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Algérie - Union européenne: Statu quo

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

A diverses reprises l'Algérie a souhaité revoir certains aspects de l'Accord d'association qui la lie à l'Europe, notamment sur les volets humain et économique. Autrement dit « réviser » certains termes de l'accord. Sans suite.

Donc l'évaluation de l'Accord d'association UE-Algérie sera validée, en mars prochain, à Bruxelles, selon les déclarations du ministère des Affaires étrangères algérien. Plus question de renégociations ou de révision, sur le fond ou sur des aspects techniques de cet accord, entré en vigueur en 2005 (12 ans) malgré les bouleversements politiques intervenus, depuis, dans la région euro-méditerranéenne (printemps arabe, destruction de l'équilibre géopolitique au Maghreb, avec l'effondrement de la Libye, par exemple), malgré l'impact de la crise financière internationale, de 2008, malgré la crise européenne (Brexit), malgré la crise migratoire conséquente, justement, au printemps arabe et la guerre en Syrie, etc.

L'Algérie et l'UE continuent, dans le même couloir de course, entamé en septembre 2015, année de la mise en application de l'accord. Donc, toutes les rencontres régulières, notamment celles semestrielles de suivi de l'application des termes de l'accord, entre les deux partenaires, à de hauts niveaux, entre experts et les nombreuses revendications algériennes, sur tel ou tel aspect de l'accord, n'étaient que des slogans politico-médiatiques destinés à rassurer les inquiétudes de l'opinion publique nationale.

Qu'est-ce qui justifie que l'Algérie fasse l'impasse sur la question de la libre circulation des personnes par exemple ou celle du faible taux d'investissement européen en Algérie ? Apparemment les responsables algériens expliquent leur décision de valider l'accord, notamment avec sa loi de programmation financière 2017- 2020, par l'ambition de promouvoir les exportations, hors hydrocarbures de l'Algérie vers l'Europe: pêche, agriculture, services, ressources humaines etc. Les Européens, eux, sont invités à intensifier, du moins à faire un effort supplémentaire, en matière d'investissement chez nous.

La même antienne, en fait, depuis 2005. Reste une inconnue: comment et par quel moyen ? Pour encourager les exportations algériennes hors hydrocarbures, faut-il qu'elles soient produites, suffisamment, en quantité et en qualité, pour être concurrentielles des productions européennes et celles provenant d'autres continents. A l'heure du «Brexit» et des tentations souverainistes et protectionnistes en Europe, pénétrer le marché européen ne sera pas une sinécure. Déjà que le déséquilibre actuel est significatif (1,6 milliard d'exportations algériennes, hors hydrocarbures, en moyenne tous les ans, contre 22 milliards pour l'Europe en simple biens de consommation), le défi semble immense de rattraper le retard sur le moyen, voire le long terme. A cet aspect purement économique s'ajoute une autre contrainte d'ordre politique: la bureaucratie nationale qui décourage en grande partie les investisseurs européens et étrangers de manière générale. Si l'on ajoute la « réputation » du niveau de corruption qui gangrène le monde des affaires, il y a peu de chance d'arriver à «équilibrer les échanges économiques» comme l'affirment les Autorités algériennes. S'il est évident que l'Algérie, comme l'UE, se doivent de respecter et d'honorer le contrat qu'elles ont signé, en 2002 et mis en application en 2005, cela n'empêche pas les 2 partenaires, notamment l'Algérie, de renégocier ou de réviser (l'Algérie l'a revendiqué, à diverses reprises) des clauses ou des aspects politiques particuliers eu égard à tous les changements (parfois violents) intervenus dans la coopération de l'espace euro-méditerranéen, depuis 2005 et surtout 2011 (guerre contre la Libye et crise migratoire, révoltions en Tunisie, révolte en Egypte, guerre en Syrie, etc.) Idem, le marché mondial y compris celui euro-méditerranéen a subi de profonds bouleversements (crise financière internationale, fluctuations en dents de scie des produits énergétiques, notamment, le pétrole). Du coup la donne géoéconomique et géopolitique de la zone euro-méditerranéenne que souhaitent construire l'Europe et l'Algérie n'est plus la même pour garder le statu quo et la même vision de l'Accord d'association qui date de 2005. Il ne s'agit pas de l'abroger ou de ne pas respecter les objectifs qu'il contient, mais plutôt de l'adapter, en fonction des impératifs intervenus, ces 12 dernières années, dans la zone euro-méditerranéenne.

L'exemple de la Grande-Bretagne, pourtant membre de l'UE, ne l'a pas empêchée de quitter carrément l'UE parce qu'elle ne trouvait plus son compte. L'Algérie est-elle, en mesure, aujourd'hui de négocier de meilleures conditions de coopération avec l'UE ? Certainement, cela dépendra de sa volonté de mener à terme les « réformes », à tous les niveaux politiques, économiques, sociaux...pour ne pas être dans une situation de dépendance éternelle vis-à-vis de l'Europe. Pour ne pas « valider », comme à chaque fois, « l'évaluation » de l'Accord d'association, pourtant si bancal, aujourd'hui, et avec une Europe en proie elle-même, aux tentations protectionnistes chez elle et envahissante (impérialiste) chez les autres.