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9ème Festival du théâtre arabe: Polémique et chauds débats autour du premier texte arabe

par Mokhtaria Bensaâd

  Qui a la primauté du texte théâtral arabe ? Quel est l'origine du théâtre arabe ? Deux questions qui ont fait polémique, dimanche dernier, lors de la confrontation directe entre deux chercheurs arabes, l'Algérien, Makhlouf Boukrouh et l'Egyptien Sayid Ali Ismail, organisée à l'hôtel « Le Méridien » dans le cadre de la 9ème édition du Festival du théâtre arabe qui se tient, pour la première fois en Algérie, à Oran et à Mostaganem, du 10 au 19 janvier. Une confrontation intéressante qui a fini par prendre une tournure politique du fait que le débat houleux qui a eu lieu dans la salle, en présence d'hommes de théâtre, d'écrivains arabes et d'universitaires tournait autour d'Abraham Daninos, considéré par Makhlouf Boukrouh, comme un Algérois d'origine juive (1798-1872) comme l'auteur de la première pièce théâtrale arabe. Il a affirmé que les prémices du texte théâtral arabe reviennent au Maghreb, en Algérie et la calligraphie est d'origine maghrébine. Une thèse qui a fortement été contestée par l'Egyptien Sayid Ali Ismail, considérant l'attribution de la primauté du texte théâtrale arabe à un auteur juif comme « un complot sioniste » monté contre le véritable père du texte théâtral arabe, ?Maroune El Nakkache'.

Cette 2ème confrontation entre les deux chercheurs, puisque la première a eu lieu, en 2014 et pour laquelle la commission de jury, composée de Philip Sadgrove, professeur à l'Université de Manchester et de Antoine Maalouf du Liban avait tranché pour Maron Al Naqqach, devait se baser sur des arguments solides et une documentation tirée de l'Institut national des langues et civilisations orientales (BULAC) basée à Paris. Pour le professeur Boukrouh, Daninos est l'auteur du premier texte théâtral, en 1847, en référence à une dédicace qui accompagnait le texte de la pièce théâtrale «Nazahat al mushtaq wa ghusst al ushaq fi madinat tiryaq bi l'irak» . Traduction, « Le plaisant voyage des amoureux et la souffrance des amants dans la ville de Tiryaq en Irak », transcrite par Daninos, lui-même et imprimée en lithographie. Dans sa dédicace, Abraham Daninos a écrit, « A Monsieur (?), membre de la société asiatique hommage de l'auteur Abraham. Daninos ». Un document et une preuve qui n'a pas été facile à avoir, a expliqué le professeur Boukrouh de l'institut BULAC, si ce n'était l'insistance et la persévérance du chercheur. Chose que le chercheur égyptien a rejeté en bloc arguant que Daninos n'a jamais écrit de pièce théâtrale du fait qu'il était un citoyen français, né à Alger. Il était employé au tribunal du commerce comme interprète juré pour traduire en dialecte algérien lors des audiences avec les musulmans algériens. Le chercheur égyptien attire l'attention que le texte est écrit avec en langue arabe raffinée. Alors que Daninos maîtrisait le dialecte algérien et non pas la langue arabe « fosha ». Il a ajouté que Maron Al Naqqach est le premier qui a écrit un texte théâtral et présenté la pièce « El Bakhil », « l'avare », au mois de février 1847, tandis que Daninos est supposé avoir écrit sa pièce, au mois de novembre 1847. M. Sayid Ali Ismail met en doute l'authenticité de la dédicace en expliquant que le papier utilisé pour la dédicace et celui du texte écrit sont différents de couleur.

Il a déclaré devant l'assistance, « est-il possible qu'un auteur dédicace son œuvre dans un papier différent ? » Entre les arguments de l'un et les attaques de l'autre, le débat a vite pris une tournure politique en mettant en avant le complot sioniste. Une accusation de Sayid Ali Ismail. M. Boukrouh se défend en déclarant, « je suis contre la normalisation des relations avec Israël et c'est l'avis de tous les Algériens ». Pour mettre fin à ce débat, la commission du jury devait statuer sur la question. Son verdict a été un non évènement, puisqu'elle a considéré qu'il existe des prémices du texte théâtral arabe et que les recherches devraient se pencher dans ce sens pour éclairer l'opinion publique. La commission a préféré laisser la porte ouverte pour la recherche sur le sujet. Seul moyen qui peut mener vers la vérité.