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Le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire à Souk Ahras: Une wilaya sans un seul hôtel !

par Notre Envoyée Spéciale A Souk Ahras : Ghania Oukazi

«Aidez-moi à faire parvenir ce message aux investisseurs privés, je leur donnerais la meilleure assiette foncière, avec toutes les facilités, qu'ils viennent construire un hôtel à Souk Ahras. »

Cet appel pressant est du wali de Souk Ahras qui peine à voir des investisseurs réaliser des infrastructures hôtelières dans sa wilaya notamment dans le chef-lieu qui n'en a aucune. Badaoui Abbas en est wali depuis à peine trois mois, à la faveur du dernier mouvement des walis. La wilaya, faut-il le rappeler, jouxte les frontières avec la Tunisie. «Nous avons beaucoup de monde qui transite par notre région mais ils ne peuvent s'y arrêter parce qu'on n'a aucun hôtel, c'est à peine si j'arrive à loger les délégations officielles dans la résidence de la wilaya», dit-il aux journalistes qui accompagnaient le ministre de l'Intérieur dans la visite qu'il a entreprise dans la région du mercredi jusqu'à hier. L'un des derniers points de sa visite, Noureddine Bedoui l'a voulu loin de Souk Ahras de près de 100 km, à El Hdada, comme son nom l'indique, la commune qui partage ses territoires avec l'historique check-point algéro-tunisien Sakiet Sidi Youcef. C'est sous une pluie battante et un froid hivernal que le ministre a voulu faire le tour d'El Hdada et recevoir plus tard ses habitants pour prendre leurs doléances. Ils en ont mais pas plus que le reste des communes du pays.

D'ailleurs, entre autres demandes d'une école, d'emplois et de logements ruraux, l'un des habitants a revendiqué un stade avec le gazon synthétique. «Que l'on me réclame une école pour alléger celles existantes, des emplois et autres besoins sociaux, je suis d'accord mais le stade ne passera pas avant», rétorque le ministre de l'Intérieur. Il appellera les autorités locales à changer de fusil d'épaule pour viser la création de zones d'activités pour booster le développement local.

Programmes «spéciaux» pour les zones frontalières

El Hdada bénéficiera, selon lui, à l'instar de toutes des régions frontalières du pays, de programmes de développement spéciaux, pour des raisons évidentes de stabilité de leurs populations en ces temps incertains d'insécurité. Bedoui rappelle à l'assistance qu'en raison de sa situation géographique, la wilaya de Souk Ahras, dans son ensemble, aura des soutiens financiers appréciables du Fonds des hauts plateaux (doté de 100 milliards DA à la faveur de la LF 2018) et du Fonds national de solidarité des collectivités locales. Et avant même qu'il écoutera ses habitants lui exposer leurs problèmes, il était venu d'Alger avec en main une rallonge budgétaire de 360 milliards de centimes pour un accompagnement, dit-il, «particulier» et un programme d'investissements «spécial» qui devra apporter «dans les plus brefs délais», instruit-il, «15 petites zones d'activités industrielles à la wilaya ouvertes aux jeunes universitaires, diplômés et autres porteurs de petits projets à la faveur des dispositifs d'emploi existants». Ces jeunes, fait-il savoir, ouvriront droit à des crédits sans intérêts pendant deux ans. «La création de start-up n'a pas besoin de beaucoup de choses, nous voulons développer la toute petite entreprise dans les communes», dit-il. Selon lui, toutes les communes seront dotées de zone industrielle qui sera partagée en petits lots pour abriter de petits projets. «Nous n'avons plus le temps, il faut aller vite !, nous devons tous nous y mettre, ces zones doivent devenir effectives à travers tout le pays avant fin 2019», affirme-t-il. Il pense qu'avec «71% de terres agricoles, Souka Ahras doit être un pôle agricole et une base pour la transformation des produits agricoles». Il s'étonnera plus que le wali quand il évoquera l'inexistence totale d'hôtels.

