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Malaise social

par Mahdi Boukhalfa

Le pays vit un profond malaise social que les pouvoirs publics ne semblent pas percevoir ni, plus grave, prendre conscience que la situation devient préoccupante. Le pays, décrypté à partir de l'avis d'un Algérien normal, part en vrille. Tout le monde, sauf le gouvernement et ses satellites, quelques partis qui s'accrochent à la mamelle du pouvoir, est convaincu que rien ne marche plus dans le pays, que tout est factice et que rien ne sert de courir, les dés étant pipés.

C'est cette profonde conviction de perte de vitesse de la société algérienne, et au premier rang autant les milieux intellectuels que les ?'hittistes'' diplômés, que le pays recule à la vitesse grand ?'V''. Et qui fait que pour les Algériens le pays a été plongé dans une période de grandes incertitudes politiques, sociales et économiques. En clair, le pays vit hors du temps, un dangereux malaise social qui pourrait rapidement se transformer en facteurs de blocage de tout mouvement de relance économique et sociale. Il y a d'abord cette situation invraisemblable qui prévaut dans les milieux universitaires où les examens pour le peu de postes dégagés pour le doctorat se font dans des conditions plus que discutables.

Le marasme actuel au niveau des universités algériennes n'est pas plus étonnant que celui qui prévaut dans le secteur de l'éducation nationale où les recrutements de milliers d'enseignants n'ont pas réglé la crise de la surcharge des classes. Dans l'industrie, et après les déboires du fleuron national d'El Hadjar, un lapin est sorti du chapeau sous la forme d'une autre usine CKD pour l'importation de voitures en kits. Dans l'agriculture, les mêmes problèmes des années 1980, mais en pire, subsistent, c'est-à-dire les pénuries récurrentes de produits agricoles avec une surenchère sur les prix. Les centaines de milliards de dinars investis dans le secteur depuis le fameux plan national de développement agricole des années 1990 auraient dû transformer l'agriculture algérienne de vivrière à exportatrice. Ce n'est pas le cas, hélas!

Fatalement, le résultat de tant d'insouciance, de mauvaises décisions et de gestion est qu'il y a aujourd'hui un puissant torrent provoqué par les jeunes et moins jeunes qui fuient le pays par dizaines de milliers chaque année. Visas, émigration clandestine, études à l'étranger, dossiers d'émigration soutenus par les pays demandeurs, faux visas d'études, ?'h'rig'', rien n'arrête plus les Algériens pour fuir le pays. C'est un formidable cri de détresse qui est lancé sans qu'il ne puisse être entendu. Et jusqu'à cette position d'un parti politique qui, loin de sentir cette irrésistible envie des jeunes de partir et de tout laisser tomber pour de meilleures perspectives d'avenir, pense benoîtement que les étudiants algériens ne vont pas ailleurs pour s'y installer, mais pour étudier.

Le cas de ces milliers de ?'harraga'' en tout genre, ceux diplômés comme ceux ayant des métiers demandés ailleurs, doit faire prendre conscience que la situation dans le pays est grave, très grave. Jusqu'à présent, ce cri de détresse n'a pas été écouté, ni entendu et la fracture sociale s'agrandit. Le fait est que, sur le plan économique, il n'y a aucune embellie qui fasse revenir l'espoir, car le plan de relance économique ne repose sur rien d'autre que sur une hypothétique reprise des cours de pétrole. Exit donc les plans de relance de l'industrie, de l'agriculture, des potentialités économiques tant vantées pour construire une économie pérenne, à l'abri des jeux des traders sur les marchés pétroliers.