. «Nous sommes revenus à des niveaux plus bas, de 700 à 200 mds de DA.» La direction générale des impôts suit ce dossier, selon M. Ferhane, qui a indiqué que les fraudeurs sont particulièrement ciblés.

Sur le financement non conventionnel, le représentant du ministère des Finances explique que «nous sommes allés vers l'endettement interne avec des garde-fous, et la mise en oeuvre de réformes structurelles, au lieu d'aller vers l'endettement extérieur.» «Cela a été mis en place pour sortir de la crise financière d'ici à 2023», ajoute t-il. M. Ferhane a souligné en outre que la croissance économique, en dépit des prévisions du FMI et de la Banque mondiale, devrait s'établir à 2,6% en 2019 et «va remonter en 2020 et 2021 autour de 3%.

Cela est dû à la baisse de la dépense publique, avec une répercussion sur les autres secteurs. Mais, hors hydrocarbures, elle sera autour de 2 à 3%.» Les recettes des exportations d'hydrocarbures seront de 34 à 35 milliards de dollars en 2018, a-t-il prévu.