«Nous n'avons pas de culture de l'investissement»

«C'est inadmissible ! On est en 2017, la wilaya est frontalière avec la Tunisie et il n'y a aucun hôtel !?!, ça fait mal, elle peut devenir aussi un pôle touristique grâce à ses sites historiques et culturels, nous en appelons à la participation du privé pour la construction de complexes et d'hôtels, je vous fais la promesse pour en faire une wilaya touristique», rassure-t-il. Non sans s'être adressé à un homme d'affaires, membre du FCE qui est intervenu au cours de la réunion avec la société civile de la wilaya pour lui lâcher «vous avez une part de responsabilité, le problème n'est pas seulement dans la préparation de zones d'activités industrielles puisque c'est l'Etat qui s'en charge, mais aux investisseurs qui n'investissent pas dans ce dont ont besoin les régions du pays, nous n'avons pas de culture de l'investissement». «L'Etat, note-t-il, a dégagé 300 hectares dans la wilaya de Souk Ahras pour la réalisation de grands projets, le complexe de phosphate est inscrit dans la carte de l'investissement du secteur industriel, il aura besoin de PME pour la sous-traitance, une maquette de ce parc industriel va être réalisée très prochainement».

Bedoui réitère son instruction aux autorités locales, «il faut changer votre manière de travailler pour booster le développement local et l'économie en captant les investisseurs». Il estime que «c'est pour atteindre cet objectif et en relever les défis qu'a été amorcée conformément à la Constitution la révision d'un grand nombre de lois régissant les collectivités locales, entre autres la loi (la charte) sur la démocratie participative qui devra associer le citoyen, celui organisé bien sûr, dans la prise de décision pour sa commune, on a le code communal (et de wilaya) qui est en phase de finalisation et qui prévoit d'élargir les prérogatives des élus locaux, nous préparons une loi codifiant un nouveau système fiscal, différend des précédents, les collectivités locales pourront intervenir à travers ce système pour répondre -par des projets- aux besoins des citoyens». Début 2018, le ministre pense que sera lancée la numérisation de tous les services administratifs «avec zéro document».

L'autoroute Est-Ouest passe par Souk Ahras

La e-commune aura alors «un guichet unique pour des services instantanés, sans l'intervention de l'usager». Alger est cette commune «du future» qui sera lancée, selon lui, à partir du 15 décembre prochain. Pour faire fonctionner «une administration moderne, numérisée, nous avons décidé de mettre en place de nouveaux mécanismes de formation, des programmes de formation de la société civile sont en phase de préparation, nous pouvons assurer la formation à distance même, un nouveau centra va être ouvert à cet effet au cours du 1er trimestre 2018». La commune devra ainsi, dit-il, «assurer ses missions en tant que cellule principale de l'Etat, elle en est le moteur». Il continuera sur sa lancée pour appeler «au vote aux élections locales du 23 novembre prochain». «Les élections locales sont bien plus importantes que les législatives, sans une prise de conscience du citoyen, la commune ne peut avoir ce rôle principal pour donner vie aux réformes», insiste-t-il. Le tout conduira, assure-t-il, à la décentralisation de la décision au niveau local.

Souk Ahras est une ville de style colonial très prononcé mais dont les bâtisses (historiques) sont délaissées. Elle a un très beau siège d'APC, une très belle mosquée de la ville, «des hôpitaux publics mais négligés», disent ses habitants, des cliniques privées, des écoles acceptables, deux petits hôtels du temps de la colonisation mais délabrés et avec pas plus de 10 chambres. «Nous allons lever progressivement le gel sur des projets socioéconomiques en priorité, nous avons des dysfonctionnements à corriger, des lacunes à combler, il faut qu'on ait un peu de patience et de confiance entre nous, si les programmes AADL sont lents, il y avait un problème de crédits bancaires mais une décision a été prise par que ça s'accélère», promets-il. Souk Ahras va rallier les frontières Est au reste du pays par un tronçon de 50 km de l'autoroute Est-Ouest qui va la traverser. Les travaux seront lancés incessamment, selon l'entourage du ministre des Travaux publics qui avait séjourné le week-end dans la région dont il en est originaire. Il doit y entamer une visite d'inspection à partir d'aujourd'hui.