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Pardoxe algérien

par Moncef Wafi

L'Algérie est un beau pays, en carte postale 3D, sans interférence bureaucratique ni parasitage des étages supérieurs d'Alger. Un territoire sans nul autre pareil, et n'ayons pas peur des superlatifs -ils sont en solde en ce début d'année-, avec sa mer sous les balcons, ses montagnes au-dessus de la tête, son désert et sa neige pour les amoureux des randonnées extrêmes. Des paysages à couper le souffle et une nature plus généreuse que les plus généreux des crédits Ansej. Un pays qui a tout, avec le sang de la terre qui lui coule dans les veines, un sol fertile, une histoire millénaire et une biodiversité inestimable. Alors qu'est-ce qui cloche ? Pourquoi sommes-nous devenus des pestiférés, à manier avec des pincettes et gants de protection ? Comment l'Algérie est passée du statut de pays à visiter pour ses extraordinaires sites à celui de destination préférentielle de pas mal d'escrocs en col blanc.

Des sociétés à la réputation douteuse ont fait de notre pays une vache à traire et les hommes d'affaires les plus sulfureux y ont pris une résidence. Des touristes, on n'a plus qu'une faune d'affairistes qui jouent aux intermédiaires entre intermédiaires, prenant leurs commissions et plongeant le pays entre les mains d'une maffia de l'argent public vorace et prédatrice. Les sociétés écrans, les hommes de paille, les privilèges fiscaux et les crédits bancaires ont fait florès à la gloire d'une oligarchie de plus en plus rampante. L'Algérie est un beau pays et on a tout fait pour lui dénier ce droit. On a décidé de détruire cette image d'Epinal et de la jeter dans une décharge sauvage au milieu du Sahara. On a insufflé dans le corps de ce peuple ce besoin d'assistanat, véritable oxygène pour survivre sous un toit de l'OPGI et manger à la table du pétrole, enfin ce qu'il en reste après le passage des maîtres de la rente. Aujourd'hui, on en est encore à décider si on va décider de relancer le tourisme, l'une des bouées du pays.

On réforme tout pour rien. L'Algérie n'a pas besoin des bras cassés et il suffit juste qu'on ouvre la porte aux touristes pour qu'ils reviennent enfin et participent à la relance de l'économie nationale. Tous les pays du monde qui ont misé sur ce secteur savent pertinemment que le tourisme fait travailler tout un peuple. Du transporteur à l'hébergeur, du restaurateur à l'artisan, la société trouve son compte. Mais nous, on préfère laisser les sites enchanteurs à l'érosion du temps et à la stupidité de l'Algérien qui t'écrit «A mon amour» à l'encre indélébile à côté de gravures rupestres de plusieurs milliers d'années.