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Dix ans de réclusion pour le meurtre de Mers El-Hadjadj

par M. Nadir

B. Fouad, maçon de 30 ans et père de deux enfants, a été condamné hier par le tribunal criminel d'Oran à 10 années de réclusion criminelle pour le meurtre de H. Benoumeur, survenu en juillet 2016 dans la localité de Mers El-Hadjadj.

Les faits de cette sombre affaire ont éclaté lorsque B. Fouad s'est rendu à la gendarmerie pour porter plainte contre Benoumeur et B. Omar qui l'auraient agressé la veille et tenté de l'enlever pour porter atteinte à son honneur. Alors que le plaignant se faisait examiner par le médecin qui a constaté des ecchymoses et délivré un certificat d'incapacité de huit jours, le père de Benoumeur, Miloud, déposait plainte auprès des autorités contre Fouad, coupable, selon lui, du meurtre de son fils qui venait de décéder à l'EHU d'Oran des suites d'une hémorragie provoquée par un grave traumatisme crânien.

Lors de l'enquête de la gendarmerie, deux versions se dégagent des différents témoins : certains affirment que dans la nuit du 31 juillet 2016, B. Fouad, qui se trouvait en état d'ébriété, a tenté d'intervenir pour secourir un voisin, B. Belghecham, que Benoumeur et son ami Omar tentaient d'emmener à bord de leur véhicule. Une bagarre a éclaté entre les trois hommes, déclenchée par Benoumeur qui avait fauché Fouad tandis qu'Omar le rouait de coups. Après quelques instants, Fouad réussit à prendre la fuite tandis que les deux autres le poursuivaient munis d'une manivelle et d'un cric. Fouad se serait défendu en lançant des pierres, dont deux ont atteint Benoumeur au rein et à la tête, entraînant son décès. Selon une seconde version, c'est Fouad qui a donné un coup de tête à la victime qui tentait de le faire monter de force dans la voiture, avant de prendre la fuite, Benoumeur et Omar sur ses talons. A seulement cinq ou sept mètres, Fouad réussira par trois fois à atteindre Benoumeur à la tête avec des pierres.

Interpellé et interrogé, Fouad niera avoir voulu tuer le défunt : «Avec son ami Omar, ils ont tenté de me faire monter dans la voiture en menaçant d'attenter à ma pudeur. Ils m'ont frappé mais j'ai réussi à prendre la fuite. Ils m'ont poursuivi avec un cric et une manivelle et je n'ai eu que des pierres pour me défendre. Je les lançais sans arrêter de courir et il s'est avéré que j'ai atteint le défunt à la tête. Il faisait nuit et je ne voyais même pas où les projectiles atterrissaient.»

B. Fouad sera néanmoins inculpé pour homicide volontaire selon les termes des articles 254 et 263 du code pénal.

Lors de son procès, l'accusé répètera avoir eu peur pour son honneur et réagi proportionnellement à la peur qu'il avait ressentie : «J'avais peur, ils m'avaient menacé de la pire des choses et me poursuivaient avec un cric et une manivelle. Je n'ai fait que me défendre sans l'intention de tuer», affirmera-t-il en précisant avoir initialement intervenu pour secourir un jeune voisin que, dans un état d'ébriété avancée, il pensait être en danger.

Les témoins présents (3 sur 7) tous proches de l'accusé, ont quasiment confirmé ses déclarations : le frère avait vu Fouad maintenu à terre par Benoumeur tandis que Omar lui donnait des gifles et le cousin, qui avait évacué la victime à l'hôpital, attestera avoir vu Fouad toucher deux fois Benoumeur avec des pierres : une fois dans la région des reins et une fois à la tête.

Quant au père de la victime, il relatera les conditions dans lesquelles il avait appris la mort de son fils et insisté sur la mauvaise réputation de l'accusé et sa famille.

Dans son réquisitoire, le ministère public affirmera que les preuves accumulées démontrent l'intention de tuer de l'accusé : «Pour atteindre, dans les ténèbres, les victimes à la tête par trois fois, il a fallu que l'accusé soit proche de la victime», dira-t-il en avançant la thèse selon laquelle Fouad avait frappé Benoumeur à la tête pendant que celui-ci était à terre, non pas en fuyant. L'intention criminelle ayant, de la sorte, été démontrée, il requerra 20 ans de réclusion criminelle.

Malgré une brillante plaidoirie dans laquelle elle a tenté de plaider la légitime défense, l'avocate de la défense ne réussira pas à faire retenir cette thèse : «La victime et son acolyte avaient tenté d'entraîner mon client à bord de la voiture en menaçant de porter atteinte à son honneur et de publier la vidéo sur les réseaux sociaux; les témoignages ont montré qu'il a été agressé, frappé ; il a été poursuivi par deux hommes munis d'un cric et d'une manivelle ; que lui restait-il pour défendre son honneur, lui, le paysan de Mascara ?», demandera-t-elle en affirmant que si la menace avait été mise à exécution, Fouad aurait sans doute été retrouvé, plus tard, pendu à un arbre pour ne pas subir le regard des autres. L'avocate -pour laquelle la thèse, développée par le ministère public, que son client s'était acharné sur la victime à terre n'avait aucun sens- affirmera que l'accusé avait agi en légitime défense selon les articles 39 et 40 du code pénal qui stipulent notamment que l'homicide commis (?) en repoussant une agression contre la vie ou l'intégrité corporelle d'une personne (?) est compris dans les cas de nécessité de légitime défense.