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Optimisme inquiétant

par Mahdi Boukhalfa

En dépit d'une détérioration continue et dramatique des grands agrégats de l'économie nationale, dont une érosion angoissante des réserves de change, un haut responsable du ministère des Finances, qui planifie le budget de l'Etat et surveille ses dépenses, s'est laissé aller à dire que d'ici à 2023 « il y a encore de la marge de manœuvre » pour que l'économie nationale puisse s'en sortir et éviter une crise trop longue.

La période actuelle est, à plusieurs égards, stressante sur le plan politique, économique et social et cela ne justifie pas un optimisme béat quand le pays s'achemine doucement et inexorablement vers une crise financière aiguë si les prix du brut ne remontent pas et se maintiennent à des niveaux supérieurs à 60 dollars/baril. Le fait est que les réserves de change, qui permettent au pays de faire face à ses achats à l'international, sont en train de fondre comme neige au soleil. A fin juin prochain, leur niveau sera de moins de 75 milliards de dollars sur la base de recettes en 2018 de 35 milliards de dollars. A ce rythme de consommation des avoirs extérieurs et sans remontée extraordinaire des prix de pétrole, le pays devra frapper à partir de 2023 à la porte du FMI si, d'ici là, les déficits ne sont pas vaincus, des réformes courageuses pas appliquées et, surtout, l'impossibilité de retrouver les chemins de la croissance.

Le tableau est effrayant, certes, mais devant une baisse chronique des avoirs extérieurs, sous le triple effet de la baisse des recettes d'hydrocarbures, la hausse monstrueuse des importations et des recettes d'exportation hors hydrocarbures tout juste symboliques à moins de 200 millions de dollars, il est logique de secouer le cocotier tant qu'il est encore temps pour éviter des situations difficiles, le recours, avec tous les dommages sociaux que cela implique, à l'endettement externe. La solution de la planche à billets n'est pas la bonne, le gouvernement actuel qui l'a appliquée le sait. Mais, toute la question est de savoir s'il sera là dans six mois, une année pour «tirer des plans sur la comète». D'autant que sur le plan politique, rien n'est encore affirmé ni infirmé quant à l'élection présidentielle d'avril prochain.

C'est le flou total et cette situation ne contribue pas également à donner un peu plus de visibilité aux décideurs, pris entre le marteau de la politique sociale suivie jusque-là depuis l'indépendance et l'enclume d'un gouffre de déficits budgétaires à combler au plus vite pour éviter un suicide financier programmé à travers le financement conventionnel. Faire tourner une économie à crédit donne l'illusion d'avoir sauvé l'essentiel, mais tôt ou tard la réalité rattrapera tout le monde lorsque l'inflation passera à deux chiffres et peut-être plus et que le pays sera forcé, à ce moment-là, d'aller vers des réformes économiques cruelles.