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Forum Africain de l'Investissement: Un rendez-vous à ne pas rater !

par Ghania Oukazi

L'Algérie, le Maroc et la Tunisie ont engagé une folle course contre le temps pour «conquérir » l'Afrique et inciter ses hommes d'affaires à investir chez eux. La manifestation qui s'ouvre, aujourd'hui, à Alger, est dédiée à ce défi.

Pour contrebalancer les effets des deux événements économiques qui se sont tenus, à quelques jours d'intervalle, respectivement au Maroc et en Tunisie, l'Algérie se veut à partir de l'après-midi, d'aujourd'hui et les deux jours qui suivent, être l'hôte de la plus grande manifestation économique du continent africain. Elle réunit, à ce titre, près de 2.000 entreprises, 150 décideurs et près de 200 exposants autour de l'expression, dit le communiqué du comité organisateur intersectoriel : «Travailler ensemble pour réussir ensemble, pour le développement du potentiel économique africain et contribuer ainsi à l'élaboration d'un plan d'action pour l'intensification de la Coopération économique intra-africaine.» La manifestation a été préparée conjointement par le MAE et le FCE (Forum des chefs d'entreprises.)

L'histoire reprochera aux trois pays de l'Afrique du Nord d'avoir failli à l'instauration d'un partenariat horizontal (entre eux) qui aurait contribué, efficacement, à assurer une assise solide et performante à leurs économies respectives et à l'essor de la région, dans sa globalité. Les clivages politiques entre Alger et Rabat, essentiellement en raison de la question sahraouie, ont dilué toute velléité de construction d'un Maghreb uni, fort et créateur de richesses.

Le dernier zèle de Mohamed VI

Les frontières entre l'Algérie et le Maroc posent plus de problèmes en matière d'échanges qu'elles n'en résolvent. Les énormes quantités de drogues qui y sont déversées en permanence, dénotent d'une mauvaise volonté du ?makhzen' d'atténuer de ses provocations à l'égard de l'Algérie, qui plus, sont très souvent relayées par des déclarations politiques intempestives, au plus haut sommet du royaume. Le dernier zèle de Mohamed VI, au Sommet Afrique-Monde arabe de Malabo (Guinée équatoriale) a été d'une incongruité effarante. Le monde arabe n'a pas fait mieux. Les transactions au sein de la zone arabe de libre échange (Zale) ont été émaillées plus de malversations et de tricheries sur la qualité ou l'origine des quelques produits échangés qu'elles n'ont complété les besoins incompressibles des millions de consommateurs. La datte algérienne -pour ne citer que ce produit- n'en a que trop souffert à nos frontières-est.

Dirigé par le ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale, le comité d'organisation intersectoriel de la rencontre, d'aujourd'hui, a tenu à donner le plus d'informations possibles sur l'Algérie qui, faut-il le préciser, est quasiment absente sur les marchés africains. Le «rendez-vous d'Alger », se veut, disent les organisateurs «une opportunité pour tous les entrepreneurs, hommes d'affaires et opérateurs africains qui souhaiteraient être une partie prenante de la revitalisation de l'Economie africaine et en définitive de la renaissance de notre Continent».

Quand les atouts économiques ne suffisent pas

Le comité fait savoir aux invités africains que l'Algérie s'étale sur 2,382 millions de km², elle est le 2ème producteur africain et le 6ème mondial de gaz naturel, et le 18ème producteur mondial de pétrole. L'Agriculture occupe 20% de ses territoires dont une partie notamment au Sud, recèle de l'or, du fer, de l'uranium, du plomb, du zinc et autres ressources naturelles. Sa côte s'étale sur 1.400 km. Elle possède 112.000 km de réseau routier, en comptant avec l'autoroute Est-Ouest et la transsaharienne. Prévue sur 9.000 km pour relier 5 pays africains, «la route pour l'Unité africaine » reliera Alger à Lagos, en passant par la Tunisie. Il est dit que 8.000 km sont déjà achevés et les 320 km, reliant Tamanrasset à la frontière malienne devraient l'être à fin 2017. L'Algérie prévoit d'étendre son réseau ferroviaire, actuellement long de près de 10.000 km, sur 12.500 km, en 2020. Elle a 11 ports commerciaux, 2 ports pétroliers, 41 ports de pêche, 1 port de plaisance, 32 plate-formes aéroportuaires et 94 barrages.

Il est évident que les atouts économiques, sans les facilitations administratives, en délais et en procédures, ne pourront pas lui faire gagner ce pari ambitieux de lancer des partenariats avec le Continent. Partenariats qui auraient dû se construire dès les indépendances des pays africains, n'étaient le manque de moyens mais surtout l'absence de perspectives politiques saines loin du spectre de la corruption. Affaiblis, les Etats n'ont pu transcender, plus tard, les pressions soutenues notamment, des instances européennes pour conclure des accords d'associations, livrant les économies de l'Afrique du Nord, entre autres, à des programmes qui n'ont jamais permis de les faire émerger comme promis par l'Union européenne.

Le cas de l'Algérie est la parfaite démonstration d'un «partenariat » qui n'a ?boosté' ni l'Economie nationale en tant que potentialités prometteuses et sûres, encore moins les IDE (investissements directs étrangers). Il est clair que l'erreur ne se trouve pas à Bruxelles, même si les Européens cachent mal des arrière-pensées de «mises sous conditionnalités » permanentes des économies de la rive sud de la Méditerranée.

L'équation de la dépendance

L'Algérie n'a pas réussi à s'en démettre parce qu'elle a été incapable de prendre son destin économique en main et comme il se doit. L'équation de sa dépendance des marchés européens reste compliquée et entière. Sa possession du pétrole et du gaz ont fait d'elle un pays à la fierté mal placée et partisane du moindre effort. Les intérêts d'individus ou de clans, la corruption, l'incompétence, les abus de pouvoirs, les atermoiements et les mauvais choix économiques ont, depuis l'indépendance à ce jour, provoqué tous les ratages.

Les économies arabes et africaines, dans leur ensemble, ne sont pas mieux loties, en matière de «salubrité» dans la gouvernance, même si elles ne reposent pas toutes sur la rente pétrolière. Elles sont restées à la traîne sous les influences du modèle occidental qu'elles se contentent d'exporter matériellement, à coups de gros sous, en devises, sans jamais réussir à le reproduire dans leurs sphères, en raison du manque de technicité, d'efficacité et de pragmatisme.

La France-Afrique de l'Elysée n'a pas laissé, par ailleurs, les pays africains francophones s'affranchir de ses intrigues politiques et ses enjeux géostratégiques. L'Afrique a été émiettée par des guerres fratricides, souvent encouragées par les appétences démesurées de ses anciens colons. A cause de tout cet imbroglio politico-historique, le NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique) initié entre les deux mondes, n'a pas fait de miracles. Le continent comptabilise seulement 10% d'échanges intra-africains contre 70% avec l'Europe, 50% avec l'Asie et 22% avec l'Amérique Latine.

«Le développement des échanges commerciaux, entre les économies africaines, est une nécessité à faire valoir à travers le développement des exportations et la promotion des produits nationaux, » pense le comité organisateur du rendez-vous africain d'Alger. C'est, souligne-t-il «une étendue d'opportunités collectives. » Un rendez-vous qui se fixe comme mission de «contribuer à l'intégration économique du Continent, à la multiplication des partenariats interafricains et à l'établissement de relations économiques, mutuellement avantageuses. »

Le test de la diplomatie économique et commerciale

Il faut, cependant, admettre que l'Algérie a une longueur d'avance sur ses voisins concurrents, le Maroc et la Tunisie. Son africanité, elle l'a démontrée, depuis des lustres, en étant «la ?Mecque' des révolutionnaires » notamment africains. La guerre qu'elle a menée contre la France coloniale, pour sa libération nationale, a fait d'elle un exemple de patriotisme à suivre pour et par les peuples opprimés. «Depuis cette lutte mémorable qui va impacter, considérablement, la libération et la décolonisation du continent africain, l'Algérie continue à marquer sa présence, dans toutes les initiatives et les projets prometteurs en Afrique, » disent les organisateurs.

L'Algérie n'a pas lésiné sur les moyens pour inviter l'Afrique chez elle, à titre gracieux. Elle a réquisitionné ses plus grands hôtels et mis carrément le paquet pour que ses invités ne manquent de rien. Alger prévoit de mettre sur la table des discussions avec ses hôtes «l'investissement, les relations public-privé, l'agro-business, l'industrialisation, les infrastructures, l'énergie, le numérique et l'information, en Afrique. » Des réunions B2B seront organisées, tout au long de la rencontre.

Le Centre international des Conférences (CIC) de Club des Pins accueillera la manifestation, dans toutes ses facettes. Il aménagera un «village» pour une centaine d'exposants et pour le ?Networking'. Les Africains ne connaissent pas le marché algérien. La Safex avait fait un premier pas dans ce sens, en prenant l'initiative de concevoir pendant la dernière édition de la Foire internationale d'Alger, un comptoir pour des hommes d'affaires de plusieurs pays africains. L'Afrique manque, aussi, de tout. Aujourd'hui, l'Algérie passe le test de la diplomatie économique et commerciale. Ceci, en attendant que ses représentations diplomatiques, à travers le Continent, prennent le relais et établissent les contacts qu'il faut avec les milieux d'affaires, les vrais